Cameroun : «Pourquoi la tricherie a-t-elle tendance à se développer en milieu scolaire ?»*

Cameroun : «Pourquoi la tricherie a-t-elle tendance à se développer en milieu scolaire ?»*

Cameroun : «Pourquoi la tricherie a-t-elle tendance à se développer
 en milieu scolaire ?»*Sur une station de la ville de Yaoundé, deux enseignants en attente d'un taxi ont engagé une discussion. Elle attire rapidement l'attention d'autres usagers et tourne autour d'un sujet crucial : «Pourquoi la tricherie a-t-elle tendance à se développer en milieu scolaire ?» Si, pour les deux professeurs de lycées et collèges, la réponse paraît évidente dans une société où la médiocrité prend le pas sur le mérite et donc la performance et l'effort, les autres citoyens qui se sont joints à la discussion pointent du doigt les interventions multiformes pour la «réussite» des enfants, généralement sans niveau, le phénomène des «listes» imposées par les hommes politiques et le mauvais traitement du corps enseignant.

D'un côté comme de l'autre, l'on aura été d'accord sur la définition de l'acte : «Tricher, c'est enfreindre les règles d'un jeu en vue de gagner ; c'est enfreindre une règle, un usage en affectant de les respecter ; c'est se conduire avec mauvaise foi, trahir ce que l'on affecte de servir, de respecter ; c'est dissimuler un manque, un défaut dans la confection d'un ouvrage matériel.» La triche se manifeste le plus à l'école, dans le sport et dans les allées des pouvoirs.
D'une manière ou d'une autre, à écouter les différents intervenants, la tricherie à l'école est le reflet de la société. Une société de plus en plus fondée sur l'injustice. Un environnement qui admet que le parent se lance à la recherche des épreuves la veille de la composition, pour produire des corrigés au fils-candidat. Un monde où l'on achète volontiers de faux bulletins dans l'optique d'obtenir frauduleusement une place à son rejeton dans un établissement scolaire.

Le comportement de l'élève est donc inspiré de toutes ces tendances. Son ardeur au travail aussi. Depuis de nombreuses années, le constat est clair : les listes des élèves suspendus des examens officiels s'allongent sans cesse. Certes, le Cameroun n'est pas la France où la publicité sur la longueur des procédures disciplinaires permet d'imaginer l'ampleur du phénomène.
Toujours est-il que, selon certaines études, ce sont les adolescents qui sont amenés à tricher. Cette réalité concernerait peu les enfants du primaire. Ceux-ci peuvent être tentés de regarder la copie du voisin, mais préméditer l'acte, par la préparation d'une antisèche, par exemple, leur est étrange. La tricherie, dans certains établissements de Yaoundé et Douala, va plus loin encore. Ici, certaines épreuves, vendues et proposées aux examens blancs les années précédentes, sont allègrement servies aux élèves contre espèces sonnantes et trébuchantes. Derrière le préjugé de la préparation aux examens, se cache le projet visant à favoriser des candidats avec des épreuves proposées à la banque des épreuves des organisateurs des examens officiels.
La question de la tricherie à l'école amène à poser une question essentielle. Celle non seulement du contenu de l'enseignement, mais aussi celle des méthodes d'enseignement.

Quand un contrôle se résume à restituer des définitions, inculquées pendant un cours et qui peuvent tenir sur un petit bout de papier, on peut se demander s'il est nécessaire d'apprendre ces définitions sachant qu'il y a de grandes chances que l'élève ne s'en souvienne plus après quelques temps : il ne les aura sûrement plus utilisées. Autre préoccupation : l'école est-elle un lieu hautement culturel permettant l'épanouissement des enfants et des adolescents ? L'aveuglement de certains enseignants, lors des contrôles, rejoint leur volonté de ne pas se poser des questions sur ce qu'ils font en classe.

Quand on balance aux élèves une liste fournie de formules mathématiques, on les incite de manière évidente à tricher. Ce qui est vrai pour les mathématiques est valable pour toutes les autres matières. Quel adulte normal supporterait en effet de passer sept heures par jour à écouter un enseignant de maths, d'anglais, d'espagnol, de latin, de français ou d'histoire parler de choses «essentielles» ? On comprend aisément que certains ne réussissent pas leurs études, ou que certains trichent. Tout cela contribue même de manière inconsciente à la tricherie aussi bien dans la société qu'à l'école.

© Mutations : Léger Ntiga


19/07/2010
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