Cameroun: Dr Manassé Aboya Endong " Il y a un peu trop de surenchère politique dans le débat portant sur la déclaration des biens au Cameroun"

Aboya:Camer.beManassé Aboya Endong est un intellectuel familier des grands débats politiques au Cameroun. Dans cet autre entretien qu'il accorde à Camer.be, l'universitaire camerounais donne son point de vue sur le récent rapport du CCFD-Terre Solidaire au sujet des "Biens mal acquis", de l’article 66 de la constitution du Cameroun relatif à la déclaration des biens. Au sujet de l'Opération épervier, le politologue pense que le gouvernement doit simplement assumer son déploiement dans ce domaine. En évitant de sombrer dans les travers contraires à la république tels les règlements de compte. Lisez plutôt...

Quelle est la réaction de l'enseignant des sciences politiques que vous êtes au sujet de la publication du récent rapport du CCFD-Terre Solidaire(Comité catholique contre la faim et pour le développement) concernant  les biens mal acquis dans lequel le Président camerounais  est cité?

Lorsque j’ai parcouru ce rapport manifestement querellé du CCFD-Terre Solidaire (Comité catholique contre la faim et pour le développement), j’ai très vite compris qu’il y avait une grosse dissonance systématique par rapport à la perspective envisagée. Sur le plan méthodologique en effet, puisque je suis interpellé comme scientifique, on ne peut pas asseoir un raisonnement cohérent et convaincant sur des aspects passionnels ou sur des a priori. A en croire les auteurs du rapport malheureusement, on leur aurait demandé pourquoi le Cameroun ne figurait pas dans leur précédent travail analogue. C’est alors qu’ils auraient jugé opportun d’introduire le nom de Paul Biya. Traduction libre : on trouve d’abord, on cherche ensuite. C’est très compliqué comme démarche scientifique…

Monsieur Jean Michel Nintcheu Député et Vice-président du groupe parlementaire Sdf à l'Assemblée nationale du Cameroun affirmait récemment dans une lettre qu'il adressait au Président de la république au sujet des biens mal acquis que s'il ( Paul Biya)  avait déclaré ses biens, il aurait eu des arguments pour mieux se défendre face à aux accusations du CCFD-Terre Solidaire. Qu'en pensez-vous ?

Il y a un peu trop de surenchère politique dans le débat portant sur la déclaration des biens au Cameroun. A observer ce qui se dit ici et là, on finit par conclure que l’article 66 dont il est question dans cette évocation favorise aussi bien la délation que la suspicion permanente à l’endroit de ceux qui sont aux affaires. Tant l’opinion publique ignore même que les déclarations des biens et avoirs sont censés rester confidentielles. Elles sont même non publiables. A partir de ce moment, l’argumentaire ainsi développé par l’honorable Jean-Michel Nintcheu me paraît inconsistant. A la fin, personne ne trouve son compte, ni les gouvernants ni les gouvernés. Car on est manifestement en présence d’une disposition trop compliquée !

Aboya:Camer.be

 
Quelle est la réaction du politologue que vous êtes quand certaines organisations de la société civile camerounaises affirment que si l’article 66 de la constitution camerounaise relative à la déclaration des biens était appliqué, l'on n'assisterait pas à  ces séries de détournement de fonds public qu'on déplore aujourd’hui au Cameroun ?

Chacun a effectivement sa petite idée sur cette question. A mon humble avis, l’article 66  de la Constitution n’offre pas davantage particulier en dehors de la nécessaire transparence vis-à-vis de l’Etat et de l’opinion publique par rapport à l’énumération quantitative des biens des futurs serviteurs de l’Etat avant leur prise de fonction. Il ne vise donc ni plus ni moins que la prévention des détournements de fonds publics par les autorités en charge de la gestion des biens publics. Dans un environnement où l’idée de serviteur de l’Etat a été assimilée à celle de pilleur de la fortune publique, l’article 66 devait ainsi contribuer à prévenir le mal à défaut de pouvoir le guérir. Sauf qu’au Cameroun la mentalité n’est pas propice à la prévention. Les camerounais sont plus sensibles à la répression qu’à la prévention.
 
Comment réagissez-vous par rapport à ceux qui disent de l'Opération Epervier qu'elle a échouée ?

Personne ne maîtrise les perspectives exactes envisagées par cette opération pour évoquer cette idée d’échec. Le gouvernement camerounais a décidé souverainement d’une action d’assainissement de la vie publique sans définir exactement les résultats attendus ou le nombre total de victimes à comptabiliser. L’opinion publique s’est trouvée embarquée dans une aventure qui lui permet d’avoir une revanche psychologique sur une élite arrogante et tribaliste. On n’en est là. Parler d’échec, c’est faire preuve de naïveté à partir du moment où de grosses personnalités sont aux arrêts…
 
Que suggérez-vous au pouvoir public dans ce sens pour mieux redéfinir les objectifs de cette opération ?

Le gouvernement doit simplement assumer son déploiement dans ce domaine. En évitant de sombrer dans les travers contraires à la république tels les règlements de compte, les « arrestations pour satisfaire l’opinion publique », voire les arrestations pour respecter les équilibres géographiques, car l’opération épervier n’est pas assimilable à une élection au parlement où on fonctionne à partir de la représentation nationale. Les arrestations ne doivent s’opérer que sur la base des dossiers bien ficelés, et dans le respect des procédures en vigueur !

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© Camer.be : Propos recueillis par Hugues SEUMO
Paru le 03-10-2009 00:35:24


03/10/2009
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