CARBURANTS: Le FMI persiste sur la fin des subventions

Yaoundé, 21 Novembre 2012
© Parfait N. Siki | Repères

Son regard sur les perspectives économiques du Cameroun reste sévère sur les dépenses en vue de soutenir les prix des carburants à la pompe. Tout comme il émet des doutes sur le choix de l'agriculture comme support de l'émergence économique.

Mme Boriana Yontcheva, la nouvelle représentante résidente du FMI au Cameroun, a pris la mesure de la sourde oreille du gouvernement devant un sujet embarrassant. Alors qu'elle présentait les perspectives économiques du Cameroun, le 16 novembre à Yaoundé, elle est revenue sur la question de la suppression des subventions des carburants. Le ministre des Finances, M. Alamine Ousmane Mey, le directeur général de la Caisse de stabilisation des prix des hydrocarbures (CSPH), M. Ibrahim Talba Malla, M. Jean Tchoffo, président du Comité technique de suivi des programmes économiques ont presque étouffé un rire, ont partagé un regard bien entendu, pendant qu’un murmure parcourait la salle. Insensible, Mme Boriana Yontcheva a poursuivi la démonstration déjà connue du gouvernement que les subventions coûteront 400 milliards l'Etat en 2012, soit la moitié du budget d'investissement public.

Selon le FMI, les subventions des carburants sont aussi responsables des difficultés de la SONARA, qui supporte en première ligne le coût de l'operation décidée par l'Etat. «Le montant cumulé de ses obligations envers la SONARA à fin 2011, y compris l'encours des arriérés à fin 2010, était de 445 milliards (3,7% du PIB) », écrit le FMI.

Dans son rapport sur la situation économique du Cameroun et ses perspectives, le gouvernement affirme : «Dire que les subventions énergétiques profitent surtout aux riches est quelque peu spécieux car les riches bénéficient de beaucoup d'avantages parfois exclusifs. Ainsi, les distorsions de prix ou de concurrence profitent aux entreprises dont l'actionnariat exclut les pauvres. La question du ciblage semble donc secondaire à bien des égards.» Et il poursuit : la réduction des subventions « fait augmenter l'inflation et, surtout, est préjudiciable voire fatale aux pauvres.

Pour le gouvernement, cette question n'est pas qu'une succession de chiffres, elle exhale une forte odeur de souffre et porte les germes d'une explosion sociale, comme il a pu s'en rendre compte lors de sa dernière velléité de réduire les subventions en juillet dernier. Depuis, les autorités publiques ont renoncé à ce dossier brûlant, et se contentent de regarder le FMI dérouler les inconséquences liées aux subventions des produits pétroliers.

Au cours de la présentation des perspectives économiques du Cameroun, à laquelle a assisté M. Mario de Zamaroczy, chef d'une mission d'évaluation du Fonds en cours dans le pays, Mme Boriana Yontcheva s'est laissé aller à une évaluation du pourcentage de l'agriculture dans le PIB des pays émergents ou en voie de l'être, notamment ceux de l'Asie du Sud, le Ghana, l'île Maurice et la Tanzanie. Il apparaît que ces pays ont sensiblement diminué, entre 1995 et 2010, la part de l'agriculture dans leur PIB. Les pays d'Asie du Sud sont passés de 25% à moins de 15%. Par contre, la part de l'agriculture dans le Pm camerounais progresse au fil des temps, allant de 20% à plus de 25%.

Décryptage : les pays qui ont pris le chemin de l'émergence ne se sont pas appuyés sur l'agriculture, qui est le cheval de bataille du gouvernement camerounais. Mme Boriana Yontcheva a invité le gouvernement à faire un choix clair sur comment il entend construire l'émergence du pays. Le ministre des Finances a observé qu'un pays comme l'île Maurice ne se passe de l'agriculture que parce qu'il n'est pourvu d'aucune disposition pour en faire son argument majeur. Au contraire du Cameroun qui possède quasiment tout ce qu'il faut : le sol, le climat et les hommes. Une façon de répondre au FMI : si vous pensez qu'on fait un mauvais choix, vous vous trompez.

Autre signal d'alarme tiré en sourdine par le FMI, la courbe de la dette publique, qui pointe de nouveau vers le haut. Mme Boriana Yontcheva concède que le «niveau d'endettement est faible», soit 16% du FIB, mais devrait franchir les 20% en 2013. Il était de moins de 10% en 2008, soit moins de 1000 milliards. Une satisfaction : la diversification géographique des partenaires commerciaux du pays. Parce que la part de l'Union européenne dans les exportations est passée de 613% en 2004 à 38% en 2010, le pays ne subit pas trop les effets de la crise qui frappe le Vieux continent.


21/11/2012
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