Cameroun,Faux âges et faux diplômes: Un cancer pour le Cameroun

Cameroun,Faux âges et faux diplômes: Un cancer pour le Cameroun

 

Diplome:Camer.beDes plus hautes sphères de la République aux bas fonds de nos villes et villages, tout le monde est concerné, mais cette situation semble arranger les gens... L’affaire se déroule dans une société d'Etat de la place dont le directeur général décide de procéder un jour au contrôle des diplômes de ses collaborateurs. Pourquoi cette décision brusque ? C'est le patron en question qui avait constaté que chez certains de ces collaborateurs, il y avait un décalage énorme entre le diplôme présenté et le niveau de compétence. Rien que le niveau de langue de certains faisait qu'on doute qu'ils puissent détenir la licence ou le baccalauréat dont ils se prévalaient. Parmi ces collaborateurs, il y en avait un qui étaient en congé au moment où l’enquête avait commencé dans la société.

Dans son dossier, il y avait une copie de baccalauréat alors que selon les informations en notre possession, l’intéressé n'était détenteur que du Bepc. Il reçoit alors un coup de fil d'un collègue de service qui lui demande de venir présenter l’original de son diplôme dan les plus bref délais. Imaginez la suite, notre faussaire qui n'avait jamais eu de baccalauréat n'a plus jamais remis les pieds dans la société, préférant perdre son emploi qu'il n'était d'ailleurs plus sûr de conserver si on découvrait la supercherie.

L'année dernière, un contrôle de diplôme et d'âges avait permis de découvrir que 108 élèves gendarmes étaient dans le faux. Ils avaient été dégagés sans ménagement, radiés des effectifs de nos forces de la défense.

On peut citer à l'infini ces cas de faux diplômes. Il y a celui de cet homme détenteur du Bepc qui vendait, il y a longtemps de cela, des vivres au marché de Mokolo à Yaoundé. Un beau jour, il disparaît et réapparait trois ou quatre ans plus tard détenteur d'un doctorat en droit d'une université française. Grande avait été la surprise de ses condisciples du secondaire quand ils ont appris un jour dans les ondes qu'il avait été nominé directeur dans un ministère dont nous taisons le nom même si l'intéressé jouit de sa retraite depuis de nombreuses années.

L’âge: l’éternel recommencement

S’agissant des faux âges la situation est cocasse. Nous avons pris plusieurs cas pour montrer que la situation est grave.Lors d’un recrutement dans nos forces armées, un candidat s’écroule au cours de l’épreuve de course. II aurait pu mourir, n'eût été la prompte intervention des médecins militaires qui étaient présents. Au cours de l'interrogatoire, le malheureux candidat avait déclaré être âgé tout au plus de 22 ans. Mais l'ayant examiné minutieusement, le médecin déclara qu'il était âgé d'une trentaine d'années. L'homme visiblement se situait effectivement dans cette tranche d'âge la. Et puis c'était un fumeur invétéré qui puait la nicotine à cinq mètres a la ronde. Il fut reconnu par certains candidats de son quartier comme n'étant pas l'adolescent dont il voulait se faire passer.

Il y a un autre cas plus cocasse encore, c'est celui de ce fonctionnaire anglophone qui sentant sa retraite approcher, s'était rendu dans sa région natale pour rapporter un acte de naissance sur lequel son âge avait fortement diminué. Pour convaincre les sceptiques, il avait utilisé un argument massu : il avait argué que ses parents, illettrés, n'avaient pas noté avec précision sa vraie date de naissance. Pour en avoir le cœur net, il s’était rendu dans son village des recherches aux termes desquelles il avait retrouvé son âge réel, amputé de cinq ans de son ancien âge.

Nous avons même rencontré un originaire du Sud-ouest passé par l'université de Yaounde au milieu des années 1970, qui avait trois actes de naissance (1953, 1956 et 1958) qu'il utilisait au gré des avantages que cela pouvait lui procurer. George M. N. qui est toujours en vie a su tirer profit de cette situation jusqu'à présent.

Toutefois, s'agissant de ces faux âges, il faut tenir compte des contextes, des époques. Pour les vieilles generations, celles datant des années 1920, 1930, 1940 voire même 1950 dans certaines parties du Grand Sud, l'etat civil n'existait meme pas. Il n'est donc pas surprenant de rencontrer des personnalités avec plusieurs dates de naissance. Parfois, c'est à travers leur carte de baptême qu'on peut connaitre leur âge réel. Quand ce n'était pas le manque des structures d'état civil ou l'ignorance des parents qui les empêchait de faire enregistrer, de donner une existence légale a leur progéniture, c'est l’établissement scolaire qui s'en chargeait. Tel est le cas de feu le ministre Bernard Bidias à Ngon qui avait obtenu son baccalauréat en 1958 à l’âge de 20 ans. Mais un jour, il répliqua sèchement à un de ses amis qui avait l’habitude de l'appeler "petit frère". A cet ami, il répondit en substance: "Jean, toi tu es né en 1936 et en 1938, laisse-moi te dire que je suis ton frère ainé. A l’école publique de Bafia, on avait un maitre du cours moyen II qui au moment de faire les dossiers pour le Cepe diminuait de cinq ans l’âge de tous les élèves devant se présenter au Cepe. Je suis donc né en 1933 et non en 1938 comme l'indiquent mon acte de naissance et ma biographie officielle. Quel est le nègre qui pouvait avoir le bac en 1958 à 20 ans ? Toi-même tu sais à quel âge on entrait à l’école primaire, c'était entre 12 et 13 ans, 10 ans pour les plus jeunes. Jean désormais ne m'appelle plus petit frère mais grand frère".

Pour le Grand Nord, l’état civil y a fait son entrée trop tard. A tel point que la plupart des membres de l’élite de cette partie de notre pays ont des faux âges. Tous, que ce soit le président de l'Assemblée nationale Cavayé Yeguié Djibril, le vice-Premier ministre en charge de la Justice Amadou Ali, Maigari Bello Bouba, ministre d'Etat en charge des transports. Le cas de ce dernier fait rire, sa biographie officielle fait état qu'il est né en 1947. Mais son aspect physique et surtout sa longue carrière administrative commencée en 1966 donnent à penser que le ministre d'Etat serait né vers 1942. L'ancien chef de l’Etat lui même Ahmadou Ahidjo avait manipule son âge en situant son année de naissance a 1924, alors qu'il était né bien avant.

Le cas le plus criard en matière de manipulation de l’âge en notre connaissance reste celui de Henoch Messong Me Mvou (les crocs du chien en français) dont un des enfants avait pris la retraite avant lui. Selon ce qui nous a été raconté, un fils de ce monsieur était venu lui rendre visite une soirée en lui disant qu'il venait de prendre sa retraite et qu'il ne comprenait pas que lui, son père, continuait encore a travailler. Cette observation du fils mit le père en colère et ce dernier rétorqua a son fils qu'il était un incapable. Le vieux se demanda même comment il pouvait avoir donné un enfant qui passait son temps à pleurnicher au lieu de se débrouiller. L'ancêtre Henoch Messong Me Mvou avait assurément "coupé" au moins 20 ans sur son âge réel. Ceci nous renvoie également au cas du général James Tataw Tabe né officiellement en 1933, la même année que le président Paul Biya mais à la seule différence que le général a fait son premier enfant, un garçon en 1945, soit a rage de 12 ans ! Avouons tout de même que c'est trop fort, car à cet âge très peu de jeunes filles sont en mesure de procréer.

Le prix à payer

Revenons aux faux diplômes qui constituent l'ossature de cette enquête en relevant que les réseaux sont très bien organisés, huilés. Ces réseaux sont présents au sein et autour des universités. L'université de Yaounde I à Ngoa Ekelle reste une grande base opérationnelle. C'est ainsi que, dans les mini-cités, on peut trouver tout ce dont on a besoin, baccalauréat, licence, maitrise, tout y passe. Et les prix varient en fonction du faussaire et même parfois de la qualité du produit. II y a même des réseaux au sein même des structures Officielles. C'est ainsi qu'un réseau très puissant a fonctionné au sein de l'actuel ministère des Enseignements secondaires. Ce réseau vendait des baccalauréats a 200.000 FCFA, des probatoires, des Bepc. Ce réseau était si bien organisé que celui qui s'y était procuré un baccalauréat n'avait aucune inquiétude si une université étrangère appelait pour s'assurer que le postulant camerounais était bel et bien détenteur dudit diplôme. C'est que les faussaires de ce réseau avaient réussi à pénétrer le système informatique du ministère et à y intégrer les coordonnées, les références du vrai faux baccalauréat. En dehors des réseaux locaux, un grand nombre de nos compatriotes détiennent de faux diplômes qu'ils rapportent de l’étranger, surtout des doctorats ou des diplômes d'ingénieur. Ces thèses de doctorat sont généralement rédigées par des professeurs d'université moyennant finance. Nous ouvrons la une fenêtre que les gens négligent, tiennent pour quantité négligeable quand on parle de faux diplômes.

Qu'est-ce qu'un faux diplôme ?

En effet, peut etre considéré comme faux diplôme tout diplôme qui a été obtenu par Un candidat sur un coup de pouce, de main. Nous allons prendre un exemple pour étayer notre thèse. II y a quelques années, un candidat au Cap maçonnerie demande a son pere de lui donner de l'argent, entre 25.000 et 50:000 francs pour assurer son succès à cet examen. L’affaire se passe au Cetic Charles Atangana de Yaounde et le candidat en question est admissible à l'oral du Cap. La somme ainsi demandée devra servir a corrompre les membres du jury. Le père n'ayant pas donné l'argent, son fils avait raté son Cap. Au cas où il aurait donné l'argent et obtenu son diplôme, comment peut-on qualifier ce diplôme ? N'est-il pas faux ? Voila le problème posé.

Que se passe-t-il sur le terrain ? On constate qu'il y a des jeunes gens, surtout des filles qui sont détenteurs de licence ou de maîtrise de nos universités mais qui une fois sur le terrain sont incapables de travailler pour incompétence manifeste. Dans le cas des jeunes filles, on sait que ce sont les professeurs, leurs amants, qui leur attribuent des notes fantaisistes ou leur donnent les épreuves. Les diplômes détenus par ces personnes sont-ils des vrais ou de faux diplômes ? Sur la forme ce sont des diplômes authentiques délivrés par les institutions universitaires dans lesquelles elles ont été formées, mais au fond le sont-ils vraiment ?

De même, quand on baisse la moyenne au Bepc, au probatoire et au baccalauréat pour éviter les résultats catastrophiques a ces examens officiels, les candidate bénéficiaires de ces mesures, de cette faveur ont-ils de vrais diplômes ? Ce sont des diplômes dévalorisés qu'ils ont puisque n'ayant pas eu la moyenne requise. L'une des raisons pour lesquelles on a supprime l'oral aux examens de l'enseignement secondaire général n'était pas d'alléger la charge de travail des correcteurs et autres examinateurs mais de réduire la fraude, la manipulation des notes, le favoritisme au cours de l'oral.

Des détenteurs de faux diplomes ont occupé et continuent d'occuper de hauts postes dans notre pays, que ce soit sous Ahmadou Ahidjo ou sous Paul Biya. Sous Ahidjo, Samuel Eboua avait réussi a faire nommer un de ses proches, Arnold Moundi Kouh au prestigieux poste de directeur général de la CNPS, jusqu'au jour où on avait découvert que l'intéressé n'était pas détenteur de la licence en droit dont il s'était prévalu jusque-là.

Le problème des faux diplômes est réel. Il gangrène la Société a tous les nivaux, des haute sphères de la République jusqu'aux bas-fonds de nos villages et villes. Si l'Etat et le gouvernement s'y mettent vraiment ils peuvent l'éradiquer, mais ont-ils la volonté politique nécessaire ? Nous en doutons. Ce qui s'est passé a la gendarmerie l'année  dernière n'était qu'un coup de publicité destiné a faire croire au peuple qu'on combat le mal par tous les moyens.

© Aurore Plus : MICHEL MICHAUT MOUSSALA



31/03/2010
0 Poster un commentaire

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 299 autres membres