Cameroun, Diaspora : quel gâchis ?

Cameroun, Diaspora : quel gâchis ?

Diaspora Cam:Camer.beAvec plus de trois millions d’individus dispersés à travers la planète, la diaspora camerounaise est l’équivalent de la population d’au moins deux pays de l’Afrique centrale réunis ! Et depuis au moins 6 ans, on réfléchit officiellement dans les sphères dirigeantes du pays sur la question de savoir si elle peut assumer une contribution au développement de son pays d’origine. Et dans cette réflexion sans cohérence malheureusement, des voix ont déjà proposé qu’elle soit prise en considération comme la 11ème Province (ou région) du Cameroun.Bien entendu, ce qu’on appelle contribution au développement du Cameroun pourrait avoir des consonances politiques, économiques, culturelles ou religieuses, etc.

selon la diversité même de cette diaspora qui est composée d’étudiants, des médecins, ingénieurs, banquiers, chercheurs scientifiques en toutes disciplines, réfugiés politiques, intellectuels en mal d’utilisation dans leur pays, témoins de Jéhovah, sportifs, aventuriers, émigrés de la faim, etc..

Le gouvernement camerounais, lui, semble avoir simplement choisi ce qu’on pourrait appeler une « implication économique », vue sous l’angle de l’amplification des flux financiers dans le pays. Il parait conforté dans cette option par le fait que, d’après des études menées par un Observatoire africain basé en Europe et aux Etats unis, des Camerounais en diaspora réaliseraient chaque année dans leurs pays d’accueil «un chiffre d’affaires de l’ordre de 550 millions de dollars US », soit 275 milliards de Fcfa.

Si ce pactole représentait des bénéfices réinvestis en terre étrangère, ce serait un véritable gâchis en tant que opportunités financières vendangées par le gouvernement camerounais, qui dédaigne à faciliter le retour de ces capitaux par une politique idoine, alors que ce montant est supérieur d’au moins 25 milliards à celui que l’Assemblée nationale l’autorise tous les ans à emprunter à l’extérieur, comme pour alourdir l’endettement du pays.

On peut par ailleurs signaler que dans le même temps, le Cameroun partage avec les autres pays Acp les 359 milliards d’euros que la diaspora africaine en Union européenne transfère à ses familles d’origines, et que les ménages investissent dans les dépenses alimentaires. L’importation des aliments dans la plupart de ces pays faisant d’ailleurs en sorte que cet argent reparte du pays plus vite qu’il n’est venu. Ces flux financiers, mobilisés avec compétence et cohérence, pourraient être transformés en facteur de développement et de croissance économique, si les conditions adéquates étaient créées pour que ces « camers » puissent les investir en toute sécurité dans le pays.

La problématique pour le gouvernement est alors : l’identification des flux et de leurs sources ; l’inventaire des obstacles internes au retour de ces fonds – comme d’ailleurs de ceux qui ont fui du pays par le pillage – et la recherche politique des solutions.

La grande question est : cette diaspora de trois millions de personnes est-elle partie intégrante de la nation camerounaise ?

Si oui, pourquoi est-il apparemment impossible de leur accorder la double nationalité et le droit de vote qui leur ôteraient le sentiment d’être étrangers dans leur pays ? Qu’il nous soit permis de faire ici nôtre, le point de vue du Pr constitutionnaliste Joseph Owona, selon lequel  la diaspora camerounaise, toutes diversités, devrait disposer d’une représentation à l’Assemblée nationale, au Sénat et aux Conseils régionaux grâce à un collège électoral particulier (rentrée académique 2010, Fac de Droit, Univers. Douala). Et pourquoi au demeurant ne créerait-on pas une Commission nationale de la diaspora dont la mission serait d’écouter et de s’occuper de tous les problèmes des Camerounais de l’étranger ?

Il est évident qu’une diaspora camerounaise mise en condition peut et doit assumer une contribution au développement économique, social et culturel de son pays, loin au-delà des aides alimentaires aux familles. Et nous sommes bien placés pour citer au minimum le cas de l’Université des Montagnes dont les laboratoires, bibliothèques et autres équipements ont été fournis par la diaspora camerounaise dont certains viennent encore y dispenser des cours gratuits.

Depuis cinq ans par contre, le gouvernement camerounais préparait un Forum économique et commercial avec la diaspora dont le thème prévu était : « La diaspora, un véritable acteur de développement ». Après d’ultimes préparatifs commencés en 2009, la date retenue était la 11 août 2010. Ce jour-là pourtant, il n’y a rien eu, alors que tous les invités étaient là. Deux membres du gouvernement qui s’en disputaient la paternité n’ont pas pu s’entendre, parce que le Premier ministre n’a pas su les départager. Et le chef de l’Etat « sous le haut patronage » duquel était placé l’événement ne s’est pas signalé. On peut donc comprendre pourquoi nous avons beaucoup insisté plus haut sur la cohérence.

Un ministre du Commerce et un ministre des Relations extérieures n’ont pourtant pas à se battre pour s’occuper de la diaspora, puisque dans le cadre de leurs compétences respectives, l’un peut organiser à l’intérieur les activités économiques de la diaspora, tandis que l’autre peut en assumer à l’Extérieur les bonnes relations du gouvernement avec la même diaspora, et même l’aider à s’organiser en force de proposition. Mais, qu’aurions-nous eu à nous mettre sous la dent si pour une fois des « créatures de M. Biya » se montraient capables de donner de notre pays une autre image que celle des contradictions alimentaires internes du système, et de l’improvisation gouvernante ?

© Source : Le Messager


19/08/2010
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