Armp: Jean-Jacques Ndoudoumou dans les griffes de l'"Epervier"

YAOUNDE - 03 NOV. 2011
© René Atangana | La Météo
 
Le patron des marchés publics doit rembourser 400 millions FCfa au Trésor et licencier 108 faux diplômés.
 
C'est le genre de courrier qui donne froid dans le dos, que le directeur général de l'Agence de régulation des marchés publics (Armp), Jean-Jacques Ndoudoumou, a reçu lundi dernier du Secrétariat général de la présidence de la République. Il est demandé au directeur général de verser 400 millions FCfa au Trésor public au titre de primes de recouvrement dilapidés, mais aussi de procéder au licenciement de 108 personnels - sur les 302 que compte la maison - convaincus de détenir de faux diplômes.

L'injonction du Sg/Pr, qui pointe des "fautes lourdes de gestion", fait suite à une mission d'enquête de quatre mois effectuée au sein de l'Armp par le Contrôle supérieur de l'Etat (Consupe). A quoi s'ajoute une autre enquête de la Commission nationale anti-corruption (Conac), qui début octobre dernier, a adressé deux demandes de clarification à M. Ndoudoumou, accusé de népotisme, de laxisme et de pillage à grande échelle.

S'agissant des frais de recouvrement, Jean-Jacques Ndoudoumou est accusé d'avoir versé de fortes sommes d'argent à des employés proches de son cercle familial, au détriment des cadres ayant la charge de cette mission. Dans la même veine, le Dg de l'Armp a, régulièrement et ce depuis des années, fait payer des missions fictives sur le terrain à des proches, y compris des secrétaires issues de son carré d'obligés.

Au sein même de l'Armp, d'autres accusations font état de disparitions insolites de véhicules appartenant à cette entreprise publique. Ainsi, on parle d'une Mitsubishi Lancer, placée sous la responsabilité du chef de cabinet du Dg, Jean-Louis Manga, réputée "volée" et qui aurait été vendue par l'intéressé. On cite aussi le cas d'une Kia de l'entreprise, détenue par Eliane Bayebeck et qui a mystérieusement été "enlevée" devant une église il y a quelques mois. Albert Zang Bekono, autre personnel de l'Armp, a également fait "disparaître" un véhicule de la maison depuis plus de 6 mois. Aucune enquête interne n'a été initiée sur ces affaires.

Au titre du pillage à ciel ouvert, l'on cite le fameux projet Azzamis consistant à la mise en place d'une banque de données à l'Armp. Le projet, qui a englouti 800 millions de Fcfa, n'a jamais abouti. Plus grave, son chef, Alain Eloundou, est aujourd'hui "en fuite" sans que Jean-Jacques Ndoudoumou puisse fournir le moindre éclairage sur le sujet.

Diplômes. Mais le scandale le plus retentissant est sans conteste l'affaire des faux diplômés de l'Armp. Ils sont au total 108 officiellement recensés, qui depuis des lustres, émargent sur une base académique erronée. Si leur licenciement était effectif, l'Agence devrait désormais se contenter de 194 employés dont les dossiers d'engagement ont été jugés sincères par les enquêteurs de la Conac et du Consupe.

Aux premières loges de cette troupe de faussaires, se trouve le propre fils de Jean-Jacques Ndoudoumou, Jules Théodore Essindi (fausse licence), le cadet du ministre chargé de missions à la présidence de la République, Arrey Nkongo, qui se signala au départ à l'Armp comme vendeur de costumes. En dehors de la fiancée d'un médecin du chef de l'Etat, Marie Jeanne Zanga et du cadet du Dg, Meyong Mbarga, d'autres cadres de la maison se retrouvent dans les filets des enquêteurs pour faux parchemins.

Il s'agit d'un autre cadet de M. Ndoudoumou, Roches Mbia, pincé pour faux baccalauréat, de l'épouse de l'un de ses petits-frères, Mme Zambo, dont le brevet d'études du premier cycle (Bepc) n'est pas authentique, de la mère de l'enfant du Dg, Solange Koungou, titulaire d'une fausse capacité en droit, du chargé de la communication de l'Armp, Félix Epollé, détenteur d'une fausse licence.

Dans une autre catégorie, des roitelets de l'Armp ont été pincés pour délits divers par les enquêteurs. Il s'agit de l'attaché de direction Amenguele Mang et de celle qui passe pour la grande royale de la maison, Mme Atouba, qui plusieurs fois ont été cités dans des cas de trafic d'influence et d'escroquerie. Contre de fortes sommes d'argent, ils promettent des recrutements et des marchés à des individus qui, à la fin, n'ont plus que leurs yeux pour pleurer.

Après la réception, cet après-midi à l'esplanade de l'Armp, des élites intérieures et extérieures de son Zoétélé natal venus assister à la prestation de serment du chef de l'Etat Paul Biya, Jean-Jacques Ndoudoumou est appelé à se pencher sur ces dossiers qui l'accablent. Des sources proches du Secrétariat général de la présidence de la République, il n'est pas exclu qu'il soit également mis en débet par le Consupe dans les prochains jours. Nous y reviendrons.


L'arroseur arrosé

Le Dg de l'Armp n'a pas d'égal pour parler de la lutte contre la corruption. Extraits.

Fin février-début mars dernier, l'Armp a bruyamment fêté ses 10 ans d'existence. A l'occasion, Ndoundoumou a multiplié les discours allant dans le sens du respect de l'éthique par sa structure. Pour lui, "le fait que notre système permet de rétablir la justice et l'équité l'a rendu crédible et fiable ; cela se vérifie au vu du nombre de soumissionnaires qui ne cesse de s'accroître d'année en année". Mieux encore : "(…) le chemin à suivre a (...) été tracé pour que la corruption soit éradiquée des marchés publics et que notre système devienne encore plus performant". Invité à analyser la situation de l'Armp à la lumière des réalités du terrain, le Dg s'est voulu plus que pédagogue : "Dans tous les pays du monde, le domaine des marchés publics est le terreau de gros intérêts autour desquels gravite la corruption. Le Cameroun n'échappe pas à cette règle. Face à ce fléau, l'Armp ne saurait s'avouer impuissante. Pour combattre ce fléau, il a fallu concevoir et mettre en place un système de poids et contrepoids qui soit de nature à éviter la corruption. En effet, les études ont démontré que la corruption prolifère dans un contexte où prévalent le monopole et le pouvoir discrétionnaire dans la prise de décision et dans lequel le système de responsabilisation est inefficace, voire inopérant. Le système mis en place a éliminé tout monopole et tout pouvoir discrétionnaire : l'attribution d'un marché ne relève plus de la compétence exclusive d'un seul acteur, car si la décision d'attribution relève du maître d'ouvrage ou du maître d'ouvrage délégué, celui-ci ne peut le faire que sur proposition d'une commission de passation des marchés placées auprès de lui sous l'œil vigilant, le cas échéant d'un observateur indépendant et sous la surveillance de l'organe de régulation qu'est l'Armp; de plus, le marché public est attribué sur la base des critères objectifs préalablement définis et devant être objectivement appliqués à l'endroit de tous les concurrents. Par ailleurs, le renforcement des contrôles a priori et a postériori et l'ordonnancement juridique de sanction dans le système est de nature à mettre fin au système d'irresponsabilité jusque-là décrié. Les différents rôles des acteurs sont clairement définis au point où s'il y a une faute, il sera facile d'établir le niveau de responsabilité de chacun. Donc, le système même est déjà préventif et est de nature à éviter la corruption.

"[…] Par ailleurs, une étude menée sur la sanction dans le domaine des marchés publics a permis de déceler 166 mauvaises pratiques susceptibles de provenir de la corruption à la base. Dans le cadre de l'éducation des acteurs, l'Armp a édité un guide qui présente toutes ces mauvaises pratiques et qui précise les sanctions prévues pour chacune d'elles. Le guide a été vulgarisé à travers le territoire national. A ce jour, le système mis en place permet de détecter les cas de corruption qui sont, une fois établis, très souvent sanctionnés. Nous pensons que pour être plus efficace, il est temps de constituer une coalition nationale (secteur public, secteur privé, société civile et citoyens) pour que tout le monde s'y implique. Les ateliers et la table ronde que nous venons de tenir dans le cadre de la célébration des 10 ans de l'Armp ont abouti à la création de cette coalition. Nous sommes donc plutôt optimistes''.

R. A.


08/11/2011
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