Ces docteurs qui écument les plateaux de TV et studios de radios et nous font honte !

Joseph Bomda:Camer.beL’un des mérites de notre cher et beau pays, le Cameroun, est le déploiement et la jouissance tout azimut de la liberté d’expression.Cependant, à l’allure où les choses vont, il faut un recadrage objectif, un droit de regard objectif et un suivi/évaluation régularisateur objectif. Sinon, il y a lieu de craindre que la STIGMATISATION claironnée ici et là ne constitue à la longue une menace pour la paix sociale, cette autre qualité que nous tous nous chérissons. Je ne veux pas être taxé d’oiseau de mauvais augure.

Je n’appelle pas non plus à la censure aveugle. J’interpelle toute personne qui intervient sur les chaines de radio et de télévision publique à bien peser ses mots avant de les prononcer. Ceux qui devraient avoir ce retenu en premier sont nos désormais « docteurs-experts-connaisseurs de tout » qui écument les plateaux de télévision et les studios radios et s’autoproclament intellectuels alors même que leur discours démontre du contraire. Devrais-je rappelé qu’être diplômé, avoir un doctorat n’est pas forcément synonyme d’être intellectuel ?

Au nom de la liberté d’expression, une vague de « docteurs-experts-connaisseurs de tout », de vrais SABITOU, menacent notre quiétude par leurs déclarations irréfléchies. Loin de se repentir, ils s’enfoncent en demeurant dans la bêtise lors de leurs prochains passages dans les médias. On les reconnaitra aisément à l’entame de leurs réponses aux questions de journalistes ou en réaction à un contradicteur : je suis diplômé de…en…, je suis docteur en… ; j’ai fait mes études à…, je suis enseignant à…, dans ma vie j’ai fait ci j’ai fait ça…, je suis l’ami de…, sur le plan technique, stratégique, épistémologique, de l’analyse…je pense que… ; j’ai été… etc. Manifestation du culte du diplôme ? Autoglorification ? Narcissisme incontinent d’arriviste ? Recherche de l’admiration des auditeurs et téléspectateurs ? Stratégie de diversion et de manipulation quand on a conscience de la vacuité de son discours ?

À la lecture du Petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens (Joule & Beauvois, 2004), on se rendra aisément compte qu’il s’agit de la manipulation et de la diversion. En a-t-on besoin dans un débat si on est sûr de soi et de ses propos ? A-t-on besoin d’étaler à tous les coups son CV dans un débat public comme si on voulait convaincre par le PARAÎTRE et non l’ÊTRE ? Ces questions méritent d’être posées car nos docteurs semblent ignorer qu’un titre n’est pas un permis de l’omniscience et encore moins du pédantisme.

L’on remarquera que dans leur manque d’humilité et d’honnêteté intellectuelles, nos « docteurs-experts-connaisseurs de tout », à la solde pour certains et à la recherche d’une reconnaissance pour d’autres, tiennent des propos potentiellement dangereux pour le vivre-ensemble dans notre chère et belle Nation. J’en ai honte ! Ma honte est renforcée par le dernier exemple en date.

L’un d’eux, le médiatiquement populeux enseignant à l’IRIC, membre du RDPC, Biyaiste opposé à ses camarades prévaricateurs, successeur traditionnel, ami de et de…, déclarait dans l’émission dominicale Canal presse du 20 janvier 2013 sur Canal2 International (Douala), en réponse au journaliste : « …ce sont des groupes extrémistes… c’est le relais… c’est la résurgence des groupuscules de 1992 où vous aviez l’association des taximen qui venaient du même coin, l’association des étudiants qui venaient du même coin. Vous aviez Djeukam Tchameni qui organisait les cartons rouges… Je vous fait constater que les Teyou, les Célestin Djamen, les Wamba… les Nitcheu Brice sont des groupuscules extrémistes. Ce sont des extrémistes ».

En réponse, un panéliste lui rappelait : « …c’est faux et c’est grave de penser qu’une manifestation des Camerounais à l’étranger, à Genève, est une manifestation d’un groupuscule ethnique… ». Le 22 janvier suivant, notre « docteur-expert-connaisseur de tout » récidivait dans l’émission 4S sur Radio Siantou (Yaoundé). L’échange ici repris faisait suite à la menace infantile de l’état major du CODE (Collectif des Organisations Démocratiques et Patriotiques des Camerounais de la Diaspora) de déloger le Président de la République alors en séjour à l’hôtel continental à Genève (en Suisse).

Outre la vacuité de ses déclarations, notre docteur ne s’était pas gêné de citer des noms (Brice Nitcheu, Bertrand Teyou…) et de les déclarer à consonance Bamiléké. Où situe-t-il Moïse Essoh, Junior Zogo, le soi-disant Général Collins Powels, tous membres du CODE ?

Je me pose une autre question : dans un contexte de mondialisation de la dation des noms, est-il encore objectif de situer quelqu’un dans notre pays par son patronyme ? Plusieurs expériences m’obligent à répondre par non. À Kousseri, j’ai rencontré un fils de Maltam qui s’appelait NDONGO. Son père m’avoua avoir été séduit par le vénéré Charles NDONGO de la CRTV et souhaitait voir son fils lui ressembler. NANA était une fille originaire de Goulfé pourtant elle portait un nom Banganté !

Dans un train entre Liège et Bruxelles (en Belgique), une Blanche m’a donné son nom : TCHASSEM. Elle allait chercher son beau-père à l’aéroport. Plus encore, au nom des relations amicales et professionnelles, on voit des sudistes portés les noms des nordistes, ceux de l’ouest du pays portés ceux du Centres, de l’est etc.

L’exogamie entre des camerounais fait naitre des enfants dont on est incapable de les situer géographiquement par leurs noms. Avons-nous encore besoin de preuve pour comprendre que rien n’arrêtera l’intégration et l’unité nationale sinon la regrettable stigmatisation que je veux ici dénoncer ?

Le scandale des listes(Kampoer, 2011) à l’entrée de certaines grandes écoles du fait de la politique d’équilibre régionale des places impose à certains parents de « faire naître » leurs enfants ailleurs que dans leur univers géographique et tribale d’appartenance. En dépit de ces réserves, situant son propos dans l’analyse qu’il dit être empirique, notre docteur n’avait pas compris sa bassesse intellectuelle. Il avait ignoré que la stigmatisation onomastique rappelle une vie sociale en autarcie aujourd’hui en cours en d’extinction dans le village planétaire. Pis encore, il avait ignoré que la stigmatisation est le terreau de la discrimination belliqueuse et criminogène.

À lui et à ses soutiens et semblables, je veux rappeler qu’au lendemain des attentats de World Trade Center en septembre 2001, tous les musulmans étaient (et sont) devenus de potentiels terroristes. Pourtant ce fut l’œuvre de quelques extrémistes ! Tous les palestiniens subissent les affres de la politique de fermeté d’Israël. Pourtant tous ne sont pas des extrémistes opposés à l’existence juridique d’Israël ! Tous les Noirs n’ont pas une mentalité prélogique. Pourtant tous les Blancs ne sont pas Lévy-Bruhl, Montesquieu, Hegel... Quand bien même Lévy-Bruhl a reconnu s’être trompé (Lévy-Bruhl, 1949), sa théorie de la stigmatisation du Noir (Lévy-Bruhl, 1922, 1928) est demeurée et continue aujourd’hui à justifier certaines formes de discrimination dont sont victimes les Noirs en Occident.

La shoah ; les génocides arménien, rwandais et autres ; la chasse aux sorcières en Côte d’Ivoire après la crise postélectorale de 2010, en Lybie après la mort de Kadhafi en 2011, actuellement au Nord du Mali…, sont des témoins indéniables des conséquences de la stigmatisation sociale. Comment comprendre que cela soit possible par le seul fait de la stigmatisation ?

Eh bien ! D’un point de vue psychosociologique, la stigmatisation facilite la catégorisation et éloigne l’humain de l’effort intellectuel que requiert la compréhension en profondeur des choses et du monde. À ce propos, quand la stigmatisation découle de la position des élites et des représentants du pouvoir, les masses populaires utilisent la source pour ne pas assumer leur responsabilité devant les actes juridiquement répréhensibles.

La simplification du discours des élites et l’ignorance des nuances de leur discours politiques éloignent de la culpabilité des actions répréhensible de la masse. La masse n’a pas de raison. Elle agit par émotion. On verra bien qu’au terme des guerres, ce sont les responsables qui répondent des actes de leur soutien populaire. Je veux bien que notre docteur insiste pour dire qu’il parle des extrémistes Bamilékés. Soit ! Mais qu’il ne perde pas de vue que la population n’a pas son niveau intellectuel pour comprendre la nuance qu’il veut créer.

L’exploitation de l’information en fonction des objectifs et des motivations personnels fait en sorte que la même information sera différemment traitée et exploitée au sein d’une même population. La rumeur en est une marque. Quand elle passe d’une personne à une autre, chacun ajoute du sien au point où à la longue elle n’est plus la même qu’à son point de départ.

Aussi, je demande à notre docteur de nous dire en quoi les actes de Brice Nitcheu, Bertrand Teyou et complices engagent une communauté. Ne pouviez-vous pas faire mention de leurs noms sans les rapprocher de l’ethnie Bamiléké quand on sait que le CODE regroupe des camerounais de la diaspora nonobstant leur tribu d’appartenance au Cameroun ?

Mon souci de contribuer au vivre-ensemble m’oblige, comme c’est le cas pour bien de camerounais épris de paix, Dieu seul sait qu’ils sont nombreux, de faire œuvre de veilleur et d’éveilleur de conscience en refusant des discours potentiellement dangereux pour notre goût prononcé pour la quiétude sociale. Chers « docteurs-experts-connaisseurs de tout », de grâce, parlons et agissons dans le sens d’éloigner de notre cher et beau pays des dérives de la stigmatisation sociale telles qu’on l’a vues ailleurs.

Quand la crise des statistiques à l’UCAC faisait rage il y a peu, je me suis demandé si la stigmatisation potentiellement belliqueuse et criminogène devait passer par l’église catholique romaine. Aujourd’hui encore, je demande à nos « docteurs-experts-connaisseurs de tout » s’ils mesurent la gravité de leur discours et position irréfléchis sur l’ordre public ? Nous nous aimons, tous les camerounais et refusons d’être otage de vos projets politiques !

© Correspondance : Joseph Bomda, Ph.D, Psychosociologue


23/01/2013
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