Après sa fugue à Glasgow… Venatius Njuh fait le procès des autorités sportives

DOUALA - 13 AOUT 2014
© Christian TCHAPMI | Le Messager

Une semaine après sa compatriote, le porte-étendard du Cameroun aux Jeux du Commonwealth, brise le silence pour expliquer les raisons de sa fugue, due en partie, à l’escroquerie organisée autour de leurs primes olympiques et les conditions inhumaines de travail auxquelles ils sont contraints.

C’est depuis son refuge tenu secret, que Venatius Njuh a décidé de vider son sac. Dans une interview exclusive qu’il a accordée à nos confrères d’Olympia Sport, le porte-drapeau de la délégation camerounaise au 20e Jeux du Commonwealth, n’a visiblement pas de remords et ne regrette pas d’avoir pris la poudre d’escampette. A l’écouter égrainer son chapelet de complaintes, fuir, pour ce puissant haltérophile, était la meilleure décision. La preuve, «je vais bien ; je dirais même très bien. Ici, je mange bien, je me porte bien ; je m’entraîne convenablement tous les jours et on prend bien soin de moi. J’ai été content d’avoir été le porte étendard du Cameroun. Vous n’avez pas à vous inquiéter», rassure le champion du Cameroun dans la catégorie des 69 kg. Interrogé sur les raisons de sa fugue, l’homme qui dit avoir été déçu par les montants minables des primes de participation que les dirigeants leur ont imposé au village des Jeux, déplore les conditions drastiques dans lesquelles ses camarades fugueurs et lui s’entraînaient au Cameroun.

« Le genre de porcherie que nous avons là bas, peut vous pousser à mettre fin à votre carrière. Chacun se débrouille pour se tailler une tenue de sport et pour se trouver une salle d’entraînement qui est souvent près des toilettes. Or, le matériel que j’ai ici est adapté aux standards internationaux et me permet de bien travailler et d’accroître ma performance. Alors qu’au Cameroun, le ministère et la fédération ne se gênent même pas pour nous mettre dans des conditions adéquates », regrette-il. A en croire les confidences de Venatius Njuh, les athlètes camerounais étaient abandonnés à eux-mêmes. En témoigne leur préparation laborieuse depuis Yaoundé en passant par la mise au vert à Beijing jusqu’au village des jeux à Glasgow. Illustration : « pendant notre préparation, notre staff médical n’avait même pas un seul anti-inflammatoire pour calmer la douleur. Ne parlons pas de tenues (…) », relate-t-il.


Bourses

Pis, les haltérophiles ont du menacer de faire grève pour que les responsables du ministère des sports se décident enfin à leur tenir le langage de la vérité au sujet de leurs primes de participation et leurs primes olympiques. « On nous a tournés en bourrique à chaque fois qu’on réclamait les primes. (…) J’ai été reçu par le président de la Fédération internationale d’haltérophilie qui a été très choqué et courroucé d’apprendre dans quelles conditions nous travaillons alors qu’il s’est personnellement investi en termes de dons de matériel pour les athlètes », confesse Njuh qui annonce dans la foulée, qu’il y’a une dizaine de pays européens qui souhaitent l’enrôler et lui faire signer la nationalité.

Seulement, « nous ne sommes pas prêts. Nous voulons que les dirigeants essayent de se pencher sur notre cas et qu’ils nous envoient des bourses qui nous permettront de travailler dans un bon centre de formation à l’étranger ; cela nous fera plaisir et nous continuerons de défendre les couleurs de notre pays le Cameroun ».

La balle est donc dans le camp du Comité national olympique et sportif du Cameroun (Cnosc) ainsi que du ministère des Sports et de l’éducation physique (Minsep), instances vers lesquelles Marie Josèphe Fégué, l’unique médaillée d’or du Cameroun à ces jeux, s’était tournée lors de son coup de gueule, la semaine dernière. La jeune femme avait en effet pris le large après sa brillante victoire parce que, explique-t-elle, « le Cameroun m’a déçue. Malgré tous mes efforts. J’ai tout fait. Les dirigeants, les entraîneurs m’ont trompée. Déjà en 2011, j’ai eu la bourse du Comité international olympique pour la préparation des JO de 2012, mais je n’ai jamais voyagé. Jusqu’à présent, je n’ai toujours pas d’explications. C’est l’une des raisons principales qui me fait partir du Cameroun. J’aurai pu gagner une médaille à ces jeux ». Bien avant elle, deux boxeurs avaient déjà pris leurs jambes à leurs cous, avant même le lancement officiel de la compétition le 23 juillet dernier. Sacré Cameroun !

Christian TCHAPMI


Focal: Stopper la saignée des talents

C’est un phénomène devenu banal dans la délégation camerounaise à chaque compétition internationale. Jamais les athlètes ne sont revenus au bercail en totalité. Il y’en a toujours qui choisissent la clé des champs. En juillet 2012, sept athlètes s’étaient évaporés lors du déroulement des Jeux olympiques de Londres : une footballeuse, un nageur et cinq boxeurs. Pour cette 20e édition des jeux du Commonwealth, on n’a pas encore les chiffres exacts de ceux qui ont fugué à Glasgow. Mais, une simple arithmétique laisse comprendre qu’une dizaine de talents ont fait défection. La faute à ces dirigeants véreux et à ce traitement au rabais qu’ils infligent aux athlètes. Ces derniers qui devront toucher comme primes, 1 million de Fcfa pour la médaille de bronze, 1,5 million pour l’argent et 2 millions pour l’or. Bien loin des montants faramineux qu’on remet avec salamalecs, aux joueurs de la sélection nationale de football, avec les performances désastreuses qu’on sait. Il est donc plus que jamais temps de stopper l’hémorragie.

Christian TCHAPMI



13/08/2014
0 Poster un commentaire

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 299 autres membres