Arrestation: Un coup dur pour le Groupe Fotso

DOUALA - 02 DEC. 2010
© DOMINIQUE NDOCKI | Dikalo

L'arrestation d'Yves Michel Fotso était prévisible. Ce n'était plus qu'une question de timing. Son sort était déjà scellé à partir du moment où ses ennuis avec le retrait de ses passeports ont débuté. Son arrogance a tout simplement précipité les choses. Notamment la dernière lettre qu'il a adressée au Vice-Premier ministre, ministre de la Justice M. Amadou Ali d'une maladresse notoire. Réagissant par rapport à la situation de la CBC, le ministre des Finances M. Lazare Essimi Menye était même allé plus loin en accusant l'ex patron de la défunte Camair d'avoir contribué à la chute de la Commercial Bank of Cameroon en empruntant plusieurs dizaines de milliards de Fcfa qu'il n'a jamais remboursé. Il l'invitait alors de le faire sous peine de poursuites judiciaires. En réalité, il n'aurait pas dû écrire ce brulot qui a précipité son arrestation.

Avec ces rebondissements qui interviennent après l'affaire des biens mal acquis et avant la prochaine élection présidentielle, Paul Biya prouve une fois de plus à ceux qui ne le croient pas qu'il est déterminé à aller jusqu'au bout dans sa traque contre les prévaricateurs de la République. Ce n'est pas l'enquête ouverte par le parquet de Paris qui lui feront plier l'échine. L'opération épervier risque même s'accentuer dans les prochains jours puisque d'autres hautes personnalités sont dans le collimateur d'Amadou Ali.

Maintenant, l'on se demande comment le milliardaire de Bandjoun, grand financier du Rdpc et qui œuvre grandement pour la lutte contre la pauvreté en aidant l'Etat dans ses missions régaliennes, va gérer l'arrestation spectaculaire de son fils, enlevé dans sa résidence du quartier Bali à Douala et transféré manu militari à Yaoundé ? Quelle sera la réaction des Bandjounais très attachés à la famille Fotso compte tenu du fait que contrairement à Siyam Siewé, Ngamo Hamani et autres, l'arrestation d'Yves Michel Fotso suscitera sans nul doute de nombreuses déceptions.


Une interpellation sous bonne escorte

© THIERRY NYOPE | Dikalo 02 Décembre 2010

L'ex administrateur directeur général de la défunte Camair a été interpellé à son domicile à Bali à Douala, par des policiers armés de kalachnikov.

A voir ce qui s'est passé hier, 1er décembre 2010, il est clair que 'interpellation de Yves Michel Fotso a été bien mûrie. Le fils du milliardaire Fotso Victor, impliqué dans l'affaire Albatros, n'a pas eu le temps, encore moins les moyens de tourner en bourrique les éléments de la police judiciaire, comme lors de la tentative du 4 novembre dernier. Mêmes les journalistes, pourtant à l'affût de ce scoop, ont été pris au dépourvu au cours de cette opération. C'est pratiquement sans bruits de bottes que l'ex administrateur directeur général de la défunte Camair a été sorti de sa résidence de Bali pour être conduit à la Police judiciaire d'Elig-Essono, à Yaoundé. Il a été escorté par deux véhicules: une Toyota double cabine Hilux qui avait à son bord des responsables de la DPJ et le commando chargé de mener cette opération; et une autre Toyota Corolla où Y.M.F se trouvait à bord.

Selon des sources concordantes, c'est à bord d'un véhicule de la police de l'aéroport qu'il aurait fait son entrée dans la capitale politique, où un important dispositif sécuritaire l'attendait déjà. Plus d'une dizaine des policiers armés de kalachnikov, a été sollicité pour éloigner les curieux les plus téméraires. A peine si les journalistes ont pu immortaliser ce moment. Car, à sa sortie du véhicule, l'ex administrateur directeur général de la défunte Camair s'est directement engouffré dans les locaux de la Police judiciaire, un morceau de tissu sur la tête. Jusqu'au moment où nous mettions sous presse, il était encore devant les éléments de la Pj.


Revanche

On se souvient que dans l'après-midi du 04 novembre dernier, un ballet de commissaires, d'officiers et des éléments des renseignements généraux, avait attiré du monde devant la résidence de l'ancien administrateur directeur général de la défunte Camair, à Bali. C'est à l'entrée principale de la villa que le délégué régional de la Sûreté nationale du Littoral, Joachim Mbida Nkili avait garé son véhicule, pour conduire en personne les opérations. A ses côtés, se trouvait le chef de la division régionale de la Police judiciaire, le commissaire principal Iya. Et c'est à travers la petite fenêtre de la façade principale de la résidence des Fotso que ces autorités policières communiquaient avec des hommes à l'intérieur. Sans plus. Car, malgré le sit-in, elles n'avaient pas réussi à rencontrer le maître des céans. C'est la raison pour laquelle, ces dernières ont tenu à ce que les choses se passent autrement. Surtout que depuis le retrait de son passeport, le fils terrible de Bandjoun était resté en «résidence surveillée.» On peut donc dire que l'opération a été un succès.


Un peu comme en avril 2008 ?

Le 28 avril 2008, au pied de l'immeuble de la Commercial Bank à Bonanjo (Douala) se trouvait une immense foule de curieux. À l'étage, se tenait le conseil d'administration de la Cbc. L'immeuble siège avait en effet été quadrillé par des éléments de la gendarmerie et de la police judiciaire sous le regard très attentif de journalistes venus assister à l'arrestation de Yves Michel Fotso. Pourtant, il s'agissait de la signification de sa première convocation dans le cadre de l'affaire Albatros. Yves Michel Fotso sera entendu à la direction de la police judiciaire à Yaoundé le mercredi 30 avril 2008, audition au cours de laquelle son passeport lui sera retiré et restitué 17 mois plus tard.


OPÉRATION EPERVIER:
L'Albatros II et la Camair emportent Yves Michel Fotso


© THIERRY NYOPE | Dikalo 02 Décembre 2010

Le fils du milliardaire de Bandjoun a été cueilli hier apes-midi à son domicile de Bonapriso par les éléments de la Police judiciaire et conduit manu militari dans les locaux de la police judiciaire d'Elig-Essono à Yaoundé.

La réaction des personnes en charge de la gestion de l'Opération Epervier a été très vive. Est-ce pour répondre à Yves Michel Fotso qui, dans un «brûlot» abondamment publié dans les colonnes de certains journaux, avait demandé au vice Premier ministre, ministre de la Justice et Garde des sceaux, Amadou Ali, de «bien vouloir solennellement informer le public de toute action judiciaire qui existerait à ce jour contre (lui) dans les juridictions camerounaises et qui justifierait les torts (qu'il subirait) avec toutes les conséquences incalculables et inimaginables que cela entraîne...» ? Difficile pour l'heure de se prononcer sur la question. Mais une chose est au moins sûre, Yves Michel Fotso a été interpellé hier, 1er décembre 2010, à son domicile de Bonapriso par les éléments de la Police judiciaire et conduit sous bonne escorte dans les locaux de la police judiciaire d'Elig-¬Essono, à Yaoundé.

La journée d'aujourd'hui nous dira long sur les chefs d'accusation qui pèsent contre lui, comme il le soulignait il y a près d'une semaine dans ce qu'il a appelé «lettre ouverte.» Bien que la situation soit assez confuse, les éléments en notre possession laissent croire qu'il pourrait être interrogé sur son implication dans le dossier «Albatros» et sa gestion de la Camair.


Albatros II

En appelant le peuple camerounais à témoin, le promoteur de la Cbc et ancien directeur général de la compagnie nationale de transport aérien entre juin 2000 à novembre 2003, n'a pas réussi à attirer la compassion des gestionnaires de l'Opération Epervier. Que dira-t-il à ce jour ? Parlera-t-il toujours de torture psychologique, maintenant que la machine répressive de l'Etat est résolument mise en branle ? On ne perd rien à attendre.

Donc, si Yves Michel Fotso ne se reproche de rien du temps où il était à la tête de la Camair, tel n'est pas le cas pour les gestionnaires de ce dossier. D'après des informations concordantes, si les instances policières ont été contraintes de lui retirer son passeport le 08 novembre dernier, c'est parce que le dossier est enfin clos et le procès de toutes les personnes impliquées dans le cadre de cette affaire qui a failli coûter la vie au chef de l'Etat et à quelques uns de ses proches a véritablement débuté. D'ailleurs, les personnes proches de ce dossier pensent que contrairement à ce qui s'est passé lors du premier retrait de son passeport, le globe-trotter Yves Michel Fotso n'aura pas à se cloîtrer dans son domicile en attendant la réaction des autorités judiciaires. Parce que là où c'est parti, on n'est pas sûr qu'il retrouvera son domicile d'aussitôt. Surtout que, une des personnes impliquées dans cette affaire, Jean Marie Atangana Mebara, ancien secrétaire général à la présidence de la république, défile déjà devant les autorités judiciaires du pays, dans le cadre de la première phase de cette affaire, baptisée au sein de l'opinion nationale: «Albatros I».

À côté d'Yves Michel Fotso, d'autres interpellations sont annoncées dans les prochains jours. On cite pour cette deuxième phase du dossier Albatros, les noms des personnalités telles que Ephraïm Inoni, ancien Premier ministre et ancien représentant de Aircraft Portfolio Management (Apm), Marafa Hamidou Yaya, ministre de l'Administration territoriale et de la décentralisation, ancien secrétaire général au moment des faits, Fernando Gomez Mazéra, Russel L. Meek, Dame Sadjong Gisèle, Mamadou, Ying André, Ndonmo, Youmi Raymond, Tchana Hugues, Ngoumba, Mandeng, entre autres.

Si Jean Marie Atangana Mebara est appelé à se prononcer sur le premier versement, les personnes citées dans le cadre de «L'Albatros II» devront dire aux juges d'instruction quelles sont les voies qu'auraient emprunté les 31 millions de dollars Us, un peu plus de 24 milliards Fcfa, selon le taux de change en vigueur à l'époque des faits, décaissés de la Snh pour l'achat d'un avion au président Paul Biya.


Les prochaines cibles d’un dossier glissant

Les éléments en notre possession font état de ce que le problème du renouvellement de l'avion présidentiel date d'il y a au moins 9 ans (juillet - août 2001), lorsque Yves Michel Fotso pistonne Gia International auprès des personnes en charge de ce dossier pour leur faire part de ce qu'il peut apporter environ 43% de la valeur de l'avion, soit 31 millions de dollars Us, pour permettre au chef de l'Etat d'avoir un avion aéronef à la dimension de son rang. Le solde quant à lui s'échelonnant sur dix ans. La proposition, comme on pouvait s'attendre, va très vite être avalisée. Surtout que le Cameroun traverse une mauvaise période et ne souhaite pas se mettre les bailleurs de fonds à dos. Tout va bien se passer jusqu'à l'arrivée d'un nouveau secrétaire général à la présidence de la République, en août 2002. Ainsi, Marafa Hamidou Yaya qui avait initié les négociations avec Gia International en tant que secrétaire général de la présidence de la République, sur proposition d'Yves Michel Fotso bien sûr, sera remplacé par Jean Marie Atangana Mebara. Ce changement d'hommes va également entraîner un flou dans la suite de l'opération.

A la suite de quelques réunions, Atangana Mebara, le nouvel homme fort du secrétariat général à la présidence de la République va décider de mettre un terme au contrat avec Gia International, contre toute attente, alors que les choses semblaient avancer, tout en demandant par la même occasion le remboursement de la somme versée à cette structure. Au moment de la rupture, sur les 31 milliards de dollars Us sortis des caisses de la Snh, seuls selon nos sources, 4 milliards auraient été reversés dans les caisses de Boeing.

D'ailleurs, cette information aurait été confirmée par Yves Michel Fotso en personne. Dans sa plaidoirie, ce dernier avait expliqué que ce constat était dû au fait que le mécanisme utilisé par Gia ne consistait nullement à verser la totalité de la somme provenant du Trésor camerounais à Boeing. Comment et Pourquoi ? La question reste toujours un mystère. Mais compte tenu des relations tendues entre Yves Michel Fotso et Atangana Mebara, un nouvel intervenant va entrer dans la danse. Il s'agit de Apm, avec pour mandat de récupérer auprès de Gia International l'argent versé.


Les différents protagonistes

Qu'est-ce qui a motivé la rupture de ce contrat ? D'où vient Apm, qui avait en son sein de personnes directement impliquées dans la gestion du dossier de l'acquisition d'un avion présidentiel, comme Ephraïm Inoni, président du conseil d'administration et secrétaire général adjoint à la présidence de la République ? Il lui est également reproché le fait d'avoir négocié des facilités de financement évaluées à 3,2 milliards Fcfa auprès de la Standard Chartered Bank pour aider le gouvernement à se tirer d'affaires devant Ansett World Wide, qui menaçait alors de retirer ses avions de la flotte de la Camair. A ce niveau le magistrat instructeur ne sait pas encore si ces opérations s'appuyaient sur des factures des prestations réellement fournies par Ansett World Wide à la Camair ou pas.

Les regards seraient également focalisés sur Michel Meva'a Meboutou. Pourquoi le nom de cet ancien ministre de l'Economie et des Finances apparaît très peu dans les débats, alors qu'il était à l'époque des faits, celui qui aurait suggéré à Yves Michel Fotso en sa qualité de Dg de la Camair, de signer le premier contrat avec Gia International pour «jongler» les bailleurs de fonds ? Son implication permettrait peut-être de comprendre si effectivement l'argent est sorti des caisses de l'ex Camair domicilié à Commercial Bank of Cameroon (Cbc), ou de cette banque, comme l'aurait argué M. Fotso. Car, il faut noter ici, d'après nos sources, que sur ces 31 millions de dollars Us virés dans le compte de Gia International à la Bank of Amerika à New-York avec pour destination la société Boeing, 16 millions de dollars Us ont refait le chemin du Cameroun. Et les sources proches du dossier soulignent qu'ils auraient fait l'objet d'un partage dans les guichets de la Cbc. L'identité des bénéficiaires reste un mystère nonobstant l'insistance des responsables en charge du dossier. Et pour quelles raisons ? Toujours est-il que les experts commis par le juge d'instruction ont pu démontrer que c'est le compte de la Camair logé à la Cbc qui a supporté l'opération et que le remboursement opéré par la Snh a été confisqué par la Cbc. Marafa Hamidou Yaya, qui était secrétaire général de la présidence de la République lorsque les 24 milliards de dollars furent décaissés intéresse lui aussi la justice. Ce dernier serait responsable du choix porté sur Gia International, malgré les réticences clairement exprimées par le ministre de l'Economie et des Finances et devrait lui aussi s'expliquer, selon les sources proches de ce dossier. Avec l'interpellation d'Yves Michel Fotso, il est clair que la grande saga des arrestations dans le cadre de ce dossier vient d'être lancée. A suivre.



03/12/2010
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