Après le rapt de Dabanga, Les Français fuient le Nord-Cameroun

DOUALA - 25 FEV. 2013
© Salomon KANKILI, Alain NJIPOU | Le Messager

L’incertitude l’emporte décidément sur les chances de retrouver la famille Moulin enlevée au Cameroun le 19 février 2013, par des hommes armées circulant à moto. Les pistes suivies par la force conjointe militaire n’ont pas conduit à ce jour aux résultats escomptés.

7 jours. Et l’on est toujours sans nouvelles des sept (7) Français enlevés près de la frontière avec le Nigeria. L’armée française déployée dans la zone continue de ratisser le terrain. Les forces nigérianes et camerounaises passent et repassent au crible les localités frontalières sans succès. On eût dit que les ravisseurs, auteurs de l’enlèvement de Dabanga se sont évaporés dans la nature avec leurs otages parmi lesquels quatre enfants âgés de 5, 8, 10 et 12 ans. Le véhicule de marque Pajéro immatriculé CE 145 EF dans lequel ils se trouvaient au moment de leur enlèvement a été conduit par les forces camerounaises à la brigade de gendarmerie de Dabanga. Recouverte d’une bâche, l’engin sous haute surveillance est aussi au centre de toutes les curiosités. « C’est pour des besoins d’enquête que le véhicule se trouve ici.

Il nous faudra encore répondre à beaucoup de questions pour retrouver les touristes français », a confié une source policière camerounaise. Joint au téléphone, le consul honoraire de France à Garoua, Pierre Barbier, s’est interdit tout commentaire sur la situation actuelle des ressortissants français se trouvant encore dans la partie septentrionale. « Les consignes sont vraiment strictes, je ne peux malheureusement rien vous dire », nous a-t-il gentiment éconduit.

Dans les colonnes d’un quotidien de la place, le Français affirmait pourtant la semaine dernière qu’une « réunion de crise a eu lieu à l’ambassade de France à Yaoundé (…) Que les uns et les autres évitent les voyages hors des villes des régions septentrionales ». Et depuis la fin de la semaine dernière, l’ensemble du Grand Nord est déclarée « Zone Rouge » pour tous les 263 ressortissants Français vivant dans la partie septentrionale. Bon nombre ont déjà rejoint les métropoles régionales (Garoua, Maroua). Le premier contingent de Français a décollé (à bord d’un avion spécial) de l’aéroport international de Maroua-Salack pour les villes de Yaoundé et Douala. Parmi eux, des étudiants en soins infirmiers, agronomes en stage à Maroua. « Nous sommes plus en sécurité ici à Yaoundé », à confié l’une des stagiaires à la télévision française d’information France 24.

Dans les principaux sites touristiques de l’Extrême-Nord et du Nord, l’activité tourne au ralenti. Ce, malgré les assurances de Bello Bouba Maigari, ministre du Tourisme et des loisirs. Le membre du gouvernement indiquait à l’occasion d’un échange avec la presse française qu’ « un seul incident » ne saurait mettre en doute le caractère sécurisé des destinations touristiques de la partie septentrionale. A travers l’Extrême-Nord, la psychose supplémentaire (dû à l’enlèvement des touristes français) dans les zones frontalières de Kousséri, Mogode, Hilé et Limani s’est étendue dans les villes de Mora et Maroua. Les Camerounais et étrangers (Nigérians, Tchadiens, etc) qui y vivent disent craindre pour leur sécurité.

Selon notre confrère Le Septenrion Infos, « neuf Nigérians et sept Tchadiens dont une femme ont été arrêtés dans la nuit de vendredi à samedi à Dabanga après l’enlèvement de 7 français le 19 février dernier. C’était au cours d’une rafle organisée par les forces camerounaises du maintien de l’ordre qui ont encerclé le village Dabanga. C’est après une fouille minutieuse opérée maison par maison que les 16 étrangers ont été embarqués pour défaut de pièce d’identité et de permis de séjour au Cameroun et reconduits à la frontière avec leur différents pays. Leur présence au Cameroun est attribué à la porosité des frontières mais aussi et surtout certains ces derniers mois à la gratuité de la carte nationale d’identité offerte à la population pour maximiser les inscriptions sur les listes électorales ».

Le rapt de Dabanga n’étant toujours pas revendiqué, les supputations vont également bon train. La vie ou le sort des otages français inquiète.

Salomon KANKILI


Des leaders politiques réagissent


Albert Nzongang (Président de la Dynamique): «L’image du Cameroun est écornée»

Tout vrai Camerounais devrait se sentir concerné par l’enlèvement des sept touristes français. S’en réjouir comme le font certains, c’est faire preuve d’un manque de patriotisme. L’image de notre pays appartient à nous tous. Il nous appartient de la soigner. L’opposition et le pouvoir en place doivent parler d’une seule et même voix dans cette triste affaire. Le tourisme est une industrie plus rentable dans plusieurs pays. Quand il n’y a pas de sécurité dans un Etat, son tourisme se meurt. Dieu seul sait ce que représente la réserve de Waza pour notre pays. Il y a cependant lieu de se demander, comment quatre bonshommes ont pu pénétrer avec tant de facilité dans cette zone qui défraie la chronique à cause des massacres d’éléphants et où on nous avait dit qu’avec le concours du Bir (Bataillon d’intervention rapide, Ndlr) le dispositif de la sécurité devait être renforcé de telle sorte que ces pachydermes ne fassent plus l’objet de cet abattage sauvage. Alors, est-ce à croire que les bêtes sont plus protégées que les touristes ? Ce qui serait curieux. Les mauvaises nouvelles sont plutôt venues du Cameroun. Si j’en crois ce qui a été relayé dans les médias, c’est quelqu’un dans l’armée qui a vendu la mèche selon laquelle les otages français étaient libérés. Tout ceux qui ont eu à gérer cette affaire, doivent savoir qu’en filigrane, l’image de notre pays est en jeu, t même atteinte. La responsabilité incombe en premier à ceux qui gèrent la cité. Ils doivent consacrer l’essentiel de leurs temps à protéger les hommes au lieu de passer tout leur temps à combattre ceux qui tentent de revendiquer une amélioration des conditions de vie. Si c’était des Camerounais qui manifestaient à Waza, on les aurait fait taire. Si quatre voyous venus de je ne sais où, viennent semer la panique au Cameroun, c’est à réfléchir. Les pouvoirs publics doivent tirer toutes les conséquences qui s’imposent pour renforcer la sécurité près de nos frontières et protéger ceux qui nous font l’honneur de nous rendre visite ou de venir travailler au pays.


Abanda Kpama (Président du Manidem): «Il s’agit d’une crise sécuritaire et de la mal gouvernance»

La crise née de ce qu'il est convenu d'appeler l'affaire des otages français enlevés au Kamerun, confirme la distanciation entre le discours officiel sur le Kamerun pays « en paix et de paix», et la cruelle réalité vécue au quotidien aussi bien par les populations kamerunaises que par les observateurs étrangers qui séjournent dans notre pays. Même après l'étalage des lacunes de nos forces de l'ordre et de défense autant au niveau du renseignement qu'au niveau de la traque du groupe armé qui a enlevé les 7 touristes français, l'inénarrable porte-parole du gouvernement kamerunais, M. Issa Tchiroma, a continué à tenir un discours surréaliste en déclarant que « sur hautes instructions du chef de l'Etat, toutes les mesures sont prises pour que de tels incidents ne se reproduisent plus jamais dans notre pays»! Les populations des régions Nord et Extrême-Nord sont victimes quotidiennement de vols de bétails, de braquages, de viols, d'enlèvements de femmes et d'enfants, d'assassinats perpétrés par des bandes armées venues des pays voisins. Les gouvernants à Yaoundé ne lèvent pas le petit doigt. Dès qu'un Français est inquiété comme ce fut le cas avec les marins de la société Bourbon, le régime se met en branle et bombe le torse. A croire que l'Etat du Kamerun n'a plus pour mission première la protection de ses propres citoyens. Au final, nous condamnons fermement les incursions dans le territoire kamerunais de bandes armées venues des pays voisins et qui sèment terreur et désolation aussi bien dans le Septentrion que dans le South-West. Il est temps que l'Etat du Kamerun décline une véritable politique de sécurité des citoyens et de leurs biens, ceci n'étant possible que si l'intégrité territoriale du pays est garantie. Le régime actuel a-t-il l'ambition et la volonté politique de le faire? Il est permis d'en douter
Abanda Kpama


Jean Michel Nintcheu (député, Sdf): «C’est un camouflet au gouvernement»

Cette prise d’otage vient démontrer à suffire l’existence des dysfonctionnements dans le système sécuritaire camerounais. Cette région a été pendant plusieurs années sous la surveillance des éléments du Bataillon d’intervention rapide (Bir) en raison des activités récurrentes et nocives des coupeurs de route, acteurs majeurs du grand banditisme, dans la partie septentrionale du pays. A partir de ce moment-là, je ne comprends pas comment rien n’a été fait par les autorités camerounaises pour mettre en place un système de surveillance fiable. De mon point de vue, il s’agit là d’un autre retentissant camouflet au gouvernement de monsieur Biya. Tout mon souhait est que ces touristes français recouvrent leur liberté tout en étant sains et saufs. D’un autre point de vue, l’on ne peut s’empêcher de remarquer que cet enlèvement donne l’occasion aux forces spéciales françaises de prendre pied dans notre territoire et de conduire les opérations militaires. C’est qui est tout à fait dommage pour un pays souverain.


Kameni Djouteu Dieudonné (Président, union des démocrates pour le travail): «je crains pour notre tourisme»

J’ai appris avec une grande consternation la nouvelle de la prise des otages, en l’occurrence sept Français dont quatre enfants. Je souhaite qu’on les retrouve sains et saufs. C’est l’occasion pour nos forces de l’ordre d’organiser rapidement la sécurisation de cette zone, pour que le tourisme camerounais n’en prenne des coups.

Rassemblées par Alain NJIPOU


25/02/2013
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