Au cœur de la société: Silence, Vanessa pleure…

DOUALA - 08 Février 2012
© Edouard KINGUE | Le Messager

Une jeune maman qui pleure et qui pleure encore? Une mère qui, avec la conviction de l'instinct dit qu'elle «sait» que son fils est vivant? Où le cache t-on? Pour quelles fins?

«On attend l'enfant, l'enfant ne vient pas». C'est une rengaine d'une célébrité locale. Ma nièce a ajouté: «Quand l'enfant vient, biafra coupe la tête», en référence au petit Nyobe âgé de 11 ans décapité sous le pont de la route de l'aéroport en 1995, et vendu dit-on, à un indo-pakistanais. Depuis, de Douala à Bafoussam, le procès s'est englué dans les méandres d'une nébuleuse extrajudiciaire.

L'année dernière, la tante d'une fille-mère n'a rien trouvé d'original que de «vendre» le bébé de sa nièce quelques heures après sa naissance, sous prétexte qu'elle était «pauvre» et ne pouvait l'élever. C'est en cours de grossesse que la tante, aide soignante de son état, a trouvé preneur auprès d'un couple qui en avait fait la commande. La fille-mère, à peine pubère n'y a vu que du feu...

Trois mois après, grâce au Messager, l'affaire éclate au grand jour. La «vendeuse» arrêtée dénonce un couple aisé qui avait besoin d'un bébé frais. Au lieu de s'en référer à un orphelinat afin d'adopter un enfant, ils ont préféré cette discrète transaction. Rien ne nous dit que l'opération n'était pas destiné à des traficotages autour d'organes humain...

Le mot est lâché. Trafic. Dans ce cadre, il se passe de drôle de chose au Cameroun. Les statistiques ont établi qu'avec le trafic d'enfants le Cameroun fait désormais face à un phénomène préoccupant. La législation camerounaise notamment la loi n° 2005/015 du 29 décembre 2005 relative à la lutte contre le trafic et la traite des enfants, établit l'illégalité du phénomène. Son chapitre 2 prévoit des peines d'emprisonnement allant de 5 à 20 ans et des amendes allant de 10.000 à 10.000.000 FCFA pour les coupables. Pourtant le phénomène est en pleine évolution.

Il est plus aisé et honorable pour un couple stérile de faire croire à son entourage que le bébé tant attendu depuis des années est arrivé, que d'aller adopter un gosse avec tout ce que cela comporte de railleries dans un milieu où la stérilité est encore comprise comme une tare. Orgueil quand tu nous tiens !!!

Mais au-delà de cette pratique, à cause de la superstition ou de l'appât du gain, ou des deux à la fois, le trafic d'organes humains bat son plein. Récemment, Un conducteur de mototaxi a été décapité à Douala. Sa tête, son sexe et son pied gauche vendus. Ce crime rappelle bien d'autres récurrents, notamment la vente d'un pied humain à Noël 2003, au marché Saker.

«Le trafic des organes humains illustre bien le phénomène de l'enrichissement facile, même au prix, pourtant sans prix d'une vie humaine», disait un chroniqueur de la Crtv Le 23 septembre 2005. Depuis six mois, une jeune fille de 17 ans fait le siège de l'hôpital de Ngousso à Yaoundé avec sa famille, réclamant désespérément son bébé qui a disparu quelques heures après sa naissance, le 20 août 2011. Interpellées, les autorités ont démenti la disparition de l'enfant et fendent en explications plutôt incroyables placées sous le sceau du cynisme politique.

Qui et que veut-on couvrir dans cette affaire? Avec l'entrée en scène du ministre de là Communication camerounaise, six mois après la disparition du bébé de Vanessa, l'heure du «Kilav» et de l'intox est arrivée, enveloppée de maladresses et de cynisme qui ne font que compliquer la compréhension de cette mystérieuse disparition en plein hôpital, au mépris de la douleur d'une mère à peine pubère.

Chacun le sait dans sa famille maternelle, Monsieur Tchiroma est un excellent ministre. Il est même très intelligent. Surtout lorsqu'il se tait. Et il y a des choses qui méritent le silence par respect pour la famille sinistré.

Certes, il est si naturel pour lui de faire du bruit et si difficile de se dominer dans les choses graves. «Tout le monde rend un culte à la parole; mais le silence est un dieu négligé. Parler, c'est semer, puisque c'est agir; toutefois notre verbe n'acquiert cette puissance que lorsque notre âme est devenue un verbe de Dieu; jusque-là, le travail est plus vivant que le discours: prenons donc l'habitude du silence», enseignait un grand maître.

Ce serait faire justice aux Camerounais en bâillonnant ce fils de guerrier du lamido de Garoua surtout lorsqu'il est chargé de nous vendre une incroyable histoire sur le bébé disparu d'une jeune maman qui pleure et qui pleure encore? Une mère qui, avec la conviction de l'instinct dit qu'elle «sait» que son fils est vivant? Où le cache t-on? Pour quelles fins? A quel rythme bat le cœur d'Issa lorsqu'il débite des fadaises sur une histoire tragique qui navigue entre le trafic humain et l'adoption illégale?

Issa, c'est Isaac, homonyme égaré dans la trilogie biblique d'Abraham, d'Isaac et de Jacob. Abraham est considéré comme l'ancêtre des peuples hébreu et arabes, père du judaïsme, patriarche du christianisme et prophète de l'islam, ainsi que de la religion primitive des Hébreux et des Arabes. Pour assurer à son mari une progéniture, Sarah donne à Abram sa servante, Agar comme épouse Ismaël naît de cette union, suite à l'incrédulité de Sarah qui est ménopausée et ne couche plus avec son mari.

Abraham et Sarah, ont pourtant reçu la promesse d'avoir un fils, Isaac («rire, joie»). Le nom d'Isaac est lié à toutes les sortes de rires que provoque l'annonce de l'enfant: joie, émerveillement, mais aussi étonnement, incrédulité

Isaac apparaît plusieurs fois dans le Coran, mais souvent après Ismaël. Isaac fait partie des prophètes de l'islam; c'est un patriarche qui a porté le message du monothéisme, souvent associé à son père Abraham ou son frère Ismaël.

L'homonyme biblique et coranique du ministre de la Communication qui porte le mensonge politique comme un bossu, a pris la parole six mois après. Six mois depuis le kidnapping du bébé de la jeune Vanessa Tchatchou dans la couveuse hautement sécurisée de l'hôpital Gynéco-obstétrique et pédiatrique de Ngousso à Yaoundé.

«C'est du cœur que viennent les mauvaises pensées, meurtres, adultères, prostitutions, vols, faux témoignages, blasphèmes.» dit la bible. Cela réussira-t-il à effacer la douleur de Vanessa qui pleure dans nos chairs et dans nos esprits à chaque battements du pouls de la cité? Une cité que traverse un vent mauvais.

Et puis, petite question qui ne prêterait pas à conséquence s'il vous plait: qui a conduit et cautionné l'accouchement d'une pubère pauvre comme la souris de l'église dans un hôpital aussi huppé que la formation gynéco-obstétrique de Ngousso ? La transaction aurait-elle mal tournée?

Silence disait je crois, le poète Paul Valeri. «Silence dans l'azur. Chaque atome de silence est la chance d'un fruit mûr»...

Bon Mercredi et a Mercredi.




08/02/2012
0 Poster un commentaire

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 299 autres membres