Assemblée Nationale: Salaires et Avantages des Députés

YAOUNDÉ, 18 avril 2012
© Parfait N. Siki | Repères

Huit millions de crédit automobile non remboursables et une prime par session de 1,2 million sont accordés à chaque député, en plus de 900 000 de salaire mensuel.

Ils ne parlent pas souvent d'argent, mais les députés y pensent beaucoup. Et quand ils ne sont pas écoutés, il leur arrive de faire beaucoup de bruits. Les élus de l'actuelle législature ont à cet effet énormément fait avancer le sort salarial des représentants du peuple, qui se plaignaient régulièrement de leur indigence. «Indigence n'est peut-être pas le mot qui convient, mais avec 900 000 francs nets de salaire par mois, un député n'est pas bien loti, même si cela peut paraître élevé pour le commun des Camerounais», confie un député RDPC du Wouri. Tous les députés ne sont toutefois pas logés à la même enseigne : les membres du bureau reçoivent parfois jusqu'au double du salaire des simples députés, en plus d'avantages divers comme hôtel particulier, chauffeurs, gardiens, véhicules, frais de représentation, etc.

Cette avalanche d'avantages pour les membres a été explosée en 2007, grâce à la décision du bureau de l'Assemblée nationale de s'augmenter les crédits automobile et entretien véhicule. Grâce à deux arrêtés signés le 11 septembre 2007, le président de l'Assemblée nationale, M. Cavaye Yeguié Djibril, a accru les primes à l'achat des véhicules de fonction des membres du bureau. Il est, au terme de ce texte, alloué au président de l'Assemblée nationale une prime non remboursable à l'achat d'un véhicule de fonction de 60 millions pour cinq ans. Le vice-président reçoit dorénavant une prime non remboursable de 50 millions. Les cinq autres vice-présidents et assimilés perçoivent chacun 45 millions, les questeurs et assimilés, chacun 40 millions et les secrétaires et assimilés, chacun 35 millions. Le secrétaire général du palais de Verre reçoit, lui, 40 millions. Chacun de ces bénéficiaires a reçu, dès la troisième année de l'actuelle législature, les deux tiers de son allocation pour l'entretien du véhicule acquis.

Devant tant de générosité du bureau de l'Assemblée nationale vis-à-vis de lui-même, les autres députés n'ont pas laissé passer l'occasion de poser la revendication de l'augmentation de leurs rémunérations. S'étant gavé, le bureau de l'Assemblée nationale pouvait difficilement rejeter les desiderata de leurs collègues. M. Cavaye Yeguié Djibril a fini par céder. Au terme d'une réunion du bureau de la chambre tenue dans le sillage de la session de novembre 2007, les crédits automobiles de huit millions, remis à chaque député en début de législature, ne sont plus remboursables. De plus, il sera désormais octroyé à chaque député des jetons de présence de l'ordre de 1 200 000 francs à chaque session parlementaire. Il existe trois sessions ordinaires par an, ce qui équivaut à 3,6 millions à verser à chaque député par an. Ces ajustements n'avaient fait l'objet d'aucune publicité. Mais dès 2008, ils ont été mis en application. Les traites des crédits automobiles, qui étaient prélevées sur les salaires, ne le sont plus.


Salaires des fonctionnaires.

Probablement pour rassurer l'opinion qu'ils s'occupent de ses problèmes, puisque le sujet était alors à la mode. Mais des tracts glissés anonymement dans les boîtes aux lettres renfermaient les propres revendications salariales des députés. Dans les tracts alors en circulation à l'Assemblée nationale, il est demandé que le solde brut des émoluments du député passe de 899 000 environ à 1 300 000 francs. Mais la revendication n'a jamais été publiquement soutenue par les élus. Le gouvernement arguant ne pas pouvoir assurer la soutenabilité d'une éventuelle hausse des salaires des agents de l'Etat, toute démarche ou pression des députés pour une augmentation de leurs propres revenus devenait indécente.

Les fonctionnaires auront leurs revalorisations salariales trois mois plus tard, en mars 2008, et les députés attendent toujours. Ils peuvent se consoler avec les huit millions annuels qu'ils reçoivent chaque année pendant leurs cinq ans de mandat, soit 40 millions, officiellement pour le financement des microprojets au bénéfice des populations. A la vérité, ces fonds, bien qu'en principe sous contrôle, sont un argent de poche. En effet, aucun député ne s'est jamais vu refuser cette cagnotte, même si les populations se plaignent de ne point en voir la trace sur le terrain. «Trop peu, nos besoins sont énormes», rétorquent les élus. «Les députés ne sont pas là pour exécuter des projets, c'est le rôle de l'exécutif. Leur rôle est de contrôler l'exécution du budget; il faut leur retirer les fonds des microprojets», disent les fonctionnaires du ministère des Finances.

Certains députés jouissent en plus des frais de mission lorsqu'ils sont sollicités pour des voyages de représentation à l'étranger. C'est une rubrique que le président de la Chambre Cavaye Yeguié Djibril gère en «bonne intelligence» et qui peut lui servir d'arme politique pour éloigner un député gênant.



19/04/2012
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