Attitudes de l’État camerounais et de l’État allemand vis-à-vis de la diaspora camerounaise

Jeudi, 08 Avril 2010 20:29

Icicemac publie dès ce jour une étude du Dr.Andrea Schmelz, préfacé par Regina Bauerochse Barbosa le titre "La diaspora camerounaise en Allemagne Sa contribution au développement du Cameroun ". Aujourd'hui  nous mettons en ligne  L’influence que peut exercer la diaspora camerounaise en Allemagne sur le développement du Cameroun ne dépend pas seulement des migrants eux-mêmes. Un rôle très important est joué, dans ce contexte, par le régime politique au pouvoir au Cameroun, la politique de celui-ci à l’égard de la diaspora, les conditions d’investissement et les problèmes de sécurité et de corruption. L’influence de la diaspora camerounaise dépend de façon décisive de la volonté du gouvernement camerounais de coopérer avec la diaspora et du mode d’organisation d’une telle coopération. La présente étude ne peut évidemment pas traiter de manière exhaustive tous les facteurs politiques intervenant dans ce contexte, mais elle s’efforce ci-après d’éclairer deux approches paraissant importantes, des points de vue camerounais et allemand.

 

Préface


La Deutsche Gesellschaft für Technische Zusammenarbeit (GTZ) GmbH (coopération technique allemande) a lancé en mai 2006, par ordre du ministère fédéral allemand de la Coopération économique et du Développement (BMZ), le projet sectoriel « migration et développement » au siège de la GTZ à Eschborn.

Ce projet vise à développer et à diffuser des approches et instruments permettant d’appréhender les potentiels et risques que recèlent les migrations pour le développement. Ce projet d’assistance technique fait office d’interface entre la recherche, la politique et la pratique. Ses tâches principales sont la prestation de conseil technique au BMZ ainsi que l’ancrage de l’approche au sein de la GTZ et d’autres organisations d’exécution allemandes. Par ailleurs, l’échange suivi d’expériences et la coopération avec les partenaires européens y jouent un rôle important.

Dans la collaboration avec les communautés de la diaspora en Allemagne, le projet vise tout d’abord à mieux connaître les actions que les différentes organisations de migrants mènent déjà dans leur pays d’origine. Dans cette optique, la GTZ a publié en 2006 une étude sur « Les communautés des diasporas égyptienne, afghane et serbe et leurs contributions au développement de leur pays d’origine ». Trois autres études ont suivi en 2007 sur les diasporas marocaine, sénégalaise et vietnamienne en Allemagne. Toutes ces publications ont contribué à combler une lacune scientifique, car on en savait jusqu’alors assez peu sur l’engagement des migrants dans leur pays d’origine.

Partant de ces études, des approches de coopération ont été identifiées dans un second temps en vue de la formulation et de la mise en oeuvre de projets conjoints dans les pays d’origine. Dans le cadre d’un programme de promotion pilote lancé par la GTZ en mai 2007 pour le cofinancement d’investissements dans les équipements sociaux, un soutien est fourni entre-temps à plusieurs projets menés par des associations de migrants dans leur pays d’origine. Deux autres études, l’une sur la diaspora camerounaise présentée ci-après et l’autre sur la diaspora philippine en Allemagne viennent enrichir le travail déjà entrepris avec succès pour mieux connaître et exploiter les possibilités d’actions conjointes entre les communautés de migrants et la coopération au développement.

Regina Bauerochse Barbosa

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L’influence que peut exercer la diaspora camerounaise en Allemagne sur le développement du Cameroun ne dépend pas seulement des migrants eux-mêmes. Un rôle très important est joué, dans ce contexte, par le régime politique au pouvoir au Cameroun, la politique de celui-ci à l’égard de la diaspora, les conditions d’investissement et les problèmes de sécurité et de corruption. L’influence de la diaspora camerounaise dépend de façon décisive de la volonté du gouvernement camerounais de coopérer avec la diaspora et du mode d’organisation d’une telle coopération. Inversement, la diaspora camerounaise peut s’engager avec plus de succès pour le développement de son pays d’origine si le gouvernement allemand favorise la migration circulaire et soutient le retour des spécialistes et cadres camerounais dans leur pays. La présente étude ne peut évidemment pas traiter de manière exhaustive tous les facteurs politiques intervenant dans ce contexte, mais elle s’efforce ci-après d’éclairer deux approches paraissant importantes, des points de vue camerounais et allemand.


3.1 Nouvelles approches politiques du gouvernement camerounais vis-à-vis de la diaspora

 Par suite du débat international sur la migration et le développement, le gouvernement camerounais s’est rendu compte que d’autres États se développent grâce aux prestations de transfert de leur diaspora, lorsqu’ils encouragent la mobilisation des qualifications et ressources de leurs ressortissants à l’étranger. Le gouvernement camerounais a commencé lui aussi à élaborer des initiatives politiques pour utiliser le potentiel immense de sa main-d’oeuvre hautement qualifiée en faveur du développement du pays. Au coeur de ces initiatives gouvernementales se trouvent les migrants qui occupent des emplois hautement qualifiés et disposent de ressources financières dans les pays d’accueil.

En avril 2007, une conférence sur le thème « Économie et diaspora » avait été prévue au Cameroun, et de nombreux représentants de la diaspora vivant en Allemagne et dans d’autres pays industrialisés avaient été invités à y participer. Le but de ce forum était de stimuler l’intérêt des professionnels hautement qualifiés pour le développement économique du Cameroun et de les encourager à s’engager dans des activités économiques. Cependant, la conférence a été annulée peu de temps avant son démarrage, à cause des élections qui devaient avoir lieu à la même époque. Une initiative pour la modernisation de l’enseignement supérieur au Cameroun lancée en été 2007 souhaite utiliser les ressources professionnelles de la diaspora. 

 Les principaux éléments de cette initiative sont : l’introduction de nouvelles technologies dans l’enseignement supérieur, l’introduction de méthodes pédagogiques innovantes, la promotion de la coopération internationale dans l’enseignement supérieur et de l’apprentissage virtuel, la création de 1 000 nouveaux postes dans le secteur de l’enseignement supérieur dans les trois prochaines années, l’attribution de tâches d’enseignement à des membres de la diaspora. Afin d’assurer une formation internationalement compétitive et proche de la pratique au Cameroun, il est prévu de recourir à l’expertise de professionnels camerounais hautement qualifiés, travaillant à l’étranger. Pour la mise en oeuvre de son initiative, le gouvernement camerounais recherche le dialogue avec des représentants choisis d’associations ainsi que des professionnels de renom des domaines de la science, de la santé et de la technique. Ces développements récents sont perçus comme un signal positif par les personnes enquêtées, à condition toutefois que le gouvernement crée des conditions d’ensemble suffisamment fiables. Les doutes exprimés quant à la solidité de ces initiatives s’expliquent par les revers qu’on connu les pratiques gouvernementales durant les décennies passées. Dans une lettre ouverte adressée aux responsables politiques,

Photo de André Ekema, écrivain camerounais en Allemagne

des représentants de la diaspora ont dressé une liste des conditions à remplir par l’État camerounais14 pour pouvoir intégrer efficacement la diaspora dans les processus de développement. Sont notamment mentionnés les difficultés posées par le cadre économique, la corruption et le clientélisme de groupes ethniques et de partis ainsi que les problèmes rencontrés par des membres de la diaspora revenus travailler au Cameroun, dont les factures restent impayées pendant des années. Ils réclament également des crédits pour la création d’entreprises, la possibilité de posséder une double nationalité, la sécurité personnelle et la sécurité de la propriété, ainsi que l’enseignement de connaissances économiques de base dans les écoles afin d’améliorer durablement les conditions de réussite des petites entreprises. D’autres desiderata sont la création de structures avec des interlocuteurs permanents et fiables, par exemple par la mise en place, au sein du ministère camerounais des Relations extérieures (MINREX), d’un département spécialement chargé des Camerounais à l’étranger et d’un forum pour la mise en réseau et la coopération d’experts au Cameroun et en Allemagne.

L’initiative concrète la plus récente concernant la modernisation de l’enseignement supérieur a suscité des réactions mitigées du côté de la communauté camerounaise : alors que certains de nos interlocuteurs voient dans l’initiative gouvernementale une grande chance de contribuer au développement de l’enseignement supérieur et à sa modernisation, d’autres se déclarent sceptiques à l’égard de la volonté politique du gouvernement d’intégrer effectivement la diaspora dans ce projet et n’attendent aucune mesure concrète des activités du gouvernement. Pour le moment, il serait prématuré d’estimer la portée de cette initiative, qui vient tout juste d’être lancée, étant donné que la planification et la mise en oeuvre des interventionssont encore à leurs débuts. Le dialogue entre le gouvernement camerounais et la diaspora est jusqu’à présent sélectif et se concentre d’une part sur les professionnels hautement qualifiés et, d’autre part, sur les représentants de la diaspora proches du gouvernement.

Contrairement à d’autres pays africains, tels que l’Égypte, le Ghana ou le Maroc, l’institutionnalisation de la coopération entre la diaspora et le gouvernement camerounais est encore à ses débuts. Au sein de la diaspora, il y a lieu d’observer en revanche de nettes tendances à se grouper dans des réseaux et associations. Ainsi ont été créés dans le cadre du Challenge Camerounais, une grande manifestation annuelle traditionnelle organisée par les Camerounais établis en Allemagne, un « Business Network » pour les activités économiques et un « Cameroun Diaspora Network » reliant les différentes associations en vue de grouper les intérêts à l’aide de structures formelles plus larges et faciliter le travail de lobbying (cf. chapitre 4). L’objectif est de renforcer la visibilité et l’efficacité des réseaux d’expertise déjà existants de la diaspora, de telle sorte qu’ils puissent mieux tirer parti de leurs potentiels et de leurs ressources techniques et professionnelles.

Certaines associations entretiennent des liens de coopération étroits avec le gouvernement camerounais. Ainsi, l’association Alliance germano-camerounaise coopère avec l’Ambassade camerounaise en Allemagne en vue d’améliorer les relations économiques germano-camerounaises. Son but est d’offrir un service par Internet permettant de mieux faire correspondre l’offre et la demande de main-d’oeuvre spécialisée. Les offres d’emplois au Cameroun y sont publiées, et il est prévu de promouvoir des investissements allemands au Cameroun avec l’aide de spécialistes camerounais formés en Allemagne.

 

A suivre demain

 

Source: Deutsche Gesellschaft für Technische Zusammenarbeit (GTZ) GmbH

 Photo index:  Tene Sop, leader du Code, Allemmagne



11/04/2010
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