Cérémonie: Les confessions du Cardinal Tumi sur Atangana Mebara

YAOUNDE - 28 DEC. 2011
© Georges Alain Boyomo | Mutations

A l’occasion de la présentation hier de «Lettres d’ailleurs», ouvrage signé de l’ancien Sgpr, l’archevêque émérite de Douala refait l’histoire de sa relation avec le détenu de Kondengui; Le préfacier du livre avoue avoir de l’admiration pour l’ancien ministre d’Etat; Lire les bonnes feuilles sur le G11.


Atangana Mebara et le Cardinal Tumi - 2011
Photo: © Le Jour


Jean-Marie Atangana Soutien: Les confessions du Cardinal Tumi sur Atangana Mebara

L’archevêque émérite de Douala, en qualité de préfacier, a fait un témoignage émouvant hier au cours de la cérémonie de présentation des «Lettres d’ailleurs : dévoilements préliminaires d’une prise de l’ «Epervier du Cameroun», livre signé de l’ancien ministre d’Etat, secrétaire général de la présidence de la République.

Hier à la «salle Aimé Césaire» de la maison d’édition L’Harmattan, à Yaoundé, on n’était pas fondamentalement dans le scénario décrit par le poète français Lamartine au goût de qui «un seul être vous manque et tout est dépeuplé»: Certes, Jean-Marie Atangana Mebara, la «guest star», en détention à Kondengui depuis 40 mois, n’était pas de la partie (un membre de la famille de l’ancien Sgpr confie que la famille n’a pas demandé d’autorisation au régisseur de ce pénitencier, présumant du sort qui devait être réservé à cette requête), mais s’est fait «représenté» par son épouse, Marie Brigitte Atangana Mebara.

Jolies toilettes, le visage rayonnant, coiffée de longues mèches noires, Mme Mebara arrivera dans la salle bien avant le début de la cérémonie, en compagnie de sa progéniture, dont la candeur se dégageait des pas et attitudes. Avec spontanéité, celle dont l’époux, (dans l’avant propos de l’ouvrage «Lettres d’ailleurs : dévoilements préliminaires d’une prise de l’ «Epervier du Cameroun») salue «la solidité morale et psychologique et les fidèles attentions» s’emploiera à donner de l’accolade aux connaissances qui arrivaient au compte-gouttes. Plus tard, sur l’estrade elle fera part à l’assistance, où l’on n’a retrouvé aucune personnalité politique proche du pouvoir, de sa «vive émotion» et de la sérénité intellectuelle, physique, morale et psychologique de son époux, Jean Marie Atangana Mebara, en dépit des 40 mois de détention préventive. Des propos qui ont recueilli une salve d’applaudissements et de cris vigoureux dans la salle…


Admiration

Mais la présence qui a le plus détonné au cours de la cérémonie de présentation d’hier à la Maison Don Bosco (siège des Editions l’Harmattan), c’était bien celle du préfacier du livre d’Atangana Mebara, le Cardinal Christian Tumi. Il était pourtant annoncé dans le cérémonial, mais son arrivée a semblé surprendre quelques-uns. D’ailleurs, lorsqu’il débarque dans la «salle Aimé Césaire» vêtu d’une soutane, l’assistance donne l’air d’être au garde-à-vous face à l’imposante silhouette du prélat. Lorsque Son Eminence Christian Tumi prend la parole, après l’épais tapis rouge… verbal que lui déroule le modérateur Romuald Victorien Ntchuisseu, le temps suspend son vol dans la salle. C’est le silence de cathédrale. On peut entendre une mouche voler.

La voix trainante, le verbe dépouillé, l’archevêque émérite de Douala donne la raisons qui l’on poussé à préfacer l’ouvrage de Jean-Marie Atangana Mebara. «Il [Atangana Mebara] est de la région du Centre, je suis de l’extrême Nord-Ouest, mais nous nous rencontrons dans le domaine intellectuel. Si je suis attaché à lui, c’est parce qu’il nous beaucoup aidé, nous les évêques d’Afrique centrale, qui avons osé lancer une université, l’université catholique d’Afrique centrale. En dépit du dialogue et des négociations avec l’Etat, les choses traînaient et Mebara, en sa qualité de ministre de l’Enseignement supérieur, sur instruction du président de la République, Paul Biya, a signé l’acte créant cette université», souligne le Cardinal Tumi, qui est venu «spécialement» de Douala, à en croire Mme Mebara, pour cette cérémonie.

Ce ministre du culte confiera ensuite avoir rencontré Mebara «pendant trois minutes» à Mvolyé, quartier de Yaoundé où se trouve le siège de la Conférence épiscopale nationale. «Le chef de l’Etat l’avait envoyé me rencontrer parce que j’avais lancé une radio sans autorisation et le ministre de la Communication [Jacques Fame Ndongo, ndlr] avait donné l’ordre de fermer cette radio. J’ai écris au chef de l’Etat et deux semaines plus tard ma lettre, il a envoyé Mebara venir me rencontrer», indique Son Eminence Christian Tumi.

La 3e fois où le Cardinal et l’ancien Sgpr, selon le témoignage du premier cité, se sont rencontrés, c’était à l’université de Buéa au cours d’une cérémonie de remise des diplômes. Celui qui était alors le patron de l’Enseignement supérieur, s’est, d’après le Cardinal Tumi, «levé avec les autres pour me donner une standing ovation». Enfin, le fait qu’un homme «privé de liberté», pour qui le Cardinal confesse avoir de «l’admiration», puisse écrire un livre a également incité ce dernier à préfacer l’opuscule édité aux Editions L’Harmattan.

«Il faut lire très attentivement ce livre qui soulève des problèmes dont les solutions ne se trouvent pas dans le livre. Ce livre va nourrir ma réflexion en cours sur l’éthique humaine». Des propos qui prolongent l’argumentaire développé l’archevêque émérite de Douala, qui avait déjà fait une apparition au tribunal de grande instance du Mfoundi «pour aller saluer Atangana Mebara qui passait en jugement», dans la préface des «Lettres d’ailleurs» : «C’est (…) en homme libre, en pasteur soucieux d’avoir une justice équitable pour tous dans notre pays, que j’accepte de répondre à la demande de Jean-Marie Atangana Mebara d’écrire cette préface. Comme le lecteur aura l’occasion de le découvrir, cet opuscule est l’expression de la foi de son auteur. Il a mis le temps de son incarcération à profit pour réfléchir, méditer et léguer aux générations futures l’expression de cette foi», révèle l’homme d’église. Précision du modérateur : la cérémonie de dédicace de l’ouvrage d’Atangana Mebara aura lieu jeudi dès 11h au Tribunal de grande instance du Mfoundi en marge de l’audience qui mettra en scène l’ancien Sgpr.

Georges Alain Boyomo


Jean-Marie Atangana: Voyage intérieur… loin de l’Albatros

Dans son ouvrage, l’ancien «vice-Dieu» retrouve son élan de séminariste et nie les accusations portées contre lui.

En parcourant quelques «Lettres d’ailleurs : dévoilements préliminaires d’une prise de l’ «Epervier du Cameroun» de Jean-Marie Atangana Mebara, le lecteur prendra certainement à son compte ces déclarations du préfacier, en l’occurrence le Cardinal Tumi : «Dans un style littéraire d’une clarté extraordinaire et d’une simplicité touchante, on est pris par le récit qui se lit comme un roman. L’ancien séminariste de Mbalmayo, a bien maitrisé ses leçons de grammaire et l’art de bien conter les évènements de l’histoire de sa vie !». On constatera, en outre, que Jean-Marie Atangana Mebara, dans ses «Lettres d’ailleurs» inspirées, fortement, selon l’auteur, de l’ouvrage «L’épreuve» du député français Julien Dray, est une leçon d’humilité et de compassion, grandeur nature dispensé à ses «familles», qui seraient gouvernées par un esprit vindicatif.

Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le chapitre 1er de ce livre de 319 pages commence par les «dix commandements paradoxaux» écris par Keith M. Keith. Plus loin, l’ancien ministre d’Etat cite différents auteurs pour exalter le pardon. Florilège : Alan Paton : «il existe une loi implacable… quand on nous inflige une blessure, nous ne pouvons en guérir que par le pardon». Jean-Paul Samputu : «seule une culture du pardon pourra mettre fin aux cycles de violences et du désespoir et enclencher de nouveaux cycles d’espoir et de pardon». Naim Ateek : «Non seulement le pardon ne vous laisse pas faibles et vulnérables, mais il laisse une grande force à la personne qui l’accorde et à celle qui reçoit». Martin Luther King : «Pardonner ne signifie pas ignorer l’offense, ni camoufler d’une étiquette trompeuse un acte répréhensible. Pardonner signifie plutôt que méfait n’est pas un obstacle à la relation. Le pardon est le catalyseur qui créé les conditions nécessaires à un nouveau départ».


Part de vérité

S’agissant de compassion, Atangana Mebara abat aussi ses cartes : «Je veux me joindre aux quelques rares camerounais qui, individuellement ou à travers une association de leur création contribuent à faire vivre l’espoir en prison. Parmi les personnes les plus actives ici, il convient de citer le footballeur Eto’o Fils Samuel, la fille de Ndi Samba et Mme Georgina Tsala… Moi aussi je crois avoir beaucoup reçu de la vie, gratuitement sans que j’aie quelque mérite particulier ; je sens au plus profond de moi qu’il est de mon devoir de donner aussi gratuitement à d’autres pour que cette chaine de solidarité ne se coupe jamais…».

Du reste, le ministre, qui clame son innocence, n’a pas oublié la déclaration faite le 1er août 2008 avant d’être placé en garde-à-vue : « … je voudrais réaffirmer ici que toutes les missions ou instructions qui m’ont été données par le chef de l’Etat, j’ai essayé de les mettre en oeuvre du mieux de mes capacités humaines en associant chaque fois que possible mes collaborateurs directs ou ceux des structures et administrations compétentes (…)

L’urgence de certaines situations a conduit le secrétaire général de la présidence de la République ou d’autres hauts responsables de l’Etat à adopter des procédures spéciales afin de résoudre les situations de crise ponctuelles. A aucun moment, je n’ai, dans l’exécution de ces instructions, essayé de satisfaire ou de poursuivre des intérêts personnels. Je fais remarquer à l’enquête que je ne dispose d’aucun compte bancaire à l’étranger. J’ai fait de mon mieux pour servir l’Etat et le président de la République avec loyauté, probité, efficacité et désintéressement. Je reste disposé à contribuer dans toute la mesure du possible au triomphe de la vérité dans ces affaires».
Sous réserve d’autres «dévoilements», Atangana Mebara sert donc à l’opinion un «petit document», fort d’une conviction: «au cas où je devrais m’en aller comme mes co-détenus (M.Moutapen, Booto à Ngon, Raymond Kaltjob, etc.), ceci constituera ma part de vérité, sur cette partie de l’histoire de ma vie».

G.A.B


Bonnes feuilles: A propos du G11

«L’autre vraie-fausse accusation, moins drôle, c’est ce «serpent de mer» que l’on a appelé le G11 : des médias locaux l’ont défini comme «un groupuscule constitué de pourvoiristes, collaborateurs directs du chef de l’Etat, ayant bénéficié ou bénéficiant encore de sa confiance à diverses positions, s’étant fixés pour objectifs, de lui succéder en 2011» (d’où l’appellation Génération 2011).

A l’époque où cette histoire démarrait, je dois avouer que je lui avais réservé le même degré d’indifférence que j’accordais à toutes les affabulations dont les services de la Présidence étaient régulièrement inondés. Face à la persistance de la rumeur et à l’accroissement du nombre de ceux parmi les hauts responsables de l’Etat, qui y accordaient de plus en plus de crédit, j’avais, plus tard, suggéré qu’une enquête soit ouverte, y compris éventuellement avec la collaboration des services spéciaux extérieurs, afin d’être fixés et d’éviter de se laisser distraire par une machination visant à destabiliser certains collaborateurs du chef de l’Etat. J’ignore si une telle enquête a pu être réalisée et, le cas échéant, les résultats auxquels elle est parvenue.

Maintenant que ceux qui ont été présentés à l’opinion comme les fondateurs, les animateurs ou les principaux membres du G11 sont sous les verrous, de quoi auraient peur ceux qui détiennent des éléments de preuve contre aux, pour confondre ces «ambitieux et félons», en les mettant à la disposition de l’opinion publique. Le comble de la perversion est, pour quelques esprits, bien inspirés parce que bien placés dans la hiérarchie de l’Etat, de suggérer que ceux qui ont été ainsi accusés d’être les initiateurs et animateurs du G11, apportent la preuve de leur innocence, il leur serait ainsi demandé de prouver que la nébuleuse association G11 n’a jamais existé ou n’existe pas, c'est-à-dire prouver qu’une chose n’a jamais existé n’existe pas.

Ce qui est dramatique, c’est que certains services de sécurité en soient arrivés à affirmer que le G11 est à l’origine des évènements de février 2008, ces émeutes pour lesquelles les gens ont été arrêtés, interrogés, emprisonnés. Qu’aucun de ces individus n’ait pu révéler que telle ou telle personnalité, se réclamant de tel groupuscule, a participé à cette conception, à la planification, au fiancement et à l’exécution des émeutes de février 2008, est pour le moins surprenant.

Pourtant certains services d’information de l’Etat ont continué à soutenir que ces émeutes n’auraient pas connu l’ampleur observée sans la participation du G11. Mais, qui est exactement le G11 ? Peut-on dire que tous les services spéciaux camerounais ont été à ce point défaillants, qu’un groupuscule politique a pu naître, se développer et se renforcer au point de menacer la stabilité du pays, sans qu’aucun de ces services ne s’en soit aperçu ? Pourquoi les preuves de l’implication de ces personnalités dans lesdites émeutes ne sont pas rendues publiques ? Pourquoi ces personnalités n’ont-elles pas été poursuivies pour ces infractions, prévues et réprimées par le Code pénal ?

Je garde le ferme espoir qu’un jour, une crise de remords conduise l’un ou l’autre des auteurs de cette machination à révéler, même dans le cadre de Mémoires publiés post-mortem, les tenants et les aboutissants de ce montage appelé G11».


Les faits

Chefs d’inculpation

Consécutivement à la disjonction de la procédure, la situation judiciaire de Monsieur ATANGANA MEBARA peut ainsi se trouver résumée : il se trouve poursuivi des six chefs d’inculpation suivants et les chefs de poursuite formulés à son encontre sont les suivants:

1) Ensemble et de concert avec OTELE ESSOMBA Hubert Patrick Marie et d’autres individus non identifiés, tenté d’obtenir frauduleusement la somme de 29 000 000 US dollars appartenant à l’Etat du Cameroun

2) Dans les mêmes circonstances de temps et de lieu que dessus, toujours ensemble et de concert avec d’autres individus non encore identifiés, tenté d’obtenir frauduleusement la somme de 4 000 000 000 F CFA appartenant à l’Etat du Cameroun,

3) Toujours dans les mêmes circonstances de temps et de lieu ci-dessus spécifiés, ensemble et de concert avec OTELE ESSOMBA Hubert Patrick Marie et d’autres individus, obtenu frauduleusement la somme de 1 500 000 000 F CFA appartenant à l’Etat du Cameroun, somme d’argent virée par la SNH dans les comptes de la Société APM, prétendument, pour payer des arriérés de loyers dus par la CAMAIR à ANSETT, aucune trace dudit paiement n’apparaissant dans les livres de la CAMAIR

4) Toujours dans les mêmes circonstances de temps et de lieu que dessus spécifiés, ensemble et de concert avec d’autres individus non encore identifiés, fait virer la somme de 720 000 000 (sept cent vingt millions) FCFA par l’Etat du Cameroun à son ambassade de Washington, somme d’argent dont aucun justificatif n’est produit

5) Dans les mêmes circonstances de temps et de lieu que dessus spécifiés, ensemble et de concert avec d’autres individus non encore identifiés obtenu ou retenu frauduleusement la somme de 657 511 470 représentant le différentiel des quatre milliards qu’il a fait virer par la SNH au profit de ANSETT en paiement des créances de cette dernière sur la CAMAIR

6) Complicité de détournement de deniers publics, de la somme de 5.000.000 USD.

Repères
- 2008 (1er août) : Interpellation de Jean Marie Atangana Mebara ;
- 2008 (06 août) : Inculpation par le juge d’instruction et incarcération à Kondengui ;
- 2009 (05 février) : prorogation du mandat de détention provisoire ;
- 2009 (10 mars): Rejet de la demande de libération immédiate ;
- 2010 ( 11 janvier ): le juge d’instruction rend une ordonnance de disjonction de procédure ;
- 2010 ( 05 février 2010) : notification de l’ordonnance de renvoi aux accusés ;
- 2010 (29 juillet) : ouverture du procès devant le Tgi du Mfoundi ;
- 2010 ( 02 décembre) : rejet des exceptions de nullité soulevées par la défense ;
- 2011 (10 février) : Audition du premier témoin de l’accusation ;
- 2011 (1er juin ) : Fin des auditions des témoins ;
- 2011 (06 octobre) : rejet par le Tgi de la demande de nullité de procédure ;
- 2011 (20 octobre) : un premier témoin témoin à charge disculpe Mebara ;
- 2011 (10 novembre ) : un autre témoin de l’accusation disculpe l’ex-Sgpr.



02/01/2012
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