Burkina Faso : l`armée soutient Zida pour conduire la transition





Le Burkina Faso aura connu trois dirigeants en moins de vingt-quatre heures, entre vendredi 31 octobre et samedi 1er novembre, à la suite de la démission du président Blaise Compaoré.

Dans la nuit de vendredi à samedi, le lieutenant-colonel Isaac Zida, numéro 2 de la garde présidentielle, s`est autoproclamé chef de l`Etat, dans un communiqué diffusé sur les ondes d`une radio burkinabé. « J`assume les responsabilités de chef de cette transition et de chef de l`Etat pour assurer la continuité de l`Etat », affirme-t-il dans cette déclaration, où il appelle également la Cédéao (Communauté économique des Etats d`Afrique de l`Ouest) et la communauté internationale « à soutenir les nouvelles autorités ».

Samedi, en début d`après-midi, l`armée a publié un communiqué dans lequel elle affirme qu`elle soutient le lieutenant-colonel Zida comme président de la transition. « Le lieutenant-colonel Issac Zida a été retenu à l`unanimité pour conduire la période de transition ouverte après le départ du président Compaoré » par « la haute hiérarchie (militaire), après concertation à l`état-major des armées », selon ce communiqué signé par le chef d`état-major, le général Nabéré Honoré Traoré, qui briguait aussi le pouvoir et qui reconnaît donc la victoire de son rival.

Pourtant, quelques heures plus tôt, il avait dit qu`il assumerait le rôle de chef de l`Etat, affirmant agir « conformément aux dispositions constitutionnelles ». Dans la soirée, un groupe d`officiers emmenés par le colonel Zida lui avait disputé cette autorité, affirmant avoir « pris les choses en main ». Ils avaient annoncé la fermeture des frontières aériennes et terrestres ainsi que la suspension de la Constitution.

COMPAORÉ À YAMOUSSOUKRO, EN CÔTE D`IVOIRE


Dans son communiqué, le colonel Zida affirme que « l`armée nationale, à la demande pressante des forces vives de la nation, a pris ses responsabilités et a décidé d`amorcer un processus de transition démocratique ».

« Cette transition, ajoute-t-il, sera encadrée par un organe de transition, reflétant les diverses sensibilités sociopolitiques de notre nation », sans donner davantage de détails sur le calendrier éventuel de la transition alors que, dans sa lettre de démission, Blaise Compaoré avait proposé que des élections soient organisées dans les quatre-vingt-dix jours après son départ.

Le chef de l`Etat autoproclamé assure aux manifestants qui ont défilé pendant plusieurs jours à Ouagadougou pour empêcher que Blaise Compaoré ne parvienne à modifier la Constitution afin de rester au pouvoir que leurs « aspirations au changement démocratique ne seront ni trahies ni déçues ».

Il a par ailleurs assuré que l`ancien président se trouvait à présent « dans un lieu sûr » et que son intégrité « physique et morale est assurée ». Le président burkinabè déchu se trouvait samedi à Yamoussoukro, en Côte d`Ivoire, où il s`est installé la veille au soir dans une résidence d`Etat pour les hôtes étrangers, selon des témoins contactés par l`AFP. La présence de M. Compaoré a été confirmée par une source sécuritaire de haut niveau qui a requis l`anonymat.


Des échanges de tirs nourris avaient été entendus pendant plusieurs minutes près du palais présidentiel peu avant l`annonce du colonel Zida.


Le jour où le colonel Zida a pris le pouvoir à Ouagadougou


Les Burkinabés n`auront pas pu profiter longtemps de la liesse après l`annonce du départ de Blaise Compaoré. A peine la démission du président rendue officielle, au lendemain de violentes manifestations dans le pays, menant à la dissolution de l`Assemblée nationale et du gouvernement, la bataille pour le pouvoir était engagée entre deux branches de l`armée, sur un terrain laissé vacant par l`opposition politique.

C`est en quelques heures que tout s`est joué vendredi 31 octobre, souvent dans l`improvisation. En fin de matinée, ils étaient encore des milliers d`anonymes réunis place de la Nation, point de rassemblement des manifestants opposés au projet de modification de la Constitution, déterminés à faire partir Blaise Compaoré au plus vite.

INCONNU JUSQU`ALORS

Alors que cette foule impatiente s`apprêtait à marcher sur le palais présidentiel, un lieutenant-colonel inconnu jusqu`alors, Isaac Yacouba Zida, sort de l`état-major et parcourt la centaine de mètres vers la place de la Nation en compagnie de plusieurs leaders de la société civile. Bientôt rejoint par les ténors de l`opposition, l`officier prend la parole sur un ton solennel.

« Peuple du Burkina Faso, une page vient d`être tournée ce matin. A partir de ce jour, Blaise Compaoré n`est plus le président du Burkina Faso. Votre armée nationale a entendu votre appel et nous sommes là pour vous dire que le pouvoir est désormais au peuple. Le peuple va décider désormais de son avenir. Cette place de la Nation est désormais le siège du gouvernement du Burkina Faso. Sachez que votre armée est avec vous, dans toutes ses composantes. »

Dans la journée, le lieutenant-colonel Zida prend la parole face aux manifestants pour annoncer la démission de Blaise Compaoré

 

Le ralliement des militaires, c`est le dernier signal que le peuple attend pour savoir que la victoire est acquise, il laisse alors éclater sa joie. Mais alors que le lieutenant-colonel Zida commence une réunion de crise dans le camp militaire situé près de la place de la Nation, de son côté le chef d`état-major convoque la presse pour annoncer qu`en cette période de vacance du pouvoir, c`est lui, le général Nabéré Traore, qui assume les responsabilités de chef de l`Etat, « conformément aux dispositions constitutionnelles ».

Une affirmation difficile à vérifier : l`article 43 de la Constitution stipule qu`en cas de vacance de pouvoir, des élections doivent être organisées dans un délai maximum de soixante jours par le président de l`Assemblée nationale qui assure l`intérim. Mais il ne précise pas la marche à suivre lorsque cette institution a été dissoute.

PRIS DE COURT

Cette déclaration sème le trouble dans le bureau où s`entassent le lieutenant-colonel Zida et une poignée d`autres gradés, ainsi que quelques leaders d`organisations de jeunes, sentant qu`ils étaient pris de court. Les téléphones ne cessent de sonner, on chuchote derrière les portes closes. Puis les 4×4 de plusieurs officiers commencent à arriver, dont certains qui s`affichaient encore à côté du chef d`état-major quelques heures auparavant.

Le groupe convoque alors la presse et proclame la suspension de la Constitution, annonçant la création d`un organe de transition en accord avec les « forces vives de la nation ». Les journalistes comprennent que celui qu`ils ont d`abord pris pour un porte-parole du chef d`état-major a finalement son propre agenda mais, réduits au statut de porte-micro, ils ne sont pas autorisés à poser des questions. Entouré d`un cordon de sécurité de plusieurs militaires, le lieutenant-colonel Zida sort alors du camp pour répéter cette adresse à la foule encore rassemblée place de la Nation.

A Ouagadougou, vendredi.

Cette fois pourtant le message passe mal auprès d`une population qui commence à craindre une récupération de son mouvement. Elle réclame depuis jeudi que le général Lougué, ancien chef d`état-major et ministre de la défense, congédié par Blaise Compaoré en 2005, prenne la tête de la transition. Le seul en qui le peuple semble avoir confiance ne s`est pourtant pas montré ce vendredi, et assure ne pas être au courant de ces revendications. Une situation floue qui exaspère ceux qui ont manifesté de longues journées pour réclamer un changement.

LA FORCE LA PLUS ÉQUIPÉE ET LA PLUS CRAINTE

« Notre pays est dans les mains de qui exactement ? s`interroge Djénéba, venue place de la Nation pour tenter de trouver des réponses. On nous parle de Traoré, de Lougué, de Zida... Mais nous on a peur ! Les gens pillent partout, on ne peut pas dormir dans cette situation ! Il faut qu`on nous situe. Ces militaires qui ont pris le pouvoir, ils sont qui exactement ? On ne sait pas s`ils sont les gars de Blaise Compaoré, on ne sait pas ce qu`ils veulent... »

Le lieutenant-colonel Zida est le numéro deux du régiment de sécurité présidentielle, la force la mieux équipée du pays, la plus crainte aussi. Une position qui inquiète les manifestants. « Tout le monde est déçu, on ne comprend pas, déplore Désiré... C`est le même système qu`ils veulent maintenir et là nous on en a marre, toute la jeunesse en a marre. C`est pas seulement le départ du président qu`on veut mais aussi de tout son système. »

Après plusieurs heures de bras de fer entre le général Traoré et le lieutenant-colonel Zida, c`est ce dernier qui semble avoir pris le dessus, s`affichant avec des personnalités du monde de la jeunesse et multipliant les communiqués : l`un appelant la population au calme alors que les pillards ont investi de nombreux quartiers de Ouagadougou vendredi, l`autre proclamant un nouveau couvre-feu ainsi que la fermeture des frontières terrestres et aériennes.

Dans la nuit de vendredi à samedi, le lieutenant-colonel Isaac Zida s`est autoproclamé chef de l`Etat, dans un communiqué diffusé sur les ondes d`une radio burkinabé. « J`assume les responsabilités de chef de cette transition et de chef de l`Etat pour assurer la continuité de l`Etat », affirme-t-il dans cette déclaration où il appelle également la Cédéao (Communauté économique des Etats d`Afrique de l`Ouest) et la communauté internationale « à soutenir les nouvelles autorités ». Samedi, en début d`après-midi, l`armée a publié un communiqué dans lequel elle affirme qu`elle soutient le lieutenant-colonel Zida comme président de la transition.

Si les rues de la capitale burkinabé étaient effectivement vides vendredi soir, certains vols n`étaient pas encore été annulés samedi. Les regards se tournent désormais vers la coalition de l`opposition politique, totalement absente de l`espace public vendredi. Si de nombreux Burkinabés ont perdu confiance en certains de ces partis en raison de leur ancienne proximité avec Blaise Compaoré, leur position devrait malgré tout influencer la tournure des prochains jours.



Maureen Grisot

 

 

 

 



01/11/2014
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