Bébé volé de Vanessa Tchatchou: L’autre film du crime

YAOUNDE - 13 Février 2012
© André Michel Bayiha | La Nouvelle

Notre principale source, Duval Ebale, journaliste et toute son équipe de l’émission «déballage», ont souhaité être cités officiellement afin que toute équivoque soit levée sur les non-dits de cette affaire. Voici les résultats de leurs recherches.


Vanessa Tchatchou
Photo: © Le Jour



Nous sommes le 13 juin 2011, à l’institut Pasteur de Yaoundé. Une jeune fille du nom de Vanessa Tchatchou y arrive dans le but d’une visite prénatale. A la lecture de son bulletin médical, on se rend compte que c'est la 2ème fois qu'elle s'y présente en l'espace de 3 semaines. Ce 13 juin, le bulletin indique qu'elle a une grossesse de 5 mois, ce qui est cohérent sachant que le 1er bulletin avait indiqué 17 semaines de grossesse. 2 mois après, c'est-à-dire à 7 mois de grossesse, suites aux douleurs précédant l'accouchement, la même jeune dame arrive à l'hôpital gynéco-obstétrique et pédiatrique de Ngousso en compagnie de sa mère la nommée Sylvie Jueyep et d'une autre jeune fille portant un sac contenant des couches pour bébé, mais dont l'identité n'est pas signalée. Elle est reçue par les Dr Demba et Ibrahim, tous médecins officiant dans le même centre hospitalier et prise en charge par les infirmières jusqu'à son accouchement qui intervient quelques heures après. Le tout premier constat que fait le staff médical c'est que cet enfant, bien qu'il soit en bonne santé, est extrêmement léger. Cet état de choses provoquera d'ailleurs une discussion au sein du staff qui visiblement trouve que l'enfant présente une anomalie qui nécessite une mise en couveuse, car le Dr Ibrahim dit qu'il y a des mamans qui choisissent souvent de rentrer avec leur enfant même avec un poids aussi insignifiant: ce à quoi le Dr Demba s'oppose avec énergie et exige une mise en couveuse pour le salut de l'enfant.

Sylvie Jueyep dit qu'elle n'a pas suffisamment d'argent pour la mise en couveuse, mais elle fait venir sa cousine, une certaine Laeticia et son oncle dont on ignore l'identité qui à leur arrivée, ordonnent que l'enfant aille en couveuse. Le Dr Ibrahim prescrit une ordonnance et la mère de Vanessa Tchatchou s'en va en pharmacie pour acheter les médicaments prescrits. C'est sur ces entrefaites qu'une jeune fille, celle qui était venue avec Vanessa et sa mère, car elle se comporte comme membre de la famille, entre en salle d'accouchement alors que les infirmières s'activent à accorder des soins au nouveau né, s'empare du bébé. Les infirmières ou l'infirmière laissent faire en attendant l'arrivée de la mère de Vanessa.

Sauf que la fille qui tient le bébé ira hors de la salle et ne se fera plus voir à un moment donné. Elle emprunte la porte arrière et explique au gardien qu'elle voudrait se détendre à l'extérieur de l'hôpital. Les infirmières signalent la disparition de l'enfant, mais font surtout peser les soupçons sur la mère de Vanessa qui curieusement ne prend le téléphone qu'après plusieurs appels, pour lui signaler le vol du bébé. Ce samedi 20 août 2011, l'hôpital est en ébullition surtout à partir du moment où la mère de Vanessa rentre de la pharmacie et trouve que les infirmières l'ont incriminée comme ayant participé au vol du bébé. Anderson Doh Sama, directeur de l'hôpital ordonne qu'on retienne la mère et la fille pour mener des investigations en interne. Pendant que la recherche piétine, Vanessa et sa mère adoptent une attitude de revendicatrices qui disent ne quitter l'hôpital que lorsque l'enfant sera retrouvé. Pendant ce temps, la présumée voleuse de bébé rentre chez elle au quartier Essos Titi garage, mais n'ayant pas des conditions d'hygiène nécessaires pour prendre soin de ce bébé prématuré, celui-ci décède le 25 août c'est-à-dire 5 jours après. C'est ce même 25 août, comme une pure coïncidence, que la mère de Vanessa porte plainte pour vol de bébé dans une correspondance qu’elle adresse au procureur de la République près le Tribunal d’ Ekounou. Prise de panique, la présumée voleuse du bébé décide de voyager pour Nkoteng avec le macchabée qu'elle dissimule dans une valise avec d'autres effets vestimentaires.

Quand elle arrive à Nkoteng, au quartier Haoussa, elle annonce à sa mère qu'elle a accouché et l'enfant est mort. Sa mère, la nommée Henriette Marie Noëlle Bilounga, après l'avoir écouté d'une oreille sceptique, décide de passer sa fille, Jocelyne Alabi Ngbwa, à une série de questions dont la principale est: «ll y a à peu près 10 jours, nous ne t’avons pas vue grosse, comment se fait-il que tu viennes maintenant nous présenter un mort né que tu dis être de toi?» Alabi Ngbwa répond en balbutiant, expliquant qu'elle avait caché sa grossesse. Sa mère, telle un enquêteur alerte la brigade de Nkoteng pour un renfort dans la recherche de la vérité; mais rien n'y fera car la fille persiste et signe en disant que c'est son bébé qui est mort Sa mère continue sa recherche et elle fait intervenir le médecin chef de l'hôpital de Nkoteng sous réticence de sa fille. Après examen, le diagnostic du médecin révèle qu'Alabi Ngbwa n'a pas accouché tant il est vrai qu'il n'y a rien qui présente un moindre signe d'une femme qui vient d'accoucher. Henriette Marie Noëlle Bilounga fait arrêter sa fille quelque temps après lorsque la brigade de Nkolmesseng émet des messages au sujet du vol du bébé. Alabi Ngbwa arrêtée, est ramenée à Yaoundé et quelque temps seulement après, on la retrouve libre sur, dit-on, un ordre inconnu qui aurait payé une certaine somme pour sa libération. Cependant quand l'affaire prend une tournure d'affaire nationale, les 2 gendarmes de la brigade de Nkolmesseng à savoir un certain Owona et un certain Ngueng sont mis aux arrêts et traduits au tribunal militaire de Yaoundé.


Le lien avec la magistrate

Mme Mejang Ndikum Ateh Caroline épouse Atangana, 1er substitut du procureur de Mfou, dépose une demande d'adoption d'enfant au Centre d'accueil des enfants en détresse (Caed) sis à l'hôpital central de Yaoundé, un peu plus d'un mois avant la date du 13 août 2011. Cette dernière date sera déterminante car elle apprend qu'il y a un enfant abandonné au Caed, avec pour n° d'accouchement le 203, elle s'y rend sans perdre une minute. La procédure ne lui permettant pas d'adopter un nouveau-né, elle pèsera de tout son poids pour influencer le Dr Temkou, le commissaire divisionnaire Nite, et même Mme le Minas pour obtenir des signatures lui permettant d'être en possession «légale» de l'enfant. Sauf qu'a partir de cet instant, Mme la magistrate adopte une attitude d'une femme venant d'accoucher. Car lorsqu'elle rentre à Mfou, elle annonce à ses collègues qu'elle a accouché. Quelques jours plus tard, elle demande un congé de maternité et à sa demande, elle adjoint les papiers d'adoption du bébé qu'elle remet à une certaine Mariam Mfégué Onana 2ème substitut du procureur de la même juridiction, pour que cette dernière fasse la commission à sa place.

Tout marche comme sur des roulettes jusqu'au moment où il vient à Mariam Mfégué Onana l'idée d'ouvrir l'enveloppe et d'y jeter un coup d'œil sur les papiers de son amie et collègue. Une fois qu'elle se rend compte que Mme Atangana a plutôt adopté un enfant et non accouché, elle décide de passer à table. Elle achète une puce Mtn dont le numéro sans identification est le 75 61 54 38. Selon une source très crédible qui détient le listing des communications qu'elle a effectuées, elle aura utilisé cette puce 47 fois en l'espace de 2 jours et la plupart des numéros vers lesquels les communications s'en vont sont tous liés au «bébé volé». Elle passe à la vitesse supérieure en appelant le Dr Temkou; elle lui indique malicieusement que Mme Atangana a été arrêtée pour adoption illégale de bébé volé. Elle propose au Dr Temkou de faire taire son nom contre une somme d'un million et demi de FCFA. Pris de panique, le Dr Temkou qui ne pourra réunir qu'un million de FCFA, remettra cette somme d'argent à la 2ème substitut du procureur en présence d'une de ses copines du nom de Sidonie Djabéa qui travaille à Mfou. C'est par ailleurs la même Mfégué Onana qui alertera la mère de Vanessa pour lui dire qu'une femme magistrat à Mfou détient le bébé qu'elle cherche et quelque temps après elle se débarrassera de la puce de circonstance au point où les recherches menées auprès de Mtn pour son identification se sont avérées vaines.


Le point

Tout au long de cette histoire qui est très loin d'être terminée, il s'impose plusieurs constats. Le premier est celui d'une forte odeur de l'argent qui circule. La magistrate a vraisemblablement usé d'argent pour faire signer les papiers qui, en temps normal devraient attendre le délai prévu par la loi pour obtenir le bébé qu'elle a tant recherché; tout comme sa collègue Mariam Mfégué Onana qui a arnaqué le Dr Temkou. Par ailleurs, les gendarmes qui auraient libéré Jocelyne Alabi Ngbwa ont à coup sûr pris un pourboire comme d'habitude, disent certaines sources qui indiquent qu'il s'agit d'un vaste réseau d'enrichissement. Le constat est que le scénario met en évidence des femmes en quête d'enfant; l'une cherche ardemment son enfant volé et l'autre désire un enfant au point de violer la loi qu'elle connaît mieux que quiconque.

Mais au-delà de l'envie d'avoir un enfant dans ses bras, il y a comme du temps du roi Salomon, la douleur de l'enfantement qui augmente l'intensité de l'amour filial par le truchement d'un lien ombilical éternel qu'aucun tranchant ne saurait couper. Est-ce ce qui retient encore Vanessa Tchatchou à l'hôpital gynéco-obstétrique ou alors les Conseils de certains récupérateurs véreux qui attendent à la fin un arrangement monnayé par l’Etat camerounais? Nous ne perdons rien à attendre l’aboutissement des enquêtes que nous souhaitons voir être menées avec diligence et transparence afin que la confiance soit rétablie entre le peuple et son gouvernement qui commencent à prendre l’habitude de se regarder en chiens de faïence dans cette affaire à rebondissements.



14/02/2012
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