Bonne gouvernance : l'opération épervier et la déclaration des biens

Bonne gouvernance : l'opération épervier et la déclaration des biens

Lundi, 12 Juillet 2010 08:29 THIERRY NYOPE

epervier1De nombreux observateurs s’interrogent sur l’impact réel de l’opération Epervier sur la politique du gouvernement. L’année 2010 s’annonce riche en rebondissements sur le plan politique. Dans la mesure où elle marque un tournant décisif dans la gestion des affaires du pays. Car dans quelques mois, les Camerounais seront une fois de plus appelés à choisir leur président de la République. Les candidatures dans ce sens se bousculent d’ailleurs. Mais comme le pensent certains analystes, Paul Biya, président sortant et « candidat naturel » du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc)-parti proche du pouvoir, par ailleurs candidat à sa propre succession, a l’avance des pronostics.

Et pour marquer les esprits de ses compatriotes qui croupissent par millions sous le poids de la pauvreté, il a mis sur pied une vaste opération d’assainissement des mœurs et partant, des finances publiques. Malheureusement cette initiative a fini par créer des vagues au sein de l’opinion.

Née à la fin des années 1980, à cause des plans d'ajustements structurels imposés par le Fonds monétaire international qui a poussé le gouvernement camerounais à baisser de manière drastique (jusqu'à -70%) des salaires de la fonction publique suivie d'une dévaluation de 50% du Fcfa, la corruption a fini par faire son nid dans toutes les sphères de la société. Des Camerounais, dans le souci de joindre les « deux bouts » se sont mis à vendre leurs services. Malheureusement, la donne a atteint des proportions incontrôlables, au point où Paul Biya a dû sortir le grand jeu : l’opération Epervier. Objectif, traquer les personnes rendues coupables de malversations financières dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions. Cette opération a diversement été appréciée au sein de l’opinion nationale et internationale.

 

Controverses

Pour Nicole Kamdeu, commerçante, « ce n’est pas la solution d’arrêter les gens et de les jeter en prison de la sorte. Il faut que le président repense aux bons moments et aux services que ces hauts commis ont rendus à l’Etat. On peut résoudre ce problème autrement, en récupérant l’argent épargné dans les banques occidentales et en laissant les personnes concernées en liberté.» Certains vont même plus loin en arguant qu’il s’agit simplement d’une opération à tête chercheuse initiée par le président Paul Biya pour éliminer ses adversaires politiques.

Olivier Vallée, économiste, consultant pour le Fmi, souligne que « l’Opération épervier ressemble à une opération d’épuration au sein des élites camerounaises. Il y a bel et bien, dans cette opération, à la fois la disparition d’un certain nombre de potentiels concurrents politiques, mais aussi d’alliés politiques. » Pour cet économiste, il est difficile de se prononcer sur un facteur risque pris par le président camerounais. Mais une chose reste certaine, il s’agit « plutôt une tactique de pouvoir qui le replace d’une certaine façon comme ‘le magistrat suprême de la société camerounaise’, c’est-à-dire pas simplement un arbitre politique, mais un décideur du Bien et du Mal dans son pays. » Selon M. Vallée, l’élimination des adversaires politiques n’a pas attendu la venue de la police morale de l’anticorruption. « Par contre, ce que permet la police morale de l’anticorruption, c`est aujourd’hui de légitimer l`éviction de concurrents ou la dénonciation d`opposants. Et de côté-là, effectivement, la police morale enrichit la palette de contrôles du pouvoir dans un certain nombre de régimes sur le continent africain…» ajoute-t-il. Cet avis est d’ailleurs partagé par plusieurs leaders d’opinion. A l’instar de Célestin Bedzigui.

 

 

Psychose

Au sein du gouvernement, la psychose s’est emparée des uns et des autres. Surtout que le ministre de la Justice et Garde des sceaux, Amadou Ali a annoncé la semaine dernière la poursuite des arrestations dans le cadre de l’opération Epervier. Et certaines de ces personnalités qui ont appris que leurs noms figurent sur la liste d’Amadou Ali ont perdu le sommeil et n’ont plus le cœur à l’ouvrage. Les personnalités déstabilisées multiplient des réunions secrètes et les messes noires ces jours-ci pour échapper aux serres de l’Epervier. Une ambiance qui n’est pas de nature à stimuler le travail au moment où le Cameroun en a le plus besoin pour sortir de la pauvreté.

L’un des aspects non négligeables de cette opération se situe au niveau de l’électorat. Car, certains analystes pensent que le président Biya scie inexorablement la branche sur laquelle il est assis. Dans la mesure où plusieurs personnalités arrêtées dans le cadre de cette opération martèlent dans leurs plaidoiries qu’elles se sont retrouvées dans cette situation en voulant rendre service au Rdpc. C’est le cas notamment d’Alphonse Siyam Siwé et Ondo Ndong. Et il n’est un secret pour personne qu’elles étaient de véritables piliers dans leurs régions respectives et une source indiscutable d’électeurs.

Quel sera donc le revers que cet électorat réservera à Paul Biya à l’approche de l’élection présidentielle ? Certains politologues prédisent un avenir sombre au régime du Renouveau. Vrai ou faux ? Les prochains jours nous en dirons un peu plus.

Thierry Nyope



12/07/2010
0 Poster un commentaire

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 299 autres membres