Burkina Faso:Ces signes qui parlent à haute voix

Manifestations Burkina Faso:Camer.beCertains peuples d’Afrique du Nord, par leur détermination, ont pu déloger leurs dictateurs de leur bunker, parce que simplement, ils n’en pouvaient plus de supporter plus longtemps encore leur mégalomanie et leur attachement maladif au pouvoir. Le ton avait été donné par la Tunisie. Elle a été suivie par l’Egypte, puis par la Libye. L’on a pu à juste titre, parler de « printemps arabe ». Pourtant, l’adversité était forte mais la volonté de ces peuples d’aller au changement l’était davantage. Pendant ce temps, les peuples de l’Afrique au Sud du Sahara, dont certains pourtant vivaient les mêmes réalités politiques dans leurs pays, étaient dans l’expectative. Mais c’était peut être le calme avant la tempête, est-on tenté de dire, au regard des événements qui s’observent aujourd’hui au Burkina. Ce pays est-il en train de poser les premiers jalons du printemps de l’Afrique Noire ? Beaucoup de signes forts allant dans ce sens pourraient y être relevés.

 

D’abord, chez les Arabes, le mouvement de contestation avait été perçu au départ par les princes qui les gouvernaient, comme des épiphénomènes qui allaient très vite mourir d’eux-mêmes. Dans leur tour d’ivoire et entourés de leurs conseillers les plus zélés,   Ben Ali et les autres ont cru naïvement que les clameurs de la rue ne pouvaient en aucun cas ébranler leurs trônes. La suite des événements leur a donné tort. Au Burkina Faso aussi, l’on peut avoir l’impression que le pouvoir de Blaise Compaoré est dans le même état d’esprit.

Le symbole le plus parlant est le déboulonnement de la statue de Blaise Compaoré à Bobo
Monument Blaise Compaore:camer.be

En effet, en dépit des mobilisations monstres qui ont toujours caractérisé les manifestations des Burkinabè contre le règne à vie de Blaise Compaoré, celui-ci donne le sentiment qu’il n’est pas inquiété outre mesure. Pire, le pouvoir s’est installé dans une posture de défiance, consistant à apporter à chaque manifestation de l’opposition une réplique en termes de contre-marches et de contre-meetings auxquels participent massivement aussi, il faut le dire, des Burkinabè. Mais parmi ces manifestants, il faut le dire aussi, certains ne cachent plus le fait qu’ils le font moyennant espèces sonnantes et trébuchantes. Le pouvoir a peut-être de l’argent, beaucoup d’argent même, mais cette forme de mobilisation ne peut pas tenir dans la durée. En revanche, toutes ces centaines de milliers   de Burkinabè qui se sont mobilisés aux côtés de l’Opposition et de la société civile donnent l’impression d’être mûs par un idéal dont ils sont conscients de la noblesse. De ce fait, et à l’instar des manifestants de la place Tahrir du Caire,   les Burkinabè pourraient battre le pavé jusqu’à ce qu’il y ait un renoncement au sommet.

 

Ensuite, certains actes de protestation de l’Opposition sont chargés de symboles. C’est le cas des spatules brandies par les femmes à l’occasion de leur marche de ce lundi 27 octobre 2014. Celles-ci comptent même en arriver à manifester en tenue d’Adam et d’Eve, si Blaise Compaoré ne se ravisait pas. Il y a aussi le Balai, que le Mouvement « Balai citoyen » utilise pour porter son message. Mais l’on peut être tenté de dire que le symbole le plus parlant est le déboulonnement de la statue de Blaise Compaoré à Bobo-Dioulasso. Cette scène, en effet, nous rappelle bien d’autres dans d’autres pays. Les peuples de tous ces pays, pour signifier que leurs actions étaient dirigées contre les institutions, se sont attaqués à la statue de la personne qui les incarne le plus. Et ce sont des signes qui parlent haut et fort. En effet, ces scènes de déboulonnement de la statue du « grand timonier » et autre « guide suprême » précèdent toujours leur chute.
 
Il revient à Blaise Compaoré de savoir décrypter les signes

Autre signe qui parle fort est le méga débrayage des syndicats les plus significatifs du Burkina, de ce mercredi 29 octobre 2014. Certes ces corporations inscrivent leur mouvement sous la bannière de la coalition de la lutte contre la vie chère mais par ces temps qui courent, l’on peut s’attendre à ce que le Front social et le Front politique se rejoignent pour demander le départ de Blaise Compaoré. En 1966, c’est le Front social qui avait levé le lièvre. Il fut plus tard rejoint par les acteurs politiques. Maurice Yaméogo, qui venait d’être réélu à plus de 90% des voix, en avait fait les frais. Pourtant, les actes qu’il avait posés à l’époque et qui avaient irrité les Voltaïques de notre point de vue, étaient moins graves que ceux que Blaise Compaoré est en train de poser aujourd’hui.


Enfin, un autre signe qui parle fort est l’attitude des partenaires majeurs du Burkina. En effet, l’Union européenne, la France, les USA se disent opposés à toute idée de tripatouillage de la constitution.

 

L’Amérique notamment, l’a fait savoir de la manière la plus explicite. Face à tous ces partenaires, qui sont loin d’être les moindres en termes de contribution au développement du Burkina, Blaise Compaoré est resté droit dans ses bottes, stoïque. Sur quoi et sur qui compte-t-il pour prendre le risque de se mettre à dos ces pays ? Cela dit,  l’on peut avoir l’audace, voire la témérité d’oser quelques observations à Blaise Compaoré.

 

D’abord l’on pourrait rappeler à son souvenir, les propos qu’il avait tenus à notre confrère « Jeune Afrique », au lendemain de son avènement au pouvoir en 1987. Il avait en substance déclaré que son action contre son camarade Thomas Sankara n’était pas mue par une quelconque soif du pouvoir. Aujourd’hui chaque Burkinabè pourrait apprécier ces propos à l’aune des faits.

 

Ensuite, l’on peut être choqué par la conception que Blaise Compaoré a de la démocratie. En effet, après 27 ans, voire 31 (si l’on prend en compte le fait qu’entre 1983 et 1987, il n’était pas en dehors du pouvoir), comment peut-il encore s’obstiner à vouloir en rajouter ? Si le compromis de l’ADF/RDA venait à passer, il aura encore la possibilité de régner pendant 15 ans  de plus. La sommation donnerait 27+15 = 42 ans. Peut-on imaginer un seul instant, un tel règne dans une démocratie au 21e siècle ? Même les démocraties bananières les plus avancées pourraient en être dégoûtées.

 

Enfin, l’on peut même se risquer à dire que derrière son rôle de médiateur devant l’Eternel, pourrait se cacher sa volonté d’amadouer l’Occident dans l’unique perspective de confisquer le pouvoir, avec la complaisance des mêmes Occidentaux soucieux de stabilité pour leurs intérêts.

Pour toutes ces raisons, l’on peut dire que Blaise Compaoré, en ces moments, critiques, force non seulement son destin, mais aussi et surtout celui du Burkina Faso.


Il lui revient de savoir décrypter tous ces signes qui parlent haut et fort dans son propre intérêt et dans l’intérêt supérieur de la nation. Cela passe purement et simplement par un renoncement ici et maintenant de sa part, quitte à se démarquer de tous ces boutefeux, qui, aujourd’hui, sont en train de le convaincre qu’en dehors de lui, il n’y a personne au Burkina, capable de diriger ce pays. Demain, ces mêmes personnes pourraient lui jeter la première pierre, au cas où les choses prendraient une allure tragique et irréversible.

 

© Source : Le Pays


30/10/2014
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