Amendement des textes d’ELECAM: Le député Ayah Paul Abiné hué par les siens

Vendredi dernier 26 mars 2010. Il est environ 21h. L’honorable Ayah Paul Abiné, député du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC) de la Manyu dans la région du Sud-Ouest vient de décider de quitter l’hémicycle alors que la séance plénière n’est pas encore levée. La mine défaite, l’air décontenancé, il arpente difficilement les escaliers qui mènent à la porte de sortie. Sous les regards moqueurs, un tantinet dédaigneux de ses camarades du même parti, le magistrat à la retraite, à la carrure d’ancien boxeur et aux cheveux grisonnants, refuse d’assister à la fin des travaux. Quelques minutes avant, du haut du pupitre du palais du peuple, l’élu du peuple du parti au pouvoir avait invité en vain, tous les députés présents à rester lucides devant le projet déposé par le président de la République. Ledit projet porte modification de certaines dispositions des textes fondateurs d’Elections Cameroon (ELECAM).

L’intention du gouvernement soumise le jour d’avant, à la conférence des présidents avait déjà été examinée, en 24 heures seulement, par la commission des lois constitutionnelles, des droits de l’Homme et des libertés et proposée pour adoption en plénière. Sans prendre fermement position, le député de la Manyu invite ses collègues à méditer sur le texte qui est porté à leur attention. « J’ai beaucoup de compassion pour le Cameroun. Je vous invite à l’avoir également », dit-il, d’entrée de jeu. Avant de souligner dans la foulée qu’il a battu campagne pour qu’ELECAM soit crédible, pour qu’il soit indépendant. « Mais a-t-on seulement songé qu’Elecam ne doit pas uniquement être indépendant du pouvoir politique en place ? Il faut qu’il jouisse d’une vraie indépendance financière ».

Rien que ces phrases suscitent un tollé général dans les rangs des députés du RDPC et de l’UNDP. Face à cette vive réaction, Ayah Paul Abiné qui fait des efforts pour rester calme envoie des messages aux relents messianiques à ses collègues du parti de Paul Biya qui sûrs de leur majorité écrasante. « Souvenez-vous du Zimbabwe. Là-bas, Ian Smith a proposé que la majorité supplante la minorité à tous égards. Robert Mugabe utilise la loi qu’il a trouvée pour mater les Blancs qui sont devenus minoritaires au parlement. Avez-vous pensé, un seul moment que nous pouvons être minoritaires demain dans cet hémicycle ? », les interroge-t-il. A l’écoute de ces propos, une pagaille s’empare de l’ensemble des députés RDPC. On peut entendre tous azimuts « nous ne serons jamais minoritaire. C’est le peuple qui nous a désignés. Nous sommes au pouvoir et nous entendons y rester. » Le député de la Manyu ne démord pas pour autant : « Les lois n’ont pas de couleur politique. Nous sommes des élus du peuple. Nous devons rester lucides devant un projet de loi qui engage l’avenir de la nation toute entière ». Rien n’y fait, il sera vomi par les siens et acclamé par le SDF. Humilié, Ayah Paul Abine n’osera pas retourner à son siège qui restera vide pendant tout le temps qu’a duré le reste des travaux.

Le Front du non

Le groupe parlementaire SDF aura aussi tout tenté. Ses députés sollicitent un report pour examen approfondi du projet de loi. Jean Michel Nintcheu, député du SDF du Wouri tente d’émouvoir par un discours des plus lyriques comme lui seul en a le secret. Les tentatives de rescousse de son camarade Joseph Mbah – Ndam sont vite enrayées par Cavaye Yéguié Djibril qui lui rappelle qu’en tant que membre de la commission qui a examiné le texte, il ne doit pas prendre part aux débats. Même Jean Jacques Ekindi, seul député du Mouvement progressiste, tente astucieusement de bloquer l’adoption du texte, évoquant des raisons de vice de forme. Il ne sera pas écouté. Le projet de loi No 855/PJL/AN modifiant et complétant certaines dispositions de la loi No 2006/011 du 29 décembre 2006 sera adopté in extenso, en sa version française, comme il a été présenté par le ministre de l’Administration territoriale et de la décentralisation, Marafa Hamidou Yaya. L’Administration marque ainsi son retour dans l’organisation de toute élection générale au Cameroun.

Les autres textes adoptés

Comme le texte sus-cité, deux autres portant respectivement modification de certaines dispositions de la loi n° 2004/016 du 22 juillet 2004 qui crée et organise la Commission nationale des droits de l’Homme et des libertés et le projet de loi n°853/PJL/AN, fixant les procédures de référendum ont été adoptés vendredi dernier. A cela il faut ajouter les projets de loi favorisant l’insertion des personnes handicapées et celui portant régime de fonctionnement des Petites et moyennes entreprises (PME), tous les deux adoptés précédemment. Il est plus de 22 heures quand le président de l’Assemblée nationale, Cavayé yéguié Djibril déclare clos, les travaux de la première session ordinaire de l’année 2010 de la chambre.

Rodrigue N. TONGUE

Par lemessager | Lundi 29 mars 2010 | Le Messager



30/03/2010
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