Cameroun,Interpellation abusive: Il paye 360 000 Fcfa pour être libéré

Cameroun,Interpellation abusive: Il paye 360 000 Fcfa pour être libéré

Douala:Camer.beDes gendarmes interpellent à des heures et jours prohibés des suspects qu’ils gardent à vue sans aucun mandat. Ils justifient leurs abus par le flagrant délit et n’hésitent pas à se faire payer des "frais de justice" avant toute libération. Ouadjiri Abdoulaye en a fait l’amère expérience à Douala.Même s’il continue de clamer son innocence, Ouadjiri Abdoulaye a versé 360 000 Fcfa aux gendarmes de la brigade des pistes de l’aéroport de Douala pour retrouver sa liberté. "Il fallait le faire pour sortir de là. Bien que les cellules exigües (Ndlr : un peu plus d’un mètre carré) soient propres, certains des gendarmes nous refusaient le droit de nous servir des toilettes et, en plus, rançonnaient chacun de nos visiteurs. Argent, papiers hygiéniques, savons, leur étaient réclamés non sans les insulter à chaque fois", se souvient-il.

Gérant d’un parking de motos au quartier Bonanloka à Douala, il est interpellé sans aucun mandat le jeudi 18 août après 19 heures dans son parking par un gendarme qui va immédiatement retenir sa carte nationale d’identité. En violation flagrante du code de procédure pénale qui proscrit toute interpellation après 18 heures et exige le rappel du motif de l’arrestation au suspect, son droit de garder le silence et de se faire assister par un avocat.

Le prétexte du flagrant délit

Il est alors ramené à dix mètres plus loin près d’un véhicule de marque Toyota dans lequel se trouvent un autre gendarme et un jeune homme qui, à sa vue, précisera aux gendarmes qu’il est bien le concerné. Tous sont alors conduits dans des cellules de la brigade des pistes de l’aéroport de Douala. "Une fois là-bas, j’ai appris que l’homme qui venait de m’identifier était le veilleur de nuit du garage de Finex Voyages. Il soutenait m’avoir vendu au prix de 7000 Fcfa, trois roues de bus usagés volés dans ce garage", explique Ouadjiri Abdoulaye, qui est alors jeté en cellule pour ces faits dont il ne reconnaît pas. Des échanges entre des membres de sa famille venus à son secours avec le commandant de brigade des lieux, il apprend que le plaignant réclame 600 000 Fcfa, soit la moitié au présumé voleur et l’autre à lui-même, le présumé receleur.

Le commandant de la brigade des pistes de l’aéroport de Douala justifie cette arrestation opérée après 18 heures par les circonstances de flagrant délit. "Il n’en est pas un, car aucun des faits reprochés ne justifie le qualificatif de flagrant délit tel que défini par la loi", dénonce maître Ashu Agbor, avocat à Douala. En effet, l’article 103 du code de procédure pénale qualifie de crime ou délit flagrant, " le crime ou le délit qui se commet actuellement ou qui vient de se commettre. Il y a aussi crime ou délit flagrant lorsqu’après la commission de l'infraction, la personne est poursuivie par la clameur publique dans un temps très voisin de la commission de l'infraction, le suspect est trouvé en possession d'un objet ou présente une trace ou indice laissant penser qu'il a participé au crime ou au délit". Or il s’agit ici d’une infraction commise des jours avant l’arrestation du présumé coupable et dont le corps du délit reste introuvable.

De nombreux abus

Au cinquième jour de sa garde à vue abusive (la loi n’en autorisant qu’au plus deux jours renouvelables), la famille de Ouadjiri réussit à trouver la somme de 300 000 Fcfa. Son co-accusé n’ayant toujours pas réagi. Il ne sera pas libéré, car les gendarmes exigent, en plus, 100 000 F de "frais de justice". La somme reçue préalablement étant destinée au plaignant. Après négociation, Ouadjiri va débourser pour cette autre cause 60 000 Fcfa avant d’être enfin libéré. "Il s’agit là d’un cas de violations flagrantes des droits d’un citoyen de la part de ce commandant et de son équipe qui se sont rendus coupables des faits d’abus d’autorité, d’arrestation arbitraire, de séquestration et de concussion. La victime, dans ce cas  doit adresser une plainte au ministère de la Défense ou au commissaire du gouvernement près le tribunal militaire de Douala", martèle maître Ashu Agbor. L’homme de droit conseille par ailleurs à la victime de ne pas saisir le procureur de la République qui, dans ce cas, pourrait s’appuyer sur le privilège de juridiction pour épargner des poursuites judiciaires à ce commandant de brigade.

Ces abus de certains éléments des Forces de l’ordre sont régulièrement dénoncés par les organisations de défense des droits de l’Homme au Cameroun. Sans trop de succès. De plus en plus conscientisées, les victimes n’hésitent plus à porter plainte et obtiennent parfois gain de cause.

© JADE : Charles Nforgang


30/08/2011
0 Poster un commentaire

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 299 autres membres