Cameroun: Sénat camerounais, la p... de la République - Par Marie-Louise Eteki Otabela

Douala, 21 juin 2013
© Le Messager

Depuis qu’il y a eu cette nième forfaiture contre notre Peuple, je suis occupée à préparer les femmes de ce pays à faire une sortie contre ce que d’aucuns qualifieraient ailleurs de «putain de la République» : elles veulent exprimer notre désolation car à mon avis le règne de Paul Biya entrera dans l’Histoire de notre pays comme l’envers de la Terreur (sous Ahidjo) : la désolation. Et c’est là que dans ma boîte e-mail, je tombe sur le projet de cette 27è édition de La Grande Palabre : le Sénat au Cameroun : Dynamique électorale, valeur politique et sens institutionnel. De qui se moque-t-on exactement dans ce pays ? Vous voulez dire que vous prenez vraiment ce «machin » au sérieux ? Vous décrivez un « contexte », vous parlez d’une « Chambre Haute » et quand je regarde vos intervenants, les axes de discussions qui leur sont proposés, je suis obligée de m’inviter dans ce débat: une fin de règne n’est pas l’apocalypse d’un pays!


N’oubliez pas mon petit cadeau

Nous avons vu suffisamment de films pour savoir que c’est la phrase fatidique que lance toute prostituée à son « client » qui après avoir assouvi ses basses besognes, se sauve honteux et subitement pressé de quitter ces lieux d’infamie : n’oubliez pas mon petit cadeau ! C’est cela le sens du Sénat camerounais. Le cadeau du président Biya à ses affidés avant de tirer la révérence...Bien sûr, Owona Nguini, le socio-politiste officiel passé maître dans l’art de couper les cheveux en quatre et d’inventer des concepts (1) va nous expliquer qu’il s’agit certes d’un gadget mais qui peut moderniser nos « institutions » ! Mr.Eko’o Akouafane, fonctionnaire-écrivain, lui devra nous entretenir de ce cadre législatif et normatif dans un Etat sans foi ni loi, mais qui fonctionne depuis 50 ans sur le mode des voies de fait, Alawadi Zelao, Maître de recherche lui devra s’acharner à nous démontrer « la nullité des partis politiques d’opposition » devant la dernière démonstration de force du seul RDPC. Sans compter d’autres « hommes politiques » (J. Takougang et A. Fogué)) tantôt consultés sur les « reculades »... que constituent ces sénatoriales, tantôt nous enseignant qu’il s’agit en réalité d’une tentative de gérer pacifiquement la transition politique au Cameroun!

Vous ne pouvez pas vous en tirez à si bon compte en ravalant les fondamentaux de notre vivre ensemble depuis cinq décennies à une gouvernance cosmétique, une espèce de cache-sexe pour camoufler la nudité, la nullité mieux, l’absence d’un véritable débat politique. La question de fond est celle de savoir que peut bien signifier un Sénat dans un Etat sous-tutelle et qui a mis 50 ans à redevenir un protectorat ? L’Auguste chambre dans la tradition gréco-latine est un haut lieu où s’origine le politique dans une Nation. Siège de la Noblesse, au Royaume-Uni, ce n’est pas pour rien qu’elle s’appelle la Chambre des Lords...Quand Tocqueville parla De la démocratie en Amérique, il ne put s’empêcher de faire remarquer que le Sénat semblait avoir là également « le monopole des talents et des lumières... ». Mais surtout comment oublier de dire aux Camerounais que ce bicaméralisme devenu aujourd’hui une valeur universelle nous vient de l’Egypte ancienne comme nous le rappelait Cheik-Anta-Diop (2)?

Comment osez-vous prétendre que là sous nos yeux en plein 21è siècle, vous allez mimer un Sénat sous un régime totalitaire dans un pays sans frontières qui n’a que des nations premières, sans Etat de droit et qui, au lieu d’être par exemple, l’expression de l’âme immortelle du peuple camerounais, y concentre plutôt les petites passions qui agitent souvent nos deux tribus et les vices qui déshonorent la mémoire des héros de ce pays ? Et vous osez parler de Chambre «haute»!


Un Sénat pour gérer quelle transition?

Laissez –nous rire: avec un Egocrate fatigué qui décide sur un coup de tête qu’il faut un semblant de Sénat puisqu’organiser les élections, cela a dépassé son administration – d’ailleurs réduite en peau de chagrin- entre les compressés du FMI et les éperviables , puisque les Camerounais , fatigués de la pratique de mascarade électorale, ont refusé de s’inscrire sur les listes électorales, il fallait bien «un gadget» pour distraire la galerie, et sortir la tête haute de cet affront insupportable, cette grande insoumission politique. Tous les subterfuges y sont passés : Biya veut organiser l’après Biya, son Biya-Bis ! Sauf que son fils personne n’a jamais entendu le son de sa voix...Alors il parait que la France a dit Niet : le Kamerun n’est ni le Gabon, ni le Togo et encore moins le Congo...C’est là que nous sommes repassés sous Protectorat...Paisiblement. « On veut bien reprendre tout en main mais pas votre fiston » lui aurait dit Hollande !

Mais comment je fais moi, pour trouver des Grands électeurs ? La décentralisation ayant échoué : les chefs traditionnels qui auraient dû avoir plus de pouvoir, une portion de souveraineté, n’ont hérité que de quelques cacahuètes de Monsieur Dangoté ! Il a bien fallu inventer ces grands électeurs par « décret ». Ce sera donc les conseillers municipaux au grand dam des « Honorables ». Voilà que les nouveaux représentants du pouvoir dans nos dix « régions » se sont transformés en représentants des communautés territoriales ! De la même façon en son temps, l’assemblée territoriale fût transformée en Assemblée législative. Le Sénat a donc été créé par décret : c’est cela la modernisation en Popolie ! Comment s’étonner dès lors que certaines analyses de la question de la transition se réduisent aux comptes d’épicerie-que dis-je, d’échoppe- selon les tribus ? Grosso-modo si les Beti toutes les 3 régions confondues ont 29 ministres (soit près de 50% du gouvernement) et les Anglo-Bami 30, c’est-à-dire près de 50% aussi, le Littoral tout seul peut jouer les arbitres (avec ses 4 ministres sur 63) et...risque de tenir la présidence du Sénat : à condition que le président de la Cour suprême accepte enfin (lui au moins) de faire valoir ses droits à la retraite!

Sans compter qu’il y a cette histoire de 52 postes de responsabilité pour seulement 100 sénateurs ! Un gaspillage à outrance ...au pays le plus corrompu du monde, cela n’étonne vraiment que ceux qui prétendent eux, qu’ils ne souffrent pas de myopie politique : « cela a été voulu et pensé (vraiment ?) Ainsi pour permettre à monsieur Biya de distribuer des positions et des prestiges (privilèges, je suppose) à ceux de ses amis qui ont décidé de faire partie du Sénat »(3) Comme au Sénégal, le Sénat camerounais ne porte-il pas les germes de sa propre mort, se demande un journaliste de la place. Et un internaute ne se gène pas pour demander : Mais Biya tu es devenu f... ? Et- continue ce dernier- en 2018 lors des élections tu ne parleras plus de grandes réalisations mais de gigantesques réalisations afin que le Cameroun émerge en 2035 ...C’est cela gérer la transition par le Sénat pour les RDPCistes. Permettez-nous d’avoir une autre idée d’une véritable transition au Cameroun.


Apocalypse Now?

Vous avez vu ce film de Coppola? Alors il ne faut pas penser que Biya parti, ce sera l’apocalypse au Cameroun : on nous l’a trop joué celle-là. S’il faut absolument prendre appui sur ce régime politique pour en sortir, commencez par « nommer » un médiateur de la République: le RDPC l’a lui-même préconisé un temps...Puis l’idée a été mis dans un tiroir : Il n’y a personne en face ou on ne veut pas d’un face à face ? On a avancé plusieurs fois le nom de Tumi, le Cardinal Christian. Mais lui-même fait la coquette...comme tous les hommes forts ils veulent toujours faire croire qu’ils ont été « portés » au pouvoir... Si Tumi fût le représentant de l’Eglise catholique et romaine au Cameroun cela n’a pas été que le fait du Saint Esprit. Alors pourquoi pas Abel ? Même sur une chaise roulante, Franklin Roosvelt a dirigé les Etats-Unis d’Amérique et nous voulons quelqu’un qui assure juste la transition...Il y a bien aussi un certain René Eteki que je connais bien depuis 50 ans : enfant des Jésuites comme le Pape François, premier de classe (cela nous changera un peu des « cudals » que l’on nous impose habituellement) dans les humanités comme en mathématiques, de la 6è en terminal ! En plus il ne compte que des « amis » dans ce régime : un gouverneur, représentant de Biya lui a demandé un jour étonné (que ses petits chefs aient fermé son restaurant-culte...une nième fois !) : donc toi aussi tu es contre nous ? René ne se vante pas seulement d’avoir eu le prix de meilleure camaraderie pendant toute sa scolarité au Collège Libermann, il nous laissera des traces de bâtisseur de génie.

Ensuite, il faudrait une mère-courage pour nous aider à prendre trois actes symboliques forts pour marquer la rupture d’avec ce régime politique : l’abolition du décret français qui créa l’Etat au Cameroun afin de renégocier notre Souveraineté nationale confisquée par le France depuis 1957 ; l’abolition de la fonction d’Egocrate-président de la République pour marquer définitivement la sortie de ce totalitarisme ; l’abolition des tribus au Cameroun pour se réapproprier de notre Humanité, bloquée depuis des siècles au stade primaire de développement humain ! Pour comprendre en réalité les enjeux que représentent ces trois actes symboliques, il faut en fait une femme au cœur de l’Etat (4) comme disait Christine Andela, il y a 12 ans. Il ne faut pas seulement être né dans ce régime donc faire partie des « héritiers », ceux qui ont le verbe facile...Il ne faut pas seulement être devenu « homme politique » par décret (de légalisation d’un parti politique) ! Il ne faut pas non plus se « camoufler » sous l’illusion d’une Société civile – qui n’existe pas sous le totalitarisme. Il faut être porteur d’une alternative politique crédible. Avoir une conscience politique profonde, l’avoir exprimée à travers une pensée politique systématique et donc être capable de laisser se déployer la créativité humaine dans ce pays. Ce n’est pas n’importe quelle volonté politique.

Parce qu’enfin, il s’agit d’une entreprise collective qui implique la vie de plus de 20 millions de personnes, nous devrons commencer par faire le bilan de 50 ans de gestion de ce pays. Comment peut-on accepter aujourd’hui qu’il s’agit d’un bilan « contrasté » ! Comme disait Odile Tobner (5) en comptabilité –véritable- un bilan est positif ou négatif. Nous ne devons pas jouer avec les mots pour passer pour « modérés ». Avoir bloqué notre humanité pendant 50 ans, avoir bloqué le développement économique de tout un Continent et surtout avoir détruit toute une société dans ses fondements, ses valeurs, comme ses mécanismes d’organisation, n’a pas été une affaire de « bons sentiments » mais toute une culture qui s’est donnée pour mission de « civiliser »c'est-à-dire en réalité de détruire l’Autre. Car depuis l’Egypte ancienne, celle des pyramides, nous savons que nous, nous participons d’une Humanité autre, celle-là dont le projet de vie est, et a toujours été de libérer le monde par la Science et la Sagesse. Le Cameroun doit montrer la voie de l’organisation de cette nouvelle Société plurielle. C’est l’introduction de notre projet politique.

Je vous propose depuis 17 ans que pour libérer le peuple camerounais, nos différents peuples doivent s’asseoir autour d’une table (ou d’un arbre ...) se constituer en une nation souveraine qui va enfin décider quel Etat, quel régime politique nous voulons pour vivre ensemble et en paix sur cette Terre de nos ancêtres. Au lieu de ça, vous jouez à « papa-maman » comme des enfants à la cour de récréation, vous jouez à la démocratie!


Coordination des Forces Alternatives, parti politique.

Notes

1- J’aime bien celui récent qui classe la convocation des sénatoriales dans le registre de l’ « élection surprise située entre zéro et demi-tour » à propos de ce fameux Sénat (Germinal Hebdo)

2- Cheik Anta Diop, Les fondements économiques et culturels d’un Etat Fédéral d’Afrique Noire, Présence Africaines, Paris, 1974, P.53

3- In Le Messager du 27 mai 2013 : un bureau pléthorique pour quoi faire ? J.F Kankeu

4- Christine Andela, présentation de notre livre : Le totalitarisme des Etats africains, le cas du Cameroun in le journal Sujet Tabou n° 021, Mai 2001

5- Odile Tobner (ép. De feu Mongo Beti, dans un entretien télévisé)


Par Marie-Louise Eteki Otabela



21/06/2013
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