André Siaka, Je recommence une autre vie :: CAMEROON

Cameroun : André Siaka, Je recommence une autre vieL'administrateur directeur général de la Sabc quitte l'entreprise après 36 ans de maison. rendue publique hier matin. Nous revenons sur le parcours de ce polytechnicien discret

Il a gardé et géré le secret de son départ à la tête de la sabc, cette société connue plus sous l’appellation de «Brasseries du Cameroun». Quelques personnes de son entourage évoquaient ce départ probable, mais personne n’en parlait avec certitude. Hier matin donc, le département de la Communication institutionnelle de l’entreprise a pris l’initiative de ne pas laisser s’installer la rumeur sur le sujet. il a donné laconiquement l’information à quelques confrères triés au volet, en promettant «d’en parler au cours d’une conférence de presse à organiser prochainement».

Lorsque la direction générale de la sabc a officialisé la nouvelle au sein de l’entreprise, de nombreux employés qui la suivaient discrètement se sont mis à couler les larmes. Un employé d’usine à Douala a dit qu’il lui sera difficile de s’habituer à ne plus voir andré siaka se rendre à l’usine, et échanger avec les techniciens sur leur travail. Un grossiste des produits des brasseries s’est exclamé en ces termes : «Je lui dois ma réussite sociale ; il m’avait fait confiance, j’avais mérité sa confiance, le succès est arrivé…Sa vision des affaires est une école», s’est-il exprimé.

A Yaoundé, au service commercial de l’entreprise, un cadre marketing a de la peine à croire que la rumeur entretenue depuis quelques semaines sur ce  départ, est en train de se transformer en une réalité. et il ajoute : «Même les Blancs qui étaient ici avant Siaka, aucun d’eux n’a maitrisé cette boite comme lui».

André siaka va effectivement quitter la boite le 1er janvier prochain. il aura passé 36 ans dans cette multinationale française, dont 25 ans comme directeur général. il aura largement contribué à hisser et à maintenir cette entreprise brassicole au sommet de l’industrie locale, en termes de personnels employés et de chiffre d’affaires. Dans le domaine social, andré siaka a introduit l’opération «Excellence scolaire ». par elle, la sabc prime à travers des bourses en fin d’année, les meilleurs enfants qui ont passé leurs examens avec des moyens fortes, parfois au-delà de 17/20. plus de 70 millions de francs Cfa sont ainsi distribués aux parents des enfants les plus méritants, pour soutenir leur scolarité.

A cette action incitative à l’excellence que préside personnellement andré siaka chaque année, s’est ajoutée il y a trois semaines à peine, une autre opération humanitaire, en collaboration avec la Fondation Coca Cola afrique. a travers elle, trois hôpitaux du Cameroun (Laquintini, Hôpital général de Douala et l’Hôpital central de Yaoundé) sont inscrits sur un programme triennal pour bénéficier de ce tandem de l’agroalimentaire, près de 10 milliards de francs Cfa en médicaments, en consommables, en équipements médicaux ou en mobiliers de bureau et de bureautique. andré siaka a fait de ces opérations à dimension humaine et humanitaire, un des points focaux au cours de son passage à la tête des brasseries du Cameroun.

Dans son proche entourage, on confie qu’il est très préoccupé de s’assurer que son successeur ne remettrait pas en question ces deux opérations qui participent de la «Responsabilité sociétale de l’entreprise », notion adoptée depuis quelques années par le système des nations Unies, afin «d’humaniser» la volupté pécuniaire des multinationales, catégorie à laquelle appartient naturellement la sabc. a un cadre des Brasseries du Cameroun à qui on demandait aussi ce qu’il retiendrait de son directeur général andré siaka, il a répondu sans hésiter : «la pontique. Lorsque vous avez rendez-vous avec lui, il est à vous la minute exacte. Il n’est plus à votre disposition à l’heure convenue passée de 5 minutes ! Depuis que je travaille aux brasseries, il est arrivé à son bureau tous les matins à 6 h 55. Il se poste à l’entrée principale, parfois pour accueillir les retardataires. Il leur souhaite la bienvenue, le sourire en coin; vous comprenez alors la leçon sans échanges de propos», explique-t-il.

Premier ministre

Ce natif de Bandjoun dans la région de l’Ouest, venu au monde le 21 janvier 1949, était annoncé plus d’une fois au gouvernement. La rumeur le voyait  bien premier ministre, pendant que d’autres le pressentaient ministre du commerce et de l’industrie, dans l’espoir de contribuer à faire booster l’économie du Cameroun, à l’instar de sa réussite à la sabc. après tout, l’expérience acquise pendant 15 ans à la tête du Gicam, mouvement patronal des entreprises, ne constituait-elle pas un trésor à mettre à la disposition de la nation ? aux uns et aux autres, andré siaka répondait : «Ce n’est pas qu’au gouvernement qu’on peut servir son pays».

Cette  réponse sans détours atténuait la rumeur, mais laissait aussi la porte ouverte au cas où… De cette carrière politique où d’aucuns le voyaient il dit : «Chaque citoyen s'intéresse à la vie politique de son pays. C'est ça même être citoyen, s'intéresser à la vie de la cité. De la carrière politique, non, ce n'est pas ce que j'envisage de faire. Je crois qu'il faudrait être clair là dessus. En revanche, je suis comme tout le monde, un acteur, non pas un spectateur, mais un acteur de la vie politique dans notre pays, je compte le rester comme citoyen», précise t-il.

Il démissionne du Gicam à la surprise de tout le monde, 6 mois avant le terme de son mandat. On l’accusera alors «d’habile manoeuvrier, ayant joué pour pousser ses protégés sur la scène, ou alors pour placer une marionnette manipulable. André Siaka répond : « Je pense qu'on peut servir son pays parfaitement en occupant des postes de responsabilité. Pendant 15 ans, c’est ce que j'ai fait à la tête du Gicam : servir mon pays. Et je crois qu'à d'autres fonctions, à d'autres postes, je n'ai fait que ça dans le passé ; je le fais au présent et je le ferai dans l'avenir.»

La retraite

Il part alors du Gicam, dans le tumulte des textes de cette organisation. il tente une explication : «Il fallait assurer une transition sereine qui se déroule suivant les règles qui organisent notre organisation. Et je suis persuadé, je suis convaincu qu'il fallait laisser au bureau la possibilité de s'organiser pour qu'il y ait une nouvelle direction qui se mette en place, ne pas attendre le jour des élections pour s'organiser dans ce sens là. C'est la raison pour laquelle j'ai pris cette décision, six mois avant, et laisser ce temps au bureau de voir parmi eux, ou l'un d'eux, qui pouvait le mieux conduire la destinée du Gicam… » «Il n’y a pas de problèmes de gouvernance au Gicam.

Ce qui a apparu durant cette période, c'était la liberté d'une organisation qui n'est pas monolithique, où on ne dicte pas, où les gens ont la liberté de s'exprimer, de penser. Et cette démarche, réellement, traduit qu'au sein du Gicam, des opinions contraires peuvent s'affronter et ça c'est la vie de toute organisation. Une organisation qui est monolithique est condamnée à mourir. Et il n'y a pas eu de dérapages puisque le Gicam n'a pas éclaté pour autant, il n'a pas implosé. Et à la fin, après tous ces débats, on est arrivé à élire un candidat à l’unanimité du bureau ».


André Siaka avait, en 2008, après moult hésitations, accepté un entretien avec mutations. nous lui posions alors la question de savoir ce qu’il envisagerait de faire de sa retraite. il répondit : «Quelqu’un me disait ce que je répète aux jeunes qui entrent dans mon bureau : le premier jour où vous commencez à travailler, vous pensez à votre retraite. Si quelqu'un attend le dernier jour pour penser à sa retraite, vous savez ce qui arrive, il ne veut plus partir en retraite. Il demande des prorogations à n'en plus finir. Et je pense que vous avez vu autour de vous, beaucoup de personnes dans cette situation. Vous demandez si j'y pense, bien sûr que j'y pense.

Comme je vous l'ai dit, depuis que j'ai commencé à travailler, j'ai aussitôt pensé à ma retraite. Alors tous les postes sont les bienvenus. Si le poste de président du comité éditorial de Mutations était libre…»  (Rires)

André Siaka n’est donc pas surpris par la retraite qu’il entreprendra en janvier prochain. il a des projets qu’il devrait mettre en chantier depuis plusieurs années, mais absorbé par ses responsabilités aux brasseries, il les a mis en veilleuse. il entend les lancer aussitôt parti de la sabc. «Ce que je peux dire, c'est que notre pays a réellement beaucoup de potentiel. Tout le monde devrait rechercher les moyens pour que le Cameroun, non seulement retrouve la place qui fut la sienne, mais dépasse les pays qui sont nos voisins. Nous avons beaucoup de choses qu'on peut faire dans ce pays. Et je pense que chaque Camerounais a le devoir, pour lui-même et pour ses enfants, de faire beaucoup mieux qu'il ne le fait déjà. Je crois que nous en sommes largement capables», estime t-il.

© Mutations : Xavier Messè


11/09/2013
0 Poster un commentaire

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 299 autres membres