Befe Ateba: «L’abbé Kapinga est un délinquant en soutane»

Cameroun/Befe Ateba: «L’abbé Kapinga est un délinquant en soutane» L’évêque de Kribi explique pourquoi il a mis le prêtre congolais en prison. En réaction à l’article du Messager (voir Le Messager no 3738 du mardi 11 décembre 2012), Mgr Befe Ateba a donné un point de presse vendredi dernier au diocèse de Kribi. Dans son propos liminaire ci-dessous, il donne sa version des faits concernant cette sombre affaire…

Je vous remercie infiniment d’être venus si nombreux; je ne vous ai pas fait venir pour justifier quoi que ce soit, mais j’ai voulu rétablir la vérité sur un article publié dans Le Messager et annonçant que Monseigneur Befe Ateba met un prêtre en prison. Cela a semé l’émoi au sein de l’opinion parce que c’est insolite, inhabituel et à la limite inadmissible. […]Succinctement, voici l’affaire.

Il y a quatre ans, j’arrivais dans le tout nouveau diocèse de Kribi : il nous fallait un vicaire général, un économe, et un chancelier. La toute première nomination d’envergure était celle d’un économe et vous serez surpris, j’ai fait confiance à l’abbé Laurent Mambo Byemba de nationalité congolaise. Il me semblait avoir quelques qualités pour ces tâches-là. […] Il était curé de paroisse, principal de collège, il était en plus économe, il connaissait tous les comptes du diocèse, il avait une signature. Plus tard, j’ai découvert qu’il était auteur des malversations financières.

Cela s’est confirmé car je l’ai pris la main dans le sac : j’envoie un chèque à la Sgbc à Douala par son truchement mais il me déclare que ce chèque est irrecevable, pour cause de signature. Je me trouvais alors en Europe, je lui téléphone pour lui dire de m’attendre pour que je signe un autre chèque. Quand j’arrive, il est introuvable et il s’avère qu’il a déjà touché cet argent. Entre temps, je l’avais déjà nommé curé de la cathédrale.

Je devais visiter la cathédrale et trois jours avant, il est introuvable. A mon retour d’Europe, deux jours avant, il était introuvable. Sur ces entrefaites, je reçois un étrange coup de fil venant du Bénin où, me dit-on, il a demandé refuge pour cause de congés. Finalement, j’ai fait casser la porte de sa chambre, on a découvert qu’il avait porté toutes les affaires y compris les pièces comptables du diocèse. J’ai donc engagé une action auprès de la police pour qu’on le retrouve. Il m’a fallu deux ans de recherches pour apprendre qu’il est rentré dans son pays où il trouvera la mort.

La deuxième chose, concerne le nommé Jean Bosco Kapinga que je vois pour la première fois de ma vie le 15 septembre 2012 dans mon bureau à Yaoundé. Avant, nous avons eu un échange épistolaire pour le moins amer. Dans la lettre qu’il m’écrit -d’un prêtre à un évêque- il m’intime l’ordre de lui signer des lettres qui l’accréditent auprès du diocèse de Strasbourg pour une pastorale. Le ton de cette lettre me surprend car je n’ai pas l’habitude d’en lire de pareilles venant d’un prêtre à un évêque.

Après, c’est un coup de téléphone où il m’assure « que je sais que vous avez reçu ma lettre ». Je m’informe alors sur son sujet et on me dit que c’est un cas. La troisième fois, je suis tranquille chez moi, une lettre vient de Rome où il m’a déjà accusé. Pourquoi faire intervenir les instances romaines alors qu’il n’y a pas eu rupture de dialogue ? Je réagis et de Rome lui vient une petite remontrance. Ensuite, il souhaite aller chez l’archevêque de Dijon que je mets en garde ; alors, Kapinga s’en prend à lui en des termes irrévérencieux avec ampliation à Rome et à moi-même. Le constat est là, je me rends compte que j’ai affaire à un délinquant en soutane.

Néanmoins, quand il arrive et m’annonce qu’il va revenir dans le diocèse, je lui souhaite la bienvenue, je dis au vicaire général de le nommer à Ngovayang qui est une de nos grandes paroisses (elle a été fondée en 1910 sur 50 hectares de terrain ; elle est sur l’autoroute qu’on est en train de créer pour relier Yaoundé à Kribi.

Voici la réponse que j’ai eue de lui, à travers un Sms que j’ai gardé : « Vous m’avez pris pour qui, je gagnais 650 euros (environ 422 500 Fcfa) par mois en Europe, j’ai un doctorat et puis j’avais une voiture et téléphone. Moi je suis formé pour la recherche de l’enseignement à l’Université, vous m’envoyez dans ce mouroir-là. Il y a des confrères qui courent après ces postes-là, nommez les si vous voulez. Quand je serai assez vieux, et que j’aurai terminé l’enseignement alors j’accepterai une nomination dans une paroisse. »

Alors devant de tels arguments, j’ai compris que soit j’ai à faire à un malade mental soit à un prêtre détraqué. […] Il a humilié Mgr Zeh de vénérée mémoire, Mgr Mbarga qu’il traite de tous les noms et il essaye avec moi : il fallait qu’il sache qu’il y a évêque et évêque. Mgr Mbarga est miséricordieux, Mgr Zeh est mort, moi je suis encore vivant alors on dira tout ce que l’on veut, je pense que l’assainissement et la moralité du clergé sont le devoir de l’évêque.

Voilà pourquoi j’ai pris la décision des mesures judiciaires pour l’accuser d’un fait précis. Nous parlons de son affectation à Ngovayang à l’Ucac de Yaoundé, subitement il met sur la table le cas de Mambo comme quoi les Batanga sont xénophobes…

Pourquoi le cas Mambo ressurgit-il maintenant alors que j’ai décidé d’abandonner les poursuites après avoir mis en branle Interpol pour qu’il m’aide à retrouver ce prêtre ? C’est là que j’apprends qu’une enquête est menée sur moi à Kribi par le commissariat de sécurité publique qui aurait reçu une instruction de sa hiérarchie pour qu’on clarifie le cas d’un prêtre congolais que l’évêque de Kribi et son vicaire général auraient tué et enterré en cachette.

Pensez-vous qu’une telle accusation est légère ? Aux termes du droit canonique, je l’ai suspendu de toute activité dans le diocèse. Dans l’enquête de la police, il a déclaré qu’il était prêtre à Kribi et réside dans un hôtel à Yaoundé. J’ai donc saisi les autorités policières et judiciaires compétentes pour qu’ils aillent prouver que le vicaire général et moi avons tué.

Et comme Dieu est grand, je n’arrivais pas à mettre main ni sur les documents ni sur l’Abbé Mambo, un prêtre congolais de Marisse m’a donc mis en contact avec l’archevêque de Bukavu qui est l’actuel administrateur de la paroisse de Vira de la République démocratique du Congo, j’ai dû le joindre par téléphone, je lui ai raconté que je fais l’objet d’une enquête policière, il était scandalisé, il m’a dit « ce prêtre est décédé et il est entré dans mon territoire diocésain dont j’ai la charge en tant que administrateur apostolique.

Il ne s’est jamais présenté à personne depuis deux ans, il résidait là et quand il est décédé, on m’annonce sa mort. Je ne me souvenais pas de ce nom dans le clergé. On m’a raconté qu’il avait été ordonné au Cameroun alors j’ai ordonné qu’on aille l’enterrer après sa mort. »

N’ayant pas reçu des soins appropriés, le corps entrait déjà en putréfaction et d’après cet évêque, il est mort misérablement et on l’a enterré comme un chien. Il n’y a même pas eu de messe, alors l’archevêque m’a promis des documents qui attestent qu’il est mort. Il m’a envoyé le certificat de décès, l’autorisation signée du ministre de l’Intérieur du Burundi qui a ordonné qu’on rapatrie le corps au Congo et d’autres documents officiels. Muni de ces documents j’avais en face de moi un prêtre, un prisonnier pour diffamation.

Voilà l’objet de ma démarche auprès des instances judiciaires et policières, et au moment où je vous parle ce délinquant médite son sort à Nkondengui ; c’est dire que je n’ai rien contre l’identité, la nationalité et l’origine d’un prêtre. Je respecte beaucoup l’église du Congo dont j’ai servi quelques éminences par exemple l’archevêque actuel de Kinhasa dont j’ai été le secrétaire particulier pendant six ans et qui me connaît particulièrement.

Je connais presque tout l’épiscopal du Congo qui a donné des grandes têtes, mais Kapinga ne mérite pas d’être prêtre, on l’a ordonné mais on aurait dû jamais le faire. C’est un délinquant et j’en veux personnellement à ceux qui les on recommandés à Mgr Ama. Le premier était un voleur, il détournait l’argent sous Mgr Zeh, Mgr Mbarga est venu, il a joué au plus fin, quand je suis venu, je n’ai pas mis long à découvrir qu’il y avait un loup dans la bergerie. Ayant constaté que l’étau du contrôle que j’ai mis en place se refermait autour de lui, il a cru bon de s’enfuir.

Le deuxième tient à défier les évêques, il est sorti du territoire camerounais pour se rendre en Europe pour étudier sans autorisation, pourquoi réclamer à un évêque une lettre pastorale qui l’assigne alors qu’il est parti tout seul.

Voilà mes chers confrères en quoi se résume cette affaire Kapinga.

Befe Ateba: «Il n’y a pas de pardon sans vérité»

Mgr, le journal Le Messager qui a écrit cet article s’est offusqué qu’un évêque n’ait pas fait preuve de pardon à l’endroit d’un prêtre. Pouvez-vous revenir sur cette notion de pardon ?

En Afrique du Sud, lorsque Mandela est sorti de prison, le plus grand acte qu’il a posé en tant que homme d’Etat et homme politique a été d’instituer une commission vérité, justice et réconciliation. Il ne peut y avoir de pardon sans la vérité. Vous savez ce qu’un policier m’a dit : « Mgr, s’il était mort au Cameroun, vous auriez du mal à prouver que ce n’est pas vous ». Il était donc important que la vérité sorte et elle est sortie sur le feu des enquêtes policières qui n’ont pas mis du temps à lui faire avouer que c’est lui-même qui est allé voir le délégué général à la sûreté nationale.

Devant les pièces que j’ai versées au dossier, je peux vous garantir qu’il sera libéré mais l’affaire n’est plus à mon niveau. Je vais me dessaisir de la plainte pour lui éviter de connaître la juste peine qui lui convient. Mais il y a des conditions : j’ai avec moi une lettre de pardon qu’il a écrite, mais dans des termes cavaliers qui ne conviennent pas même après avoir reconnu m’avoir causé du tort.

Je veux bien lui pardonner, j’ai même déjà pardonné, mais je me trouve aussi dans une position d’éducateur. Dieu merci le petit clergé de Kribi regorge de grandes valeurs il était temps que le mauvais grain sorte et que le fruit puisse vivre ; un brigand s’est égaré au collège des prêtres ; il fallait en plus des sanctions canoniques que le droit civil pénal prenne ses droits.

Mgr, on a l’impression que vous vous êtes entouré des expatriés ; outre les prêtres congolais Mambo, et Kapinga, il y a une Française. Avez-vous le sentiment que votre confiance est trahie aujourd’hui ?

C’est une méconnaissance de la réalité diocésaine et en particulier de la réalité ecclésiale. En général, il n’y a pas d’étrangers dans l’Eglise, le droit dit ceci : « Tout prêtre qui se trouve dans un territoire diocésain précis fait partie de ce clergé ». Je vous donne un exemple, quand l’évêque propose des candidats à l’épiscopat, il ne tient pas compte des étrangers et des nationaux, tout le monde est égal.

La Française que vous évoquez est là dans le cadre de ce qu’on appelle « les volontaires, les coopérants ». J’avais sollicité l’apport de la direction catholique en France (c’est un service de la conférence des évêques de France). Le diocèse de Kribi n’est ni le seul ni le dernier à les employer. Lorsque j’arrive, il n y avait personne avec les aptitudes à l’économat (économe dans le droit canonique, ce n’est pas les laïcs qu’on nomme, mais un prêtre parce que l’économe dans un diocèse est un peu le vicaire général des finances.

Or pour être vicaire général ou vicaire épiscopal, il faut avoir des aptitudes. Quand j’arrive donc, il n y a qu’un seul qui a des compétences, c’est l’Abbé Mambo. Mon vicaire général n’est ni Congolais ni Centrafricain, c’est un Camerounais. je fais face à cette époque à une carence des ressources humaines comme maintenant et je suis obligé de prendre beaucoup de choses sur moi.

Le problème, Mgr, c’est que cette Française a démissionné et tout semble tourner autour de ce trio…

Pour la gestion, Kapinga n’a rien à y voir. J’ai bien dit que je le vois pour la première fois de ma vie le 15 septembre 2012, la Française a démissionné, je ne veux pas lui manquer de charité, je pense qu’il y avait un problème de compétence parce que dans la lettre des nominations que j’ai faite à son sujet en l’a nommant comptable, je lui ai donné le pouvoir de suivre ce que fait l’économe. Je lui pose la question « comment Mambo a-t-il réussi à voler tout cet argent sous ton nez ? » J’ai démantelé le réseau mafieux et l’ayant vu, Mambo a pris la fuite.

Quand la Française est venue, je lui ai fait l’anthropologie de notre diocèse. Les gens venaient emprunter de l’argent, quand il fallait le rendre, on la menaçait et elle se taisait ; j’ai trouvé qu’elle était incompétente. Je paye aujourd’hui une dette de 50 millions Fcfa contractée maladroitement par les manœuvres criminelles de l’Abbé Mambo.

© Le Messager : Alex NGINKAL


17/12/2012
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