Autoroute présidentielle Yaoundé-Nsimalen: Les casses du siècle de Tsimi Evouna

Yaoundé, 29 Juillet 2013
© André Michel Bayiha | La Nouvelle

Elles ont été annoncées le 10 juillet 2013 dans la salle des banquets de l'hôtel de ville de Yaoundé. Gilbert Tsimi Evouna n'a fait qu'accroitre la haine que certaines populations autochtones et lui nourrissent mutuellement depuis sa campagne de casses tous azimuts.

Le projet de construction de l'autoroute présidentielle Yaoundé-Nsimalen devra entraîner la disparition de plu¬sieurs maisons, édifices, tombes, champs, arbres fruitiers et même des quartiers entiers. C'est l'objet principal de l'assise du 10 juillet dernier entre l'édile de la ville aux 7 collines et quelques tribus autochtones. A en croire certaines sources très bien informées, ce n'est pas tant l'annonce des casses qui aura mis le feu aux poudres ce jour, mais plutôt l'idée avancée par Gilbert Tsimi Evouna de délocaliser les populations pour les sites d'Afan Oyo'o, Akono, Ngoumou ou encore du côté du département de la Mefou et Afamba. Témoins de cette assise du 10 juillet 2013, nos sources indiquent que la rencontre avait l'allure d'une concertation tribale, tant il est vrai que le maître des lieux, dictateur connu pour sa brutalité langagière, aurait imposé la langue Ewondo comme langue de circonstance. «Paul Biya a eu honte lors du dernier sommet des chefs d'Etats du golfe de Guinée à cause du mauvais état de la route qui va de l'aéroport au Hilton hôtel. Alors nous allons construire une autoroute présidentielle digne de ce nom. Mais malheureusement cela va entraîner des casses très importantes, c'est pour cela que je vous ai réunis en ce lieu. Ne soyez donc pas surpris, car le début des travaux est imminent».

Voilà en substance le propos liminaire du premier magistrat de la ville de Yaoundé, s'exprimant en langue Ewondo. Si cette première annonce n'a pas tout de suite déchaîné quelque passion dans les rangs des tribus Mvog Atangana Mballa, Mvog Atemengue, Mvog Ada, Yanda et Emveng, invitées à cette messe d'un autre genre, la suite du discours de «Jack Bauer» qui se décline en des propos parfois «provocateurs» ne va pas tarder à irriter ses invités. «Je vais par conséquent vous délocaliser pour des sites qui sont déjà trouvés à Afan Oyo'o, Akono, Ngoumou et dans la Mefou Afamba». Et pendant que les uns et les autres retiennent encore leur souffle, Gilbert Tsimi Evouna va pousser plus loin le bouchon: «Il ne sera pas question d'indemniser tout le monde, car plusieurs d'entre vous, une fois qu'ils perçoivent de l'argent, ne font que boire de la bière. On devra vous construire des maisons dans ces sites et vous irez habiter là-bas. J'ai d'ailleurs contacté une société spécialisée en Btp pour la construction des logements», conclut-il dans ce monologue qui laisse pantois ses interlocuteurs qui écoutent comme s'ils visionnaient le vrai «Jack Bauer» dans un épisode de la série américaine 24h chrono.

Selon notre source, les invités venus en rangs dispersés, n'auront jamais eu le temps de se concerter pour répondre unanimement au Délégué du gouvernement auprès de la Communauté urbaine, quand bien même ce dernier fera semblant de leur donner la parole. Et pour démontrer à ses hôtes qu'il n'a pas convoqué une réunion pour qu'elle se mue en débat public, une source indique qu'il aurait d'abord intempestivement retiré la parole à un invité, allogène d'origine Fang. Ce dernier aurait commis le pêché de déroger au principe de s'exprimer en langue Ewondo pour utiliser la langue de Voltaire. Le déclic viendra néanmoins d'un certain Jean Richard Onana Essomba, porte-parole des Mvog Atangana Mballa, très bien connu de Gilbert Tsimi Evouna qui, après avoir été sevré de parole à maintes reprises; va finir par la prendre avec l'aide de la pression de l'assistance. Au cours de son intervention, il va s'appesantir sur quelques points de droit en évoquant l'inexistence d'une loi sur la délocalisation au Cameroun. Ce sera suffisant pour que toute la salle s'embrase avec des applaudissements nourris, complices d'une envie de se libérer d'un joug qui était déjà perceptible. «Jack Bauer» va rapidement reprendre la main au détriment de cet homme qui vient de lui arracher la vedette, en faisant savoir qu'il ne demandait l'avis de personne pour la faisabilité ou non de ce projet, mais qu'il ne faisait qu'informer sur ce qui va arriver inéluctablement. Sur ce, il mettra subitement fin aux assises en indiquant un lieu où un cocktail attendait les invités, non sans leur remettre des frais de déplacement: 30 000 FCFA aux Emveng; 50 000 FCFA aux représentants Mvog Atemengue et 100 000 FCFA aux Mvog Atangana Mballa.

La lettre qui annonce les hostilités

6 jours après ces assises, une indiscrétion fait état de l'arrivée d'une correspondance au service du courrier de la Communauté urbaine de Yaoundé, avec des ampliations au Chef de l'Etat, au Pm, au Ministre de l'Administration territoriale et de la Décentralisation, au Gouverneur de la région du Centre, au Préfet du Mfoundi et aux sous-préfets de Yaoundé 3éme et 4ème. Une véritable lettre incendiaire à Gilbert Tsimi Evouna dans laquelle les coups de gueule volent bien haut et la passion portée à l'incandescence.

«Vous nous avez insultés! En déclarant que les autochtones de Yaoundé ne savent que boire le vin chaque fois qu'ils ont la possibilité d'avoir un peu d'argent, vous avez démontré qu'aucun autochtone n'a jamais construit une maison, et que nous avons toujours attendu le sauveur Tsimi Evouna pour espérer en avoir une. Vous avez oublié que vous aviez en face de vous un minimum de 5 tribus et des centaines d'individus. Non seulement ces tribus disposent de filles et fils présentant des niveaux plus qu'appréciables, mais il devait s'y trouver des personnes absolument respectables! En tenant de tels propos, vous avez encore fait montre de ce manque de tact que les populations de Yaoundé vous reconnaissent», ponctue le porte-parole des Mvog Atangana Mballa, signataire de cette correspondance. Si pour Tsimi Evouna, on ne fait pas d'omelettes sans casser les œufs, pour les autochtones exaspérés par son manque sobriété, il a désormais plus qu'un problème avec eux.

«Vous avez promis de nous déporter dans des camps de concentration (...) Vous semblez ne pas savoir qu'en Afrique en général et au Cameroun en particulier, chaque localité a une histoire dont elle tire son nom (...) Prétendre que vous délocaliserez les populations autochtones est une autre insulte aux Ewondos. Les populations autochtones de Yaoundé n'ont jamais eu peur de la mort; Essono Ella et Omgba Bissogo sont morts pour écrire l'histoire de cette ville. Nous, autochtones de Yaoundé, n'avons jamais accepté la prison et préférons par fierté la mort à la prison. Sachez que nous sommes prêts à mourir pour défendre nos terres», explose le porte-parole Mvog Atangana Mballa. Clair que la guerre est plus que jamais ouverte entre Gilbert Tsimi Evouna et les autochtones de Yaoundé car, plus loin, la lettre martèle: «nous pouvons d'ores et déjà vous assurer qu'aucune tribu ne bougera à Yaoundé de ses terres d'origine». Quand on connait la détermination de Tsimi Evouna quand il s'agit des casses, l'on se demande s'il ira jusqu'au bout. Certains militants du Rdpc pensent que l'idée de la délocalisation des autochtones ne peut que fragiliser le parti à Yaoundé 3ème et 4ème. A travers la lettre signée Jean Richard Onana Essomba, on comprend que vouloir continuer la casse à la Tsimi Evouna, c'est se heurter à la résistance des populations autochtones. Ce qui ne saurait être le souhait du premier Camerounais, apôtre de la paix et de la concorde. Affaire à suivre.



30/07/2013
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