Casses à l'immeuble de la mort: Paul Biya en colère contre Tsimi Evouna

Yaoundé, 22 Juillet 2013
© André Michel Bayiha | La Nouvelle

A côté du noble pari de l'embellissement et de la modernisation de la capitale du Cameroun, siège des institutions, le zèle débordant de Gilbert Tsimi Evouna alias «Jack Bauer» vient de se heurter aux intérêts supérieurs de la politique des grandes réalisations. Et pour cause.

«Le zèle de la maison me dévore comme un feu». Ainsi pourrait-on décrire l'enthousiasme excessif du Délégué du gouvernement auprès de la Communauté urbaine de Yaoundé, Gilbert Tsimi Evouna, à la fois fou du roi et véritable gendarme du centre-ville, traquant et punissant tout ce qui s'apparente au désordre urbain. Investi dans son rôle de magistrat de la ville, l'homme ne recule devant rien, il bouscule tout et ne semble surtout pas avoir de comptes à rendre à qui que ce soit depuis son arrivée à l'hôtel de ville de Yaoundé. Cependant, si d'une part Gilbert Tsimi Evouna est crédité d'un bon travail dû au fait qu'il a largement contribué à mettre en place un mécanisme efficace de discipline et respect de la voie publique, sans oublier les magnifiques jardins qu'il a érigés sur plusieurs sites yaoundéens, il est d'autre part l'homme qui ne semble pas s'embarrasser de ce que prescrit la politique générale de la nation lorsqu'on a une décision importante à prendre.


Les faits

Samedi 13 juillet dernier, les agents de la Communauté urbaine sous la houlette de «Jack Bauer», escortés par les éléments d'un certain Commandant Eyebe, ont démoli le local groupe électrogène du complexe de l'immeuble ministériel N°1 en cours de réhabilitation. Avant cette date, il faut noter que le 22 mai dernier, la communauté urbaine a notifié la Cnps par le truchement de l'huissier de justice Me Gabriel Emmanuel Ngwé, une mise en demeure d'arrêter les travaux de ce local aujourd'hui détruit avec un délai de rigueur de 7 jours. La Cnps à son tour réagira dans une correspondance adressée au Délégué à la communauté urbaine de Yaoundé le 5 juin 2013 avec pour objet «Requête pour annulation de la mise en demeure relative la construction du local groupe électrogène ministériel N°1». Ce courrier signé par Noël Alain Olivier Mekulu Mvondo Akame revient sur la raison d'être technique l'érection de ce local, en expliquant que «l'emplacement choisi a été jugé opportun pour assurer l'optimisation du fonctionnement des groupes électrogènes de puissance nominale cumulée 1000 Kva d'une part, et garantir la sécurité structurelle du complexe d'autre part. Du projet de base ayant prévu la pose des groupes électrogènes en sous-sol des parkings du niveau 00, il parait aujourd'hui que cet espace n'est ni suffisant en termes d'espace ni assez sécurisant au regard des nouvelles normes de sécurité en la matière. En outre, le local terminé sera recouvert de fresques identiques à celles du mur de soutènement du bâtiment A, ainsi l'architecture dudit mur (plans annexes)».

Selon des sources dignes de considération, quelques jours après cet échange épistolaire, une délégation conduite par le Dg de la Cnps s'est rapprochée de Gilbert Tsimi Evouna pour expliquer de vive voix la nécessité la construction du local querellé. Selon nos sources, ce même 5 juin, le Délégué du gouvernement auprès de la communauté urbaine de Yaoundé, après avoir pris connaissance du dossier technique avouera qu'il n'était pas au courant des détails de la construction du local groupes électrogènes et donnera verbale¬ment l'assurance de sa parfaite collaboration pour la continuation des travaux. Mais, contre toute attente, une autre mise en demeure de la communauté urbaine atterrit de nouveau le 4 juillet 2013 chez son voisin de la Cnps, exigeant cette fois que les travaux s'arrêtent et que le local soit détruit dans les 24 heures qui suivent. La suite, on la connaît, c'est-à-dire le 13 juillet 2013, l'engin de la communauté urbaine (Poclin «Anaconda») défonce la sortie parking 00 de la façade côté poste centrale et détruit sans précaution préalable l'édifice en broyant, naturelle¬ment, tout le jardin planté aux alentours et les échafaudages métalliques de l'entreprise chinoise China Shanxi. Les dégâts matériels de cette intervention, selon un expert proche du dossier, sont entre autres, un portail défoncé; une zone de circulation abîmée; un jardin broyé; des échafaudages métalliques broyés; local proprement dit démoli; la cuve à fuel 8000 litres détruite; destruction des 2 groupes électrogènes de marque Caterpillar 500 Kva x 2, le tout évalué à 481 455 315 FCFA. Qui paiera la note?


La colère du Nom Nguii

La première réaction suite à cette bourde de Gilbert Tsimi Evouna, est celle l'entreprise chinoise en charge des travaux de réhabilitation de ce bâtiment baptisé «immeuble de la mort», qui dit en substance au Dg de la Cnps qu'elle ne se sent plus en sécurité tout en révélant que ce chantier devait être livré le 15 août 2013. «Pendant que nous travaillons pour vous satisfaire, on vient détruire les ouvrages un samedi. Les dégâts, qui va les supporter? Je vous demande de prendre des mesures si non, nous allons arrêter ce chantier», écrit-elle. Une source digne de foi précise que l'énervement de l'entreprise chinoise a été relayé aux services du Premier Ministre chef du gouvernement ainsi qu'au Secrétariat général de la présidence de la République.

Et la colère du Chef de l'Etat ne s'est pas faite attendre, car, indique une source, il avait déjà eu une parfaite connaissance de la plus-value que ce bâtiment apporte à l'embellissement de la ville de Yaoundé. Lors du dernier sommet du golfe de Guinée, il se serait rendu nuitamment sur les lieux et aurait sûrement félicité cette initiative louée par certains de ses pairs présidents africains présents à cette rencontre, les Chinois ayant allumé les projecteurs qui, la nuit, en font un édifice de rêve digne des gratte-ciels de Pékin. Le 15 août prochain allait donc être la date de l'annonce de la toute première grande réalisation, mais Tsimi Evouna en décidera autrement. A croire que c'est lui qui dirige la République.


Tsimi Evouna, bras séculier d'un réseau?

D'autre part la colère de Paul Biya viendrait du fait que Tsimi Evouna s'est trompé de cible. En effet, en faisant comme s'il punissait la Cnps, c'est en réalité à l'Etat du Cameroun qu'il cause un énorme préjudice, étant entendu que la Cnps n'est qu'un locataire et non le propriétaire du bâtiment.

Cette question mérite plus que jamais d'être posée au moment où une autre information relative à la réhabilitation de cet immeuble indique que le projet de la sécurisation et de l'opérationnalisation de ces lieux ne date pas d'aujourd'hui. Le lieu étant devenu une preuve indiscutable du règne de l'insécurité dans la capitale politique à l'époque, avec selon l'entreprise chinoise, près de 1000 paires de chaussures, des sacs à main de femmes et des squelettes humains retrouvés à l'intérieur des locaux. Une source indique avec assurance qu'une étude menée par certains membres du gouvernement évaluait le coût des travaux de réhabilitation de cet immeuble à 25 milliards de FCFA. Cependant, la Cnps qui ne néglige pas l'immobilier et voyant qu'aucune initiative n'était visiblement prise pour l'amorce de ce projet, s'est proposée de s'occuper de la réhabilitation de cet «immeuble de la mort», en proposant avec une étude menée par l'entreprise chinoise un moindre coût de 13 milliards de FCFA.

Le Premier Ministre à qui appartenait la décision, aurait eu, dit-on, toutes les pressions du monde, pour empêcher la réhabilitation du bâtiment à ce prix. Les 12 milliards épargnés par l'Etat du Cameroun seraient donc à l'origine de l'énervement des membres des connexions mafieuses aujourd'hui qui ont manqué par-là, l'occasion de se mettre plein les poches. Comme à l'accoutumée. C'est tout logiquement donc qu'on pense que le Délégué du gouvernement qui n'a pas semblé opposer une résistance la première fois que le dossier technique lui est parvenu, serait téléguidé par des hommes tapis dans l'ombre. Ceux-ci malheureusement, comme nous l'avons souvent décrié, sont un véritable caillou dans la chaussure de Paul Biya, du fait qu'ils sapent en permanence tous ses efforts de construction d'un pays où il fait bon vivre.

En attendant l'arbitrage du Pm sollicité dans cette désormais affaire Cnps/Cuy, une rumeur parle d'une plainte en préparation de la Caisse nationale de prévoyance sociale, à toutes fins utiles. Si l'affaire est portée devant les juridictions, il sera intéressant de voir comment l'Etat va se battre contre lui-même, à cause de l'abus d'autorité, la mégalomanie et l'obéissance aux principes des réseaux qui constituent le cimetière même de toutes les bonnes intentions du Président de la République.


22/07/2013
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