Centrafrique : Virage vertueux à 180 degrés

Michel Djotodia:Camer.beLe Premier ministre centrafricain a nommé, dimanche 31 mars 2013, un nouveau gouvernement d’union nationale. Forte de 34 membres, l’équipe est composée de 9 membres de la rébellion Séléka qui ont la mainmise sur les postes-clés, de 8 ministres issus de l’opposition, de 16 de la société civile et d'un proche du président déchu, François Bozizé.Mais s’il est quelque chose qui a fait l’événement ce week-end au bord de l’Oubangui-Chari, c’est bien les surprenantes déclarations du président autoproclamé, Michel Djotodia.

Enfin des nouvelles rassurantes en provenance de Bangui, se sont certainement dit nombre d’observateurs politiques de ce pays où l’espérance de vie des régimes est la plus basse du monde.

En effet, vendredi et samedi derniers, le chef des insurgés a clairement annoncé en sanguo, langue nationale du pays, qu’il ne serait pas candidat à l’élection présidentielle prévue en 2016. A l’opposé de l’ambiguïté qu’il a entretenue lors de l’interview accordée à RFI, le lendemain du putsch contre François Bozizé. Au journaliste qui lui demandait ce jour-là s’il quitterait le pouvoir au terme de la transition de trois ans, le chef politique de la rébellion répondait : «Je n’ai pas dit que je remettrais le pouvoir dans trois ans. J’ai dit que j’organiserais des élections libres et transparentes avec le concours de tous».

Il n’en a pas fallu plus pour qu’on y lise, à juste titre, les prémices d’une logique de confiscation du pouvoir. Et dans un de nos précédents éditoriaux, nous titrions, effarés : «Michel Djotodia : du Bozizé sans Bozizé».

Autant nous avons dénoncé le début de cheminement du nouvel fort de Bangui dans les eaux troubles et aventureuses de l’instabilité politique, autant nous saluerons le nouveau cap qu’il vient de mettre sur la démocratie et la paix sociale.

Musulman soit-il, Michel Djotodia a-t-il été inspiré par le Triduum (les trois jours pendant lesquels l’Eglise célèbre la Passion, la Mort et la résurrection du Christ) ou a-t-il plutôt cédé à des menaces de la communauté internationale ?

En tous les cas, durant le week-end de la Pâques, il semble s’être libéré des démons de la tentation monopolistique du pouvoir pour se réconcilier avec les muses de la transmission démocratique de la plus haute charge de l’Etat. Avec un zest d’esprit de réconciliation. Jugez-en vous-mêmes à travers ces morceaux choisis :

«Je demande à Dieu tout-puissant de nous donner la force et l’intelligence, à moi et mon Premier ministre (...), de bien gérer la Centrafrique pendant les trois ans à venir. Nous allons remettre le pouvoir à celui qui viendra nous succéder». Virage vertueux à 180 degrés.

«Je lance un appel patriotique et fraternel à tous ceux qui ont pris le chemin de l’exil à revenir au pays. Il n’y aura pas de chasse aux sorcières car nous devons ériger la tolérance, le pardon et le dialogue en méthodes de gestion des affaires de l’Etat». Esprit de concorde.

«J’espère être le dernier chef rebelle président de la Centrafrique». Noble espérance.

Nous avons un nouveau Djotodia. En paroles pour le moment.

Reste à mettre tout cela en musique. C’est la seule tâche qu’on attend de lui. En sera-t-il à la hauteur ? Autrement dit, saura-t-il se vêtir de la tunique laissée par le chef de bataillon nigérien, Salou Djibo, qui après le coup d’Etat «salutaire» contre Tanja en 2010, a transmis une année plus tard le pouvoir à un président démocratiquement élu ?

Ou va-t-il préférer la bure de Robert Gueï ? Ce général ivoirien qui voulu confisquer le pouvoir en 2000 après son putsch de décembre 1999. Une palinodie qui lui sera fatale deux après. Dans la confusion du coup d’Etat militaire raté du 19 septembre 2012, l’ex-chef de la junte militaire ainsi que sa femme trouvèrent la mort dans des circonstances jusque-là non élucidées.

Alors, Michel Djotodia sera-t-il le Djibo ou le Gueï centrafricain ?

Ce qui est sûr, il a devant lui l’occasion inouïe de rentrer dans l’histoire et de sortir par la même occasion la Centrafrique des eaux saumâtres de l’instabilité politique. Pour peu que chacun joue sa partition. Car malgré ce virage à 180 degrés, on n'est pas encore sorti de l'auberge centrafricaine. L'opposition a suspendu hier lundi sa participation  au gouvernement. Huit de ses ministres auxquels s'ajoute un de la société civile quittent donc le navire. Soit à peu près le quart de l'effectif.

Elle exige, entre autres, la redéfinition des contours de la transition et une feuille de route précise pour la gestion de la transition.

© L'Observateur Paalga : Alain Saint Robespierre


03/04/2013
0 Poster un commentaire

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 299 autres membres