Cameroun: Le nouveau cycle politico-économique de BIYA est en marche pour 2011

Cameroun: Le nouveau cycle politico-économique de BIYA est en marche pour 2011

Thierry Amougou:Camer.beLe Cameroun est gangrené de corruption du sommet de l’Etat aux prisons et prisonniers en passant par les Lions indomptables.Les économistes ne font généralement pas très confiance aux politiciens et ils ont la plus part du temps raison. Cette méfiance doublée de défiance provient du fait que les politiciens n’ont pas d’engagements crédibles, étant donné que leurs décisions varient suivant l’air du temps. Leurs annonces et actes n’engagent en effet que ceux qui y croient, surtout en période préélectorale comme c’est actuellement le cas au Cameroun. Le contraste qui existe entre les annonces positives et populaires faites par les politiciens en période préélectorale, et les politiques réellement appliquées en période postélectorale, caractérise ce que les économistes appellent le cycle politico-économique.

Il traduit le fait, pour un régime sortant, de prendre des mesures populaires à l’approche des élections, uniquement pour se faire réélire en misant sur le fait que les populations soient amnésiques. Les enquêtes par sondages montrent qu’au moment de voter, les électeurs ne prennent pas en considération ce qui s’est passé au-delà de six mois avant la date du scrutin. Ce qui veut dire que les événements récents l’emportent sur le choix d’un futur candidat que l’on espère aussi bon dans ses fonctions que le court moment de séduction qu’il a orchestré avant le vote.

Dans le cas d’espèce, un pouvoir sortant peut par exemple faire une petite hausse des salaires avant le scrutin, question de séduire tous les fonctionnaires qui ne tiennent pas très souvent compte du niveau d’inflation courant. Empêcher que l’impact socialement négatif de ses politiques passées n’alimente un vote populaire en sa défaveur, est le but ultime de tout régime sortant qui prend de telles mesures de séduction. Celles-ci sont d’autant plus efficaces que la majeure partie de la population est pauvre et plébiscite très souvent celui qui vient en tête comme le dernier vous ayant fait avoir un ventre plein : c’est le cas actuellement au Cameroun.

Et rebelote pour 2011 ?

Le nouveau cycle politico-économique de Paul Biya est déjà lancé pour 2011. Après plus d’un quart de siècle de Renouveau National, les Camerounais savent mieux que quiconque combien de fois ils se sont faits prendre au piège d’une séduction intervenant « sur le tard ». Depuis 1982, les corps ont souffert de mauvaise vie, les esprits ont été fourvoyés par de fausses promesses sans cesse renouvelées, et des yeux ont pleuré des proches tombés pour avoir contesté le régime en place. Et rebelote pour 2011 ?

La question a le mérite d’être posée car le nouveau cycle de séduction interne et externe est lancé.
 
Sur le plan interne, la première dame ouvre les portes du palais présidentiel aux Camerounais pour faire sympathique et proche du peuple. Les primes d’excellence sont payées aux étudiants dans une tentative de fédération du milieu estudiantin en faisant croire qu’on récompense le mérite au Cameroun. Des primes faramineuses ont été payées aux Lions indomptables en espérant un effet retour positif de leurs victoires en coupe du monde sur le plan électoral. L’appel des jeunes à prendre la relève lors de la dernière fête de la jeunesse, fait partie de la même stratégie de séduction, autant que le cinquantenaire des indépendances fêté en grandes pompes par un régime dont la place dans l’histoire du Cameroun est pourtant du côté des catastrophes politiques à oublier au plus vite.
 
Sur le plan international, la sédentarité de Paul Biya dont la légende a dépassé les frontières du triangle national, est battue en brèche par un président devenu un globe-trotter depuis quelques temps. Son affichage aux côtés immédiats de Nicolas Sarkozy lors du 14 juillet dernier, est le message de crédibilité internationale que Paul Biya envoie aux Camerounais électeurs de 2011. L’autre volet international du cycle vise la diaspora et les médias internationaux. A cet effet, les délégations du Renouveau National viennent de faire un tour des principales capitales occidentales. Le but était de présenter des droits qui reviennent aux Camerounais de la diaspora comme étant de gracieux cadeaux promis et faits à ceux-ci par Paul Biya. Des figures de proue de cette diaspora que sont Manu Dibango et Calixte Beyala ont été décorées pendant que Biya se trouvait en France le 14 juillet dernier. L’aura et la renommée populaires de ces deux éléments de la diaspora camerounaise peuvent ainsi rejaillir positivement sur l’image terne et ternie du prédisent de la république camerounaise classée parmi les pires dictateurs du 21ème siècle par le journal Foreign Affairs.
 
Contrer ce jugement négatif des médias internationaux est donc aussi un autre aspect du cycle déjà lancé. Le Renouveau National est allé dans ce sens à travers les colonnes du journal Le Monde du mercredi 14 juillet 2010, où l’on peut lire : « le Cameroun se prépare à entrer dans une nouvelle ère ». Une photo de Paul Biya à l’UNESCO, une carte du Cameroun et une photo des membres d’élection Cameroun (Elecam) constituent l’illustration iconographique de cette page. Les gadgets que le régime camerounais met en avant dans cette lucarne sont le port en eau profonde de Kribi et Elecam. Ce sont les nouveaux garants d’un saut qualitatif du pays vers le développement et la transparence électorale. C’est concrètement ici l’image et la stratégie d’un régime qui veut promouvoir le statu quo, non seulement en habillant un vieux projet (le port en eau profonde de Kribi) d’habits neufs, mais aussi en enjolivant Elecam afin d’en faire un parangon de la transparence électorale, en lieu et place de l’obstruction des libertés qu’il programme. Si la nouvelle ère à laquelle se prépare à entrer le Cameroun a pour élément facilitateur et emblématique Elecam, alors on sait de quel bois se chaufferont encore les Camerounais après 2011.

Des contradictions et des faits remettent en lumière la vraie nature du régime et entament la crédibilité du cycle de séduction du Renouveau pour 2011

Même si les sondages à travers le monde montrent que les choix des électeurs sont, en moyenne, guidés par des faits vieux au plus de six mois par rapport à la date du vote, les Camerounais se doivent d’avoir la mémoire longue cette fois-ci. Ce n’est pas depuis cinq ans ou dix ans qu’ils subissent le fourvoiement du Renouveau National, mais depuis près de trente ans. Être amnésique en 2011, revient à perdre de vue que « la politique gadget » actuellement menée consiste à oublier :
-les multiples modifications constitutionnelles au service d’un homme ;
-la création d’Elecam en lieu et place d’une commission électorale véritablement indépendante ;
-les tueries des jeunes Camerounais en février 2008 ;
-Et l’opération Epervier, résultat de 30 ans de mal gouvernance du Renouveau National.

Le naturel du Renouveau National revient au galop malgré le fait qu’il veuille avancer masqué vers les élections de 2011. A y regarder de près, c’est une politique quasiment épileptique qui est menée parce que basée sur du bricolage tous azimuts. Le cinquantenaire a été fêté sans aucun symbole fort mis en avant. Il est aussi immédiatement contrarié le 14 juillet à Paris avec la bénédiction des rois nègres avides de la bénédiction de l’ancienne métropole. Les étudiants camerounais sont encouragés par des primes d’excellence alors qu’ils étaient un mois plutôt matraqués et réprimés violemment par les forces de l’ordre notamment à l’université de Yaoundé II. Le Régime de Biya pense-t-il qu’il y’a incompatibilité entre excellence ses étudiants et revendication de ses droits par les mêmes étudiant camerounais ? Compte-t-il sur une colonisation totale des esprits au point où il ne sera plus possible de dire à un régime que la vie des Camerounais ne peut tolérer trente ans d’essais non concluants du Renouveau National ?

De quel Cameroun faut-il sortir ?

Une idée séduisante, le libéralisme communautaire, a été émise il y’ a maintenant près de trente ans par Paul Biya et ses idéologues. Elle n’est jamais devenue le catalyseur d’une république camerounaise libre et prospère. Elle n’a jamais réalisé « la vie bonne » pour des Camerounais ordinaires. Toujours à la recherche de son fondement réel plus d’un quart de siècle plus tard, ceux dont elle est le fond de commerce sont désormais dans une posture d’acharnement thérapeutique, dont le but est de réanimer un Renouveau National voué, d’après ses résultats, à rejoindre le musé des assortiments jaunies des idées politiques ratées et sans lendemains.
 
Savoir de quel Cameroun il faut sortir revient à  faire ce constat qui s’impose à quiconque ne pense pas que le dire c’est détester l’actuel président. Faire ce constat est tout simplement un jugement d’existence que n’importe quel individu objectif peut faire en comparant ce que disait Pour le libéralisme communautaire, à la république des privilèges indues et de l’appauvrissement des masses qu’il a réalisé. Ce parti d’intervenir dans le débat public implique une autre façon de « parler politique » afin de participer à la construction d’un autre point de vue sur la politique camerounaise. Si un citoyen ne peut plus dire à ses dirigeants qu’ils ont complètement échoué et hypothèquent l’avenir du pays en s’accrochant maladivement au pouvoir, alors il devient complice de la souffrance des générations futures autant que ceux qui, par fanatisme non moins morbide, refusent de voir la réalité d’un Cameroun dont les valeurs républicaines connaissent un état poussé d’émiettement.

Nul besoin d’aller chercher très loin pour le prouver. Intéressons-nous uniquement aux informations de cette dernière semaine et analysons leurs implications sur les valeurs républicaines.
 
Nous apprenons qu’Yves Michel Fotso écrit au président dans le cadre de l’affaire de l’avion présidentiel. S’il est normal qu’un citoyen écrive à son président, le contenu de cette correspondance met en évidence plusieurs choses. D’abord, l’auteur de la lettre s’adresse directement à Paul Biya sur un dossier entre les mans de la justice et confirme ainsi que c’est le pouvoir d’Étoudi qui commande, non seulement l’exécutif, mais aussi, le pouvoir judiciaire qui, normalement devrait être autonome suivant le principe de la séparation des pouvoirs dans un Etat normal. Ensuite, outre la volatilisation de 24 milliards de Fcfa, scandale dans un pays dit pauvre et très endetté, lire la lettre de Fotso ne fait pas penser à un Etat, mais à une véritable mafia politico-affairiste. Le Cameroun est devenu, après trente ans de Renouveau National, un Etat qui n’arrive pas à s’acheter un avion alors qu’il possède des capitaux pour le faire. La chose la plus dangereuse pour ce pays est que de tels affaires d’Etat deviennent la norme sous le Renouveau et se banalisent.

Prenons un deuxième exemple pas plus réjouissant. La crédibilité nouvelle que cherche le pouvoir a pour fondement l’opération épervier. En dehors du fait que cette opération traite des résultats réels de la gouvernance du Renouveau National lui-même, la presse locale nous apprend ces temps-ci que les hauts dignitaires du régime mis en prison, y vivent mieux que de nombreux Camerounais en liberté. Distribution de billets de banques à ceux qui viennent les accueillir, aménagements luxueux des cellules, usage intempestive de téléphones portables au tribunal, permissions récurrentes de sortie et invitations de petites amies dans leurs cellules, sont quelques uns des multiples privilèges de ces prisonniers de luxe.

Ces détails témoignent d’au moins trois réalités : d’abord, l’absence de crédibilité totale de cette opération épervier. Ensuite, la prime faite aux détournements de deniers publics, étant donné que celui qui détourne peut s’aménager une cellule luxueuse et vivre comme en liberté grâce à l’argent du Cameroun qu’il distribue aux gardes prisonniers transformés en garde rapprochée. Enfin, les privilèges indues initiés par le Renouveau National, privatisent aussi les prisons camerounaises et font des petits voleurs de quartier, ceux qui souffrent plus que les détourneurs de milliards de la république. Le Renouveau a donc tout détruit même le sens de la proportion des peines et sanctions par rapports aux délits.

Un troisième exemple, tiré de la même actualité politique, nous  éclaire sur la continuité d’un autre aspect de la gouvernance patrimoniale du Renouveau National. Les Lions viennent d’être éliminés lamentablement du mondial 2010 avec un zéro sur 9 retentissant après trois rencontres où l’équipe a été moins que minable. Ce dont on parle le plus après ce fiasco sportif tourne pourtant autour des montants d’argents perçus par les uns et les autres. S’il est déjà incompréhensible que de telles sommes soient données à des individus juste parce qu’ils accompagnent l’équipe nationale en Afrique du Sud, il est encore moins compréhensible qu’on nous parle de trop perçu à rembourser. Ce terme, à l’apparence anodin, traduit le fait que les primes et autres avantages connexes qui doivent être en corrélation positive avec les bonnes performances réelles de l’équipe, ont été payés à ces membres de la délégation des Lions avant même le début de la coupe du monde. D’autres individus disent même n’avoir rien perçu alors que leurs noms figurent sur la liste de ceux qui sont appelés à rembourser. Certains Camerounais ont donc manifestement la possibilité de puiser de l’argent public sans contrôle. C’est à se demander s’il y’a un pilote dans « l’avion Cameroun ». Si, sous d’autres cieux, le trop perçu est très souvent reconnu par des Etats qui font payer un niveau d’impôt plus élevé qu’il n’en faut à un citoyen et le rembourse par la suite, au Cameroun c’est le contraire. Ce sont des citoyens qui prennent dans les caisses de l’Etat plus qu’ils ne doivent prendre et c’est à l’Etat de courir après derrière eux pour récupérer l’argent public. C’est le monde à l’envers. Voici un Etat où la fracture sociale se confirme car les uns ont des problèmes de trop perçu quand la majorité traîne le cul par terre chaque jour pour trouver de quoi manger.

C’est ça la république camerounaise que veut perpétuer le nouveau cycle politico-économique du Renouveau National. Le dire n’est pas détester quiconque. C’est être franc et capable de constater qu’un régime a lamentablement échoué et qu’à cause de lui, plusieurs Camerounais confondent, comme jamais auparavant, les biens publics et les biens privés. Par conséquent, le Cameroun est gangrené de corruption du sommet de l’Etat aux prisons et prisonniers en passant par les Lions indomptables.

Le résultat de trente ans de Renouveau débouche donc sans surprise sur un drame républicain de nature vénal : des histoires d’argent. L’argent dont la majeure partie de la population ignore la couleur depuis 1982 ; l’argent détourné par les hauts dignitaires du pouvoir et dont traite l’opération épervier ; l’argent de la dette du pays qui augmente, l’argent qui polluent l’équipe nationale et son entourage et l’argent dont les espèces sonnantes et hallucinantes dictent leurs lois jusque dans les prisons nationales.

© Correspondance particulière pour Camer.be : Thierry AMOUGOU


26/07/2010
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