Cameroun. Paul Biya : un pouvoir absolu et totémisé

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Comment le président de la République s'est donné toute la liberté de régner sans partage sur le Cameroun.
 
Dans un travail très intéressant écrit sous  l’autorité de Stéphane Bolle, maître de conférences hdr en droit public, Université Paul Valéry - Montpellier,   Kenfack Temfack Etienne, doctorant de droit public a l’université de Douala a évoqué non sans justesse « l’hypothèse d’une dyarchie de l’exécutif au regard de la constitution du 18 janvier 1996 ». On sait que celle- ci a été adoptée dans un contexte politique et social particulier. L’objectif était de doter le Cameroun d’une constitution qui traduisait les aspirations de démocratie et de garantie des droits et libertés individuelles par la limitation du pouvoir ; principalement des pouvoirs du président de la République.

En réalité, écrit Etienne Kenfack Temfack, « elle devait consacrer plutôt un accroissement des pouvoirs du chef de l’exécutif». De la réorganisation nouvelle des pouvoirs au sein de l’exécutif, on retient que le président de la République dispose d’un «pouvoir absolu et totémisé». Quant au gouvernement, il apparaît au titre ii du chapitre 2, et ses «prérogatives» s’épuisent en quelques trois articles. Son rôle est souligné en termes explicites par l’article 11 al. 1 qui dispose : « le gouvernement est chargé de la mise en œuvre de la politique de la nation telle que définie par le président de la République ».

 Pour l’auteur, « le statut constitutionnel du gouvernement au regard de cette disposition exclut sa constitution en un organe autonome et détaché du président de la République. Ce dernier en nomme tous les membres et peut également mettre fin à leurs fonctions. Concomitamment, le gouvernement est responsable devant le parlement, qui peut le renverser par le vote de défiance ou d’une motion de censure’ ». La question est d’autant plus importante, poursuit l’auteur, « que la constitution de 1996 a prévu la possibilité de mettre en jeu ou de mettre en cause la responsabilité du gouvernement ; celle-ci pouvant le cas échéant aboutir soit à son renversement soit à sa démission. Or le pouvoir que détient le chef de l’Etat camerounais de nommer les membres du gouvernement et surtout son chef n’est a priori soumis à aucune conditionnalité : il nomme qui il veut»

Prépondérance de l’exécutif

Au surplus, la répartition des pouvoirs entre le chef de l’Etat et le chef du gouvernement, condamne le second à être aux ordres du premier. Une éventuelle limitation ne pourrait résulter que d’une majorité parlementaire différente de la majorité présidentielle. Sinon comment un gouvernement responsable devant l’Assemblée nationale pourrait obtenir sa confiance alors que le choix de son chef, le Premier ministre, n’aurait pas été fait en  conformité avec la volonté populaire ? Selon l’auteur : « la constitution camerounaise du 18 janvier 1996 n’a pas établi un régime présidentiel à l’américaine ».

L’exégèse du texte permet de se rendre compte que contrairement à la constitution américaine, il existe un titre iv qui traite des «rapports entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif ». Ceci signifie en d’autres termes qu’il est constitutionnellement organisé une sphère commune où membres de l’exécutif et membres du parlement agissent concurremment. Le principe qui se dégage cependant de l’activité à l’intérieur de cette sphère d’action concurrente est la prépondérance de l’exécutif, dont le domaine est pratiquement exempt d’intrusion. C’est donc le législatif qui subit la collaboration constitutionnellement obligatoire.

« Au-delà c’est pratiquement l’autonomie du parlement qui est remise en question, notamment par le visa du président de la République exigible pour la convocation des sessions parlementaires, ou la fixation de l’ordre du jour qui est dominée par la décision gouvernementale. Or le propre du régime de séparation rigide est l’indépendance organique, fonctionnelle et administrative de chaque organe. Le constituant de 1996 en excluant explicitement cette indépendance a marqué sa préférence pour un régime qui, sans être véritablement parlementaire, s’approprie certains éléments caractéristiques de ce mode d’organisation et de fonctionnement des pouvoirs ».
 
 Pour Tenfack donc :  il est évident que la loi fondamentale du 18 janvier 1996 n’est pas « immuable et changeante». La distribution et l’organisation des prérogatives entre les deux organes de l’exécutif si elle consacre un titre au gouvernement, elle ne lui confère cependant pas des attributions qui en feraient un organe véritable au sein de l’exécutif. L’essentiel de ses attributions est de mettre en œuvre la politique de la nation telle que définie par le président de la République. Tenu en laisse puisqu’il ne détient aucun droit d’initiative propre, confirmant de ce fait que son existence n’est due qu’à une simple déconcentration de l’exécutif. En un mot comme en cent, le président s'est donné toute la liberté de regner sans partagesur le Cameroun.

EdKing



17/11/2011
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