Bernard Njonga : L’opportunité politique de ce rapport est à questionner

MUTATIONS 17/11/11

Bernard Njonga : L’opportunité politique de ce rapport est à questionner

Le président de l’Acdic apprécie les investigations de la Conac et formule des attentes quant au suivi des découvertes faites par cette institution.

De façon globale que vous inspire le premier rapport de la Conac sur la corruption au Cameroun??
C’est déjà une bonne chose que ce rapport existe. Une première depuis la création de la Conac en mars 2006, et une première pour un rapport annuel sur trois ans. Il est la bienvenue car me semble t-il, il tombe à un moment où bon nombre de camerounais avaient ardemment soif d’une réaction aussi bénigne soit-elle contre la corruption. Il a quelque chose de magique et d’apaisant sur ces derniers, ce d’autant plus que le rapport cite des noms de supposés fraudeurs, même si on peut s’interroger sur cette façon de faire. Je ne m’autoriserais pas à gâcher le plaisir de ces Camerounais qui se lèchent déjà les babines dans la perspective d’un grand déballage. Je reste aussi interrogateur sur l’opportunité politique de cette sortie. Je n’ose pas croire que la hiérarchie de la Conac qui est la présidence de la République soit neutre dans ce geste. L’avenir nous le dira. Sur le fond et en ce qui nous concerne à l’Acdic, nous restons sur notre faim. Les dénonciations que nous avons faites il y a trois ans dans la gestion du Programme maïs ont été simplement répétées. Rien de plus.

Vous semblez noter des insuffisances dans ce rapport. Peut-on avoir une idée de celles-ci??
De manière insidieuse, la Conac se donne des pouvoirs qu’elle n’a pas. Dans sa présentation des faits, elle condamne et ce faisant, jette en pâture et à la vindicte populaire des gens dont la culpabilité n’est pas établie. Je n’en veux pour preuve que les démentis et autres réactions des personnes indexées. Par ailleurs je considère que la dénonciation est insuffisante quand on veut lutter contre la corruption. C’est la sanction qui forme et éduque. Ce que la Conac ne fait pas et ne sait pas faire, vu son statut et son mandat. Les méthodes utilisées par la Conac n’autorisent pas statistiquement une généralisation des situations dénoncées à des ensembles qui se ressemblent. Par exemple, le cas des ministères qui tous ont des faits de corruption supposés. Ce rapport ne nous présente pas la Conac telle qu’on l’aurait espérée pour une institution qui veut lutter contre la corruption. L’absence de compte et bilan financier de sa gestion, l’absence de perspectives d’activités sont des manquements graves à notre sens. Pour l’exemplarité, la Conac devrait nous donner les informations qui permettent de l’observer elle aussi. Si vous voulez savoir, ce travail nous intéresse à l’Acdic.

Est-ce que les dérives que l’Acdic a constatées dans le Programme maïs et les travers dans l’attribution des tracteurs sont fidèlement reportées dans ce rapport ?
Oui. Ce rapport reprend mots pour mots ce qui avait déjà été dit par la Conac elle-même en 2009. Vous voyez qu’on n’est pas sorti de l’auberge trois ans après que nous ayons dénoncé ces faits de corruption dans la filière maïs. Ce qui est très grave. Cela confirme l’impuissance de la Conac et encourage les fraudeurs. On nous a maintes fois nargué au Minader en nous traitant des chiens qui aboient quand la caravane passe.

Que sont devenues les 47 personnes du Minader épinglées par la Conac dans son rapport?
D’abord le vice-Premier ministre, ministre de l’Agriculture et du Développement rural dont la responsabilité dans les faits de corruption au Minader est indiscutable, est toujours en poste. Celui-là même qui avait complètement rejeté le rapport de la Conac et conséquemment, soutenu les 47 fonctionnaires soupçonnés. De ces 47, huit ont déjà eu droit à la retraite, 10 ont été promus, deux, paix à leurs âmes, sont décédés et le reste est en fonction.

Quelles attentes exprimez-vous après la publication de ce rapport ?
Ce rapport dénonce et donne une série de faits de corruption et de détournement très graves. Nous souhaitons qu’on aille très rapidement jusqu’au bout avec la mise en évidence de la culpabilité réelle des incriminés et que les sanctions soient effectives. Je n’attendrais pas plus. Si cela est fait dans ce Cameroun et en toute objectivité, je tendrais les mains en l’air, en disant : Ouf !!! On aurait fait un pas de géant dans la lutte contre la corruption. En dehors de ça, il y aura rien.

Propos recueillis par PCA



17/11/2011
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