Cabinet Yang III : 100 jours et 1000 incertitudes

Cabinet Yang III : 100 jours et 1000 incertitudes

Yang Philemon:Camer.be09 décembre 2011-19 mars 2012. 100 jours que le chef de l’Etat, Paul Biya, a rendu public le gouvernement dit des «grandes réalisations».Première équipe gouvernementale à l’œuvre dans le cadre du nouveau (et probablement dernier) septennat de l’homme du 06 novembre 1982 à la tête de l’Etat du Cameroun, de nombreuses attentes ont été placées en le cabinet «Yang III».Lors du conseil ministériel post-gouvernement du 09 décembre dernier, qui s’est tenu le 15 suivant, M. Biya a, en des termes directs, mis le gouvernement sous pression : «Je vous le dirai sans fard, c’est une très lourde tâche qui vous attend, les uns et les autres. Il s’agit, ni plus ni moins, d’imprimer à notre économie une « nouvelle dynamique » et de mettre notre pays sur les rails de l’émergence. Il faut donc que chacun d’entre vous se pénètre de l’importance et de l’urgence de la mission qui est la sienne.»

Plus loin, il indiquera que «la période qui s’ouvre devant nous est capitale. Nous avons une obligation de résultat. Nous bénéficions de plusieurs facteurs favorables : climat, abondantes ressources naturelles, ressources humaines de qualité, etc. Notre problème est de les mettre en valeur, ce qui dépend essentiellement de nous. Nous devons donc nous mobiliser, gouvernement, administration, société civile, etc., pour donner au développement de notre pays ce nouvel élan que notre peuple attend. Tant de choses en dépendent : relance de l’économie, recul du chômage, baisse de la pauvreté, amélioration des conditions de vie, entre autres». 100 jours après la formation du gouvernement des «grandes réalisations», Mutations évalue, dans le présent dossier, le chemin parcouru afin de mieux scruter l’avenir.
 
100 jours et 1000 incertitudes

Les Camerounais attendent toujours le déclic, en dépit d’une volonté politique moins discrète.

Le 06 mars dernier, le président de la République, Paul Biya, a validé les feuilles de route ministérielles commandées lors du conseil ministériel du 15 décembre 2011. Au total, près de 90 jours se sont écoulés entre la commande présidentielle et la tombée des copies au Palais de l’unité. «Ces feuilles de route ont fait l'objet d'un examen concerté entre les différents départements ministériels concernés, les services du Premier ministre et le secrétariat général de la présidence de la République. Cette démarche consensuelle a abouti à un catalogue d'activités, de projets et de programme réalistes, adossés sur les ressources budgétaires de l'exercice en cours. Ce schéma permettra de procéder le moment venu, à l'évaluation semestrielle d'étape prescrite par le chef de l'Etat et d'identifier en la circonstance, les manquements, les retards éventuels et les raisons y afférentes», expliquait alors le secrétaire général de la présidence de la République, Ferdinand Ngoh Ngoh.

Pour voir clair sur les grands axes de la politique gouvernementale à l’aune des «grandes réalisations», le discours de prestation de serment du chef de l’Etat réélu, face à la représentation nationale, le 03 novembre 2011, s’avère ainsi d’un précieux concours. Sur le plan politique, Paul Biya annonçait, pour son nouveau septennat, que «l’Assemblée nationale sera bientôt épaulée par le Sénat». Le non moins leader du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc) annonçait également la poursuite du processus de décentralisation, la mise en place du Conseil constitutionnel mais également l’amélioration du système électoral. Sur ce dernier point, un frémissement est aujourd’hui perceptible avec l’annonce de la réforme biométrique et l’avènement imminent d’un Code électoral, document réclamé depuis 20 ans par l’opposition et la société civile.

Les autres attentes restent cependant pendantes. Sur le front de la lutte contre la corruption, l’activité soutenue du Contrôle supérieur de l’Etat, à travers le Conseil de discipline budgétaire financière et comptable, démontre à suffisance la volonté du pouvoir de traquer les gestionnaires véreux de crédits ; même si l’on attend toujours la mise sur pied du Tribunal criminel spécial.

Sur le plan économique, Paul Biya avait promis la relance de la croissance : «Aujourd’hui, nous avons remis de l’ordre dans nos finances publiques. L’allègement de notre dette nous a donné de nouvelles marges de manœuvre. Nous disposons désormais d’une vision à long terme qui fixe les étapes de notre marche vers l’émergence et de la stratégie pour la croissance et l’emploi qui nous guidera pendant les prochaines années. Bref, nous savons où nous allons et sommes libres de nos choix.»

Le palier économique est le domaine par excellence où le décalage entre le dire et le faire présidentiel s’avère criard. Le démarrage effectif des grands chantiers structurants, annoncé pour janvier 2012, tarde à se concrétiser. Des petits pas sont notés, mais dans l’ensemble on assiste à un retard à l’allumage souvent lié à l’inertie administrative ou au manque de financements.

La «révolution agricole» claironnée a, quant à elle, été mal servie pendant ces 100 premiers jours par l’affaire des 600 tracteurs abandonnés dans la broussaille à Ebolowa. Une affaire qui a démontré que des proches collaborateurs du chef de l’Etat n’ont pas toujours eu, ces derniers temps, à cœur de l’accompagner dans la nouvelle dynamique proclamée.

Les mêmes soucis se font jour sur le plan social avec le projet de 10.000 logements sociaux dont la construction est dans l’impasse à Olembé (Yaoundé) et Mbanga Bakoko (Douala), ou encore la gestion apocalyptique du drame humain qui s’est noué à travers la disparition d’un bébé à l’hôpital gynéco-obstétrique et pédiatrique de Yaoundé. Les pénuries d’eau, dans la ville de Yaoundé, le retour en force de l’insécurité dans les centres urbains, les suspensions intempestives de fourniture d’énergie électrique, ici et là, sont autant de manquements qui viennent assombrir les 100 jours du «gouvernement des grandes réalisations».

Bon à noter, sur ces 100 jours, Paul Biya en a passé 34 hors du pays, précisément en Suisse. A son retour de Genève, le président de la République semble se réveiller brutalement en signant en cascade des décrets visant à vitaliser ou à revitaliser l’activité gouvernementale. Il en faut certainement plus pour franchir le cap de la «République exemplaire».

© Mutations : Georges Alain Boyomo


19/03/2012
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