Cameroun : La leçon de l'élection gabonaise pour l'opposition camerounaise

Election Gabon:Camer.beJusqu'au milieu des années 90, les élections étaient la bête noire des dictateurs africains. Il fallait les forcer à se soumettre au vote, à la légitimation électorale du peuple. Depuis quelques années, on observe un changement de la donne: Les dictateurs semblent découvrir leur amour pour la voie des urnes. Car ces dictateurs ont trouvé des voies et moyens -parfois très subtils- pour contrôler l'appareil électoral. Et l'attitude de la communauté internationale face à cette mascarade dépend de la nature des relations entre les grandes puissances et le régime en place.

Face à cette situation, l'opposition se trouve dans une position extrêmement difficile. Elle a le choix entre boycotter les élections ou y participer pour espérer le miracle ou contester les résultats par la suite. Boycotter -comme les exemples du Cameroun et plus récemment ceux du Congo et du Niger le montre- apporte moins de fruits. Et pire même, cette stratégie fragilise dans certains cas d'avantage l'opposition, en ce sens que l'opposition reste absente, par exemple des parlements et l'usure du temps fait oublier l'aspect déficitaire en terme de légitimité du régime.

De l'autre côté, la participation de l'opposition accorde plus de crédibilité aux scrutins dans le sens du jeu démocratique et par conséquent plus de légitimité au régime en place. En même temps, elle offre plus de marges de manœuvre à l'opposition. D'abord la présence dans les parlements pour au moins contrôler autant que possible les actions du régime et obliger ainsi ce régime à ne pas tomber dans la débauche totale. Ensuite, l'opposition peut à travers la contestation (si celle-ci n'est pas réprimée de manière sanglante et si la communauté internationale supporte l'opposition ne fut-ce que de manière tacite) des résultats des élections obtenir le partage du pouvoir et ainsi limiter le pouvoir du régime dictatorial. On peut citer à titre d'exemple le cas du Zimbabwe et dans une certaine mesure celui du Kenya. Enfin, la participation aux élections est importante pour la culture politique. Elle permet d'éveiller les esprits, de galvaniser les populations afin de les mobiliser pour la cause commune.

Cependant et au-delà du contexte de travail très défavorable pour l'opposition, il existe des difficultés graves au sein même de l'opposition qui favorisent et facilitent l'hégémonie des régimes décriés. Il s'agit d'abord de la fragmentation de l'opposition. Les électeurs gabonais (à peine 800.000) se sont vus obligés de faire le choix entre finalement 18 Candidats. C'est trop. Dans cette constellation, les partisans du pouvoir en place -qui probablement sont les plus mobiliser pour le scrutin- iront voter alors que les autres ayant perdu confiance à la politique auront tendance à rester à la maison. En plus les partisans de l'opposition qui vont aux urnes doivent partager leurs voix à une multitude de candidats. L'attitude de l'opposition gabonaise lors des élections du 30 août dernier a mis à nu le plus grand handicap de l'opposition dans les États africains. Et le fait que les deux opposants Obame et Mamboudou se réclament chacun la victoire, favorise finalement le candidat de la continuité, à savoir Bongo fils. Pour combattre efficacement les dictateurs, les opposants ont grand intérêt à faire front commun. Cela implicite que les opposants devraient reléguer leurs ambitions personnelles au second plan. La réduction du nombre de candidats de l'opposition -au mieux à un seul- rendrait la tâche plus difficile au système en place. Autrement-dit, la fraude serait plus flagrante et en conséquence plus contestable.

L'autre problème est celui de la crédibilité de certains opposants qui se rallient au gouvernement après les élections et leurs capacités à vraiment convaincre par des projets et programmes alternatifs. Il est grand temps de chercher des stratégies innovatrices pour faire rêver les populations (après le vent de démocratisation du début des années 90, la participation électorale dépasse à peine 50 %). Les slogans anti-régime semblent perdre leur force, leurs effets polarisants. Obama a prouvé qu'une campagne au-delà des slogans anti-raciaux est possible. Dans cet ordre d'idées, une campagne unificatrice pourrait être aussi une voie envisageable pour l'Afrique, ou l'on accorde d'avantage l'attention aux problèmes quotidiens des populations. En tout état de cause, l'opposition camerounaise a le devoir, voir même l'obligation de former un bloque consistant pour affronter le régime de Paul Biya aux prochaines échéances électorales fussent-elles anticipées. Aller en rang dispersé, ce serait contribué indirectement à la victoire du régime actuel. La fragmentation de l'opposition rend encore plus facile le hold-up électoral. L'opposition doit donc prendre sa responsabilité en main et faire preuve de véritable patriotisme en fonctionnant pas comme des oppositions mais comme l'opposition.

A l'intention des lecteurs de Camer.be: Sondage, Internet et participation politique, Répondez à un questionnaire en ligne sur ce lien

© Correspondance : Tangang Meli Loumgam, Würzburg (Allemagne)
Paru le 06-09-2009 00:51:54


06/09/2009
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