Cameroun: Ce pays qu'on ne respecte plus !

YAOUNDE - 26 MARS 2012
© XAVIER MESSÈ | Mutations

Ainsi donc, Antoine Ntsimi, ressortissant camerounais, exerçant les fonctions de président de la Commission de la Cemac, installé à Bangui en République Centrafricaine, pays qui héberge le siège sous-régional de cette organisation, a été interdit de descendre de l'avion qui le ramenait à son lieu de service. En d'autres termes, ce haut fonctionnaire qui gérait dans le cadre de l'intégration sous-régionale, six Etats dont le Cameroun, a été chassé de son pays d'accueil comme un vulgaire voyou.

Ainsi donc, Antoine Ntsimi, ressortissant camerounais, exerçant les fonctions de président de la Commission de la Cemac, installé à Bangui en République Centrafricaine, pays qui héberge le siège sous-régional de cette organisation, a été interdit de descendre de l'avion qui le ramenait à son lieu de service. En d'autres termes, ce haut fonctionnaire qui gérait dans le cadre de l'intégration sous-régionale, six Etats dont le Cameroun, a été chassé de son pays d'accueil comme un vulgaire voyou.

Les autorités de Bangui ne se sont pas encombrées des usages diplomatiques pour prier Antoine Ntsimi de ne plus se rendre à Bangui au terme de son séjour au Cameroun. Elles lui ont brutalement signifié de son siège dans l'avion, qu'il était indésirable et qu'il ne lui restait plus qu'a rentrer dans son pays. Cette expulsion inhabituelle fera date dans l'histoire universelle de la diplomatie.

Depuis que cette affaire a été rendue publique, elle est débattue dans beaucoup de cercles politiques et diplomatiques. Le weekend dernier, elle a été au menu de tous les débats sur les chaines des radios et des télévisions. Elle a passionné les différents observateurs, certains condamnant énergiquement le président centrafricain François Bozizé qui a ordonné personnellement l'expulsion du diplomate camerounais ; d'autres observateurs «comprennent» l'action du président centrafricain, en justifiant sa colère par des attitudes qu'ils qualifient «d'extravagantes, d'insubordination» de la part de l'ancien ministre camerounais des finances.

Quelle que soit la position qu'on adopte dans cette humiliante affaire, on doit prendre en compte un certain nombre de faits qui sont indiscutables. Le premier de ces faits est que, avant Antoine Ntsimi, d'autres Camerounais avaient dirigé la défunte Udéac sans encombre, cet ancêtre de la Cemac; ce sont encore des Camerounais qui dirigent la Commission de l'actuelle Cemac, le dernier avant Ntsimi ayant été Jean Nkueté dont la discrétion, l'humilité et l'efficacité sont des caractéristiques qu'on salue à Bangui, même après le départ de ce dernier. Dans l'entourage de François Bozizé, on évoque toujours avec un zeste de nostalgie, le départ de Jean Nkueté dont les méthodes de travail et de coexistence avec les autorités locales, sont aux antipodes de celles d'Antoine Ntsimi.

Le deuxième fait marquant est le peu d'intérêt que les autorités camerounaises actuelles font des regroupements régionaux et continentaux. Ces mêmes autorités ne donnent pas du tout le sentiment d'accorder une quelconque attention à leurs ressortissants, même quand ceux-ci assument des fonctions importantes hors du triangle national. De nombreux honnêtes Camerounais sont régulièrement humiliés et spoliés à l'étranger, sans que le gouvernement de Yaoundé ne lève le petit doit. Résultat, les Camerounais ne sont ni protégés par leur gouvernement, ni respectés à l'étranger.

Qu'elle est lointaine, cette époque où notre compatriote, Nzo Ekangaki, alors secrétaire général de l'Organisation de l'unité africaine en 1978, une fois empêtré dans un scandale dit de la Lonhro, toute l'Afrique se sentit trahie par un de ses fils qui avait pourtant la mission de gérer les intérêts politiques et économiques du continent. La diplomatie camerounaise de l'époque s'était mise en mouvement avec panache. Nzo Ekangki fut écarté des affaires, mais cette diplomatie réussit à replacer aussitôt sans transition, William Aurélien Etéki Mboumoua à la tête de l'Oua, sans la moindre secousse. Peut-on imaginer un pareil scénario aujourd'hui ?

Très proche de nous, à Ndjamena en décembre 2000, alors qu'ils prennent part à un sommet, les dirigeants de la Cemac, les chefs d'Etat, décident de la création d'une bourse des valeurs pour la sous-région. Paul Biya était absent à cette concertation. Son premier ministre de l'époque, Peter Mafany Musonge qui le représentait, fut éconduit du huis clos des chefs d'Etat qui lui rappelèrent sèchement qu'il n'est que «représentant, et non chef...» Pour digérer cette gifle, dans la précipitation, le 18 décembre de la même année, soit seulement trois jours après le sommet de NDjamena, Yaoundé annonça à grand renfort de publicité, l'ouverture de «sa» «Bourse des valeurs mobilières (BCVM) dédiée aux transactions sur les valeurs mobilières privées et les titres publics» à Douala.

L'affaire de la Lonhro avec Nzo Ekangaki et la manière dont elle fut résolue avec l'arrivée d'Etéki Mboumoua à la tête de l'Oua, signifie que le Cameroun était un pays respecté avec une diplomatie existante. L'affaire d'Antoine Ntsimi et celle de la Bourse des valeurs de la Cemac établie à Libreville au détriment de Douala, signifient que le Cameroun n'est plus respecté, et en passant, que son président n'est pas craint.

En définitive, lorsqu'un pays est respecté, ses dirigeants et ses citoyens le sont également. Le cas contraire, ses ressortissants subissent le traitement infligé à Antoine Ntsimi à Bangui, car tout le monde est conscient qu'en face, il n'y aura pas du répondant.




27/03/2012
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