Belles-lettres: Réalités des prisons camerounaises dans un livre

DOUALA - 18 AOUT 2014
© Gloria KEIN NETH | Le Messager

Les «Geôles d’Afrique, droits humains en milieu carcéral», œuvre produite par Jade Cameroun, montre à suffisance le calvaire que les détenus endurent dans les prisons du Cameroun.

Les Journalistes en Afrique Pour le Développement(Jade), ont mis sur pied cet ouvrage intéressant avec l’appui de l’Union européenne (Ue). Edité sur les presses de l’Imprimerie Les Grandes Editions à Yaoundé Cameroun, en 2013, ce livre de 163 pages présente à sa première de couverture une image saisissante. Celle d’un homme au visage pâle. Il tient difficilement les barres de fer de sa cellule. Le tout sur fond blanc. Signe de pureté et d’innocence de ce prisonnier. A contrario, le titre de l’œuvre, «Geôles d’Afriques, droits humains en milieu carcéral» est inscrit en couleur noire. Des indications qui illustrent le contenu. Détresse, maladies et larmes sont le pain quotidien des pensionnaires des geôles du Cameroun. Surpeuplés, ils y a 15 000 places pour plus de 23 000 détenus répartis dans les 72 prisons du Cameroun. C’est le cas de la prison centrale de Douala logée au quartier New-Bell. Elle abrite jusqu’à 3500 détenus pour un espace prévu de 800 personnes. Résultat: les infrastructures d’accueil sont limitées et beaucoup de prisonniers sont obligés de dormir à la belle étoile. A la merci des intempéries. Ce qui n’est pas sans conséquences sur leur état de santé. La plupart des démunis sont incapables d’avoir de quoi se remplir le ventre. Jade révèle que des «pingouins» comme on les nomme, «se couchent dans les toilettes, sur des étoffes déployées sur le pot des Wc».


Homosexualité

Le livre révèle également une grande curiosité. La majorité de ces pensionnaires qui peuplent les prisons sont des gardés à vue. Cependant, ces présumés coupables vont jusqu’à faire des années de prison sans jugement. Paradoxalement, le code de procédure pénale prévoit que : «Le délai de la garde à vue ne peut excéder quarante huit (48h) heures renouvelable une fois. Sur autorisation écrite du procureur de la République, ce délai peut, à titre exceptionnel ; être renouvelé deux fois», souligne Mbuyi Makélété, chef d’antenne de l’Association des réfugiés sans frontières à Yaoundé. C’est la non application de la loi qui, selon Jade, grossit les chiffres dans les prisons. Cette situation aurait été compréhensible si le gouvernement prévoyait des mesures d’accompagnement. Malheureusement, c’est à peine si chacun d’eux, a un repas par jour. Il s’agit de l’incontournable maïs/haricot appelé «cornchaff».

Les enquêtes des Journalistes en Afrique Pour le Développement (Jade) expliquent que cette précarité est favorable aux trafics d’armes dans les prisons camerounaises : «En service à la prison de Kodengui à Yaoundé, j’ai attrapé, lors de la fouille, un pasteur qui tentait d’entrer en prison avec une arme à feu cachée dans sa bible », confirme un gardien de prison. Dans d’autres cellules de la capitale économique, femmes, enfants et adultes partagent les mêmes cellules. Ce mélange a pour conséquence, les pratiques sexuelles non consenties telles que : le viol, l’homosexualité, la sodomie…La recherche de la survie pousse certains à se livrer. Bien que ces pratiques soient interdites par le règlement intérieur de la prison. « Une fois, on a amené à l’infirmerie un détenu qui s’était évanoui. Il avait des déchirures au niveau du sphincter et le sperme dégoulinait de son anus », raconte Dr Germain Amougou Ello, médecin à la prison centrale de New-Bell. Seule exception est faite dans cette prison aux mineurs. Une cellule spéciale a été créée pour abriter ces 32 mineurs âgés entre 15 et 18 ans. L’objectif est de les réinsérer dans la vie sociale. «On se sent ici comme à la maison. On a presque tout…de l’eau et où dormir », explique Léon. Tout comme ces jeunes, les prisonniers de Mantoum travaillent au champ, ceux d’Edéa deviennent porchers, les prisonniers de Yabassi vivent de la corvée et certains comme Guy Tchatho fabriquent des bijoux. Prison ou liberté ?


Gloria KEIN NETH (Stg)

«Geôles d’Afriques, droits humains en milieu carcéral», Les Journalistes en Afrique Pour le Développement(Jade), 163 pages, presses de l’Imprimerie Les Grandes Editions à Yaoundé Cameroun, 2013


18/08/2014
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