Camille Mboua-Massok: «Le départ de Biya ne correspond pas à notre vision»

YAOUNDÉ - 30 Aout 2012
© Théodore Tchopa | Le Jour

Le secrétaire général de la Nouvelle dynamique nationaliste africaine évoque ses procès et analyse le climat politique au Cameroun

Votre nouveau procès s’est ouvert le mois dernier au tribunal de première instance de Douala Bonanjo, quelques semaines après votre interpellation. Pouvez-vous nous raconter votre garde à vue?

De nouveau procès, il s’agit bien entendu de celui qui fait suite à notre arrestation, mon compagnon Yon Mbok, un militant du mouvement politique dont je suis le secrétaire général du moment, et moi-même, lundi 11 juin 2012, non loin de la salle des fêtes d’Akwa.

Il est plus de 16h lorsque les éléments de la brigade de gendarmerie officiant en ce lieu nous somment d’arrêter la diffusion des messages que nous avions mission de populariser. Nous sommes alors conduits auprès du commandant de la brigade installé à la salle des fêtes. Nous sommes escortés quelques instants après au groupement de gendarmerie sis non loin de la direction des Douanes à Douala. Ici, le lieutenant-colonel Ze Onguene, maître des lieux et commanditaire de notre arrestation, nous conduit à son bureau. La brutalité à laquelle il nous soumet personnellement, avec une expression visible de haine, est des plus déplorables. A la suite de cette séance de brutalité aveugle, ma canine gauche inférieure porte des stigmates perceptibles.


L’opinion était sans nouvelles de vous depuis la dernière élection présidentielle où vous étiez très actif. Votre soutien aux bendskineurs n’est-il pas de la récupération?

Dans une large mesure, mon action politique militante est le reflet même de ma proximité permanente bien marquée avec la classe citoyenne dite «peuple d’en bas». Je dois vous faire remarquer une, deux, trois choses. D’abord, que ladite opinion ne saurait le soutenir du moment où les seuls pôles de résistance et d’expression nationaliste qui restent de l’échéance dont il s’agit, ce sont ces procès qui nous mettent par les tribunaux interposés, les partisans de la Nodyna, et moi-même, face au pouvoir totalitaire de Biya. Par ailleurs, par un volet de votre question, vous feignez de ne pas vous rappeler que dès le 18 novembre 2011, la Nodyna sous le titre «1ère déclaration politique post électorale», indiquait comme de nature, par une déclaration, le cap sur la conduite future de l’opération Résistance jusqu’au b0u200t, compte-tenu de la situation politique relevant de la non-crédibilité de l’échéance concernée.


Comment appréciez-vous les lettres de l’ex-Minadt et ex-Sg/Pr, Marafa Hamidou Yaya, au chef de l’Etat et au peuple camerounais?

Je n’ai que peu de considération pour quiconque a cautionné la soustraction des caisses publiques de colossales sommes, par vol ou par laxisme, surtout au moment même où il est sollicité des groupes sociaux les plus nécessiteux qu’ils serrent sans cesse la ceinture. Au moment où il est demandé aux hôpitaux publics de se transformer en mouroirs par une absence avérée du minimum pour sauver des vies, aux étudiants du supérieur, futures élites du pays qui plus est, d’avaler jusqu’à la lie la coupe de la misère, l’indigence qu’engendre l’absence du minimum sans lequel il devient tout à fait irréaliste d’envisager le succès à ce niveau, et aux établissements scolaires et universitaires de ne transmettre, par manque d’outils, que les résidus du savoir. Au moment où il est recommandé à la jeunesse de se résigner à la débrouillardise sous toutes ses formes, et ce, à l’unique but de satisfaire les ego de grandeur d’un homme. Les dépenses de prestige du genre, entre autres, de milliers de milliards de Cfa, pour l’achat d’un aéronef aux retombées nationales douteuses, constituant pour nous, des crimes.

Retournons à votre question: l’occupation des postes de secrétaire général de la présidence de la République et de ministre de l’Administration territoriale ne pouvait que permettre à mon cohéritier auquel vous faites allusion, d’avoir une idée des plus précises sur la lutte que je mène depuis des décennies. Et je mesure la douleur, la peine et les difficultés qui l’affligent certainement dans son nouveau costume de personne non préparée à vivre dans un tel conditionnement. Alors, s’il est convaincu que les correspondances qu’il rend publiques sont de nature à lui apporter tant soit peu un équilibre moral ou de tout autre genre, je ne puis que l’encourager. Le mérite de celui dont la situation vous a inspiré la présente question est d’avoir refusé d’observer le double serment de patience et de fidélité après certainement s’être rendu compte qu’il est dans de sales draps au moment où, sans perspectives de suite avantageuse, certains de ses partenaires et camarades ayant appartenu avec fidélité à la même bande sont dans la situation qui est désormais la sienne, pour beaucoup, depuis de nombreuses années.

De toutes les façons, pour nous autres, avertis, le concerné ne nous émeut pas, du moment où ses interventions dont la presse est friande n’ont rien de ce qui pourrait être considéré comme étant une œuvre de Julian Assange, une action de WikiLeaks à la camerounaise, tant la plupart de ce qui ressort de ses missives ne nous est que peu étranger. Pour dire que j’attends davantage ; ce que j’avais déjà dit à Eboa Samuel, à Sengat Kuoh entre autres (paix à leurs âmes). Mais si pour le Cameroun les sorties médiatiques dont il s’agit n’ont à vrai dire aucun apport de portée significative, l’ego de mon cohéritier écroué désormais à la nouvelle ‘’prison’’ située au Sed ne peut que s’autosatisfaire. Du moment où il demeure vrai qu’au plan politique, je le dis sans haine aucune, il ne pouvait trouver meilleur plateau pour, par de simples lettres ouvertes, sans rien en plus, imposer sa présence dans certains esprits et éblouir beaucoup parmi les moins édifiés, les âmes faibles et affaiblies à la recherche inconditionnelle, je ne dis pas aveugle, des hommes-messies.


Des partis de l’opposition le Groupe des sept annoncent la tenue prochaine à Bamenda d’un grand forum élargi à la société civile. Comment appréciez-vous cette initiative?

Si tant est que c’est pour faire avancer les choses vers la réalisation de nobles desseins pour mon pays, je ne peux qu’encourager toute orientation qui n’ait pas pour seul mérite d’être annoncée. Le propre de tous les accompagnateurs électoraux du couple Biya-Fru Ndi, tels qu’ils se sont identifiés à l’aune de la présidentielle d’octobre 2011, est que, ayant souscrit avec intéressement au pacte du «silence républicain», ils ne paraissent pas prompts à évoluer sur un autre terrain que sur celui des déclarations sans réelles perspectives d’action militante. Pour s’en convaincre, prenez une calculatrice et comptez combien de déclarations de même type, depuis la constitution de ce groupe en octobre 2011, les Camerounais et leurs sœurs ont eueus par vos colonnes des échos. Mais est-ce étonnant que ceux-ci, pour la plupart des meneurs sortis du même moule que celui-là, Biya, soient si attachés aux annonces qu’ils finissent par les confondre aux actions concrètes? La tenue sans délai d’un conclave citoyen pour la refondation du Cameroun en vue de la récupération des mains de la France-des-gouvernants, des clés de la gestion de notre souveraineté est le combat que mènent depuis toujours, la Nodyna et son leader. C’est un combat frontal de rupture d’avec le statu quo entretenu depuis un cinquantenaire. C’est une permanente lutte de terrain et c’est pour cela que je ne cesse de répéter que «ce n’est ni au Wc, dans la cuisine, ni au salon entre autres, qu’un peuple oppressé, exclu, méprisé par ceux qui détiennent en son sein les charges régaliennes exprime son mécontentement, sa colère; mais plutôt dans la rue en tant qu’espace par excellence d’expression de la volonté du Peuple, le Parlement étant restreint pour la défense des causes face auxquelles l’expression par représentativité amenuise les effets».


Votre combat pour un nouveau code électoral et l’alternance s’est-il essoufflé? Sinon où en êtes-vous?

Mon combat pour un Cameroun où le choix des dirigeants sera véritablement du ressort privilégié du peuple dans une transparence caractérisée est sans repos. Ma lutte pour un Cameroun où l’Etat sera au service prioritaire du peuple dont il sera alors l’émanation n’est pas conjoncturelle. C’est pour cela que cette lutte est intégrée désormais dans cette opération de refus du statu quo et de résistance citoyenne pour la démocratie et les droits humains baptisée Résistance jusqu’au but en cours au Cameroun depuis février 2011. Par but ici, il faut entendre la chute du régime et au système encore malheureusement agissants et leur remplacement, dans ce Cameroun refondé en perspective, par un système nationaliste et par effet de conséquence un régime fécond au service prioritaire de mon pays. Et me demander où nous en étions, c’est ne pas intégrer que les procès politiques à l’encontre des combattants de la Nodyna sont en étroite ligne avec ladite résistance. Et c’est là que se trouve la ligne de démarcation entre la résistance qui est notre credo, et la politique politicienne menée par exemple par les groupes du genre dont vous veniez de me parler. Pendant que nous, résistants, sommes dans l’action permanente, eux, politiques, ne s’émeuvent en principe que dans la perspective des échéances électorales, avec ou sans réelles garanties préalables de transparence. Pendant que nous, résistants au sein de la Nodyna, restons fermes dans nos options nationalistes définitives, eux, politiques, s’inscrivent, presque toujours, dans ces logiques de compromis douteux, donc, de compromissions, c’est-à-dire, dans une large mesure, de corruption matérielle, entre autres. Je dois ici le réaffirmer, mon choix est définitif et mon engagement total.


La signature de la Nodyna figure derrière une motion adressée au président François Hollande par un certain Conseil national… Pourquoi demandez-vous le départ de Paul Biya?

Il faut bien revoir la motion dont vous faites état. Et lorsque vous affirmez que les signataires, dans cette motion qu’ils auraient adressée au président français du moment, y introduisent le débat sur le départ de Biya du pouvoir, vous voyez bien que rien ne correspond ici ni à notre vision de résistance, ni aux choix de nos options d’action. Il se comprend que ceux qui se proposeraient de continuer à servir les intérêts de la France au Cameroun sous l’autorité de M. Hollande rédigent, signent et expédient à qui de droit un tel papier. Mais, pour nous à la Nodyna, il faut mettre un terme au paternalisme de la France-des-gouvernants dans la gestion de notre cher Cameroun en nous réappropriant des mains de cette France-là les clés de la gestion de notre indépendance. Parler même de ce type de démarche antipatriotique est si inconséquent et donc si déplacé. Et imaginer qu’une signature autorisée de la Nodyna, sous quelque tournure que ce soit, puisse se retrouver sur un tel document est seulement le fruit de cette logique de confusion, qui voudrait que tout paraisse pareil. Et c’est grossier.




30/08/2012
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