Afrique, A propos de la crise ivoirienne : Le visage hideux de l’imposture

Afrique, A propos de la crise ivoirienne : Le visage hideux de l’imposture

Yves Mintoogue:Camer.beCe n’est pas tant la bêtise de Gbagbo qui nous meurtrit que le soutien que lui apportent quelques hordes de « progressistes » africains, en invoquant la souveraineté et la lutte contre « l’impérialisme ». Comme quoi l’Africain qui embouche les trompettes de « l’anti-impérialisme » ne pourrait être lui-même qu’un « progressiste », « patriote » et « nationaliste » au service du peuple et du progrès. Qu’importe s’il sème la mort et le chaos, avec ses escadrons de la mort, ses jeunes « patriotes » et une armée qui a pris Abidjan en otage, réprime, tue (la nuit, de préférence) et viole impunément ceux qui s’obstinent à ne pas prendre le parti du « libérateur ».

A-t-il reconduit la prédation, la corruption, l’incurie, le tribalisme, la xénophobie, la peur et le crime comme mode de gouvernement ω Qu’importe, sur tout ceci fermons les yeux. Car son génie et son grand mérite sont d’y avoir adjoint beaucoup de bavardages et de pitreries par lesquels il prétend se poser en défenseur de la souveraineté nationale, contre l’impérialisme et la Françafrique (sans mesures politiques et économiques concrètes depuis 10 ans).

Comme quoi, ce que les Biya, Bongo et autres Eyadéma obtiennent en se disant « meilleurs élèves de la France », on peut aussi l’obtenir en agitant la lutte contre « l’impérialisme ». Et la stratégie est doublement efficace : non seulement elle permet effectivement de mourir au pouvoir, de piller, de tuer et d’affamer le peuple impunément, mais elle permet, en prime, de se poser en martyr de la liberté de l’Afrique, avec le soutien assuré et la sympathie des « progressistes africains ».

« Progressiste », « nationaliste », « patriote »ω Il semble qu’il suffit pour le devenir de s’en prendre (pour de vrai ou simplement en s’agitant) à la France et à l’Occident qui seraient fatalement ennemis des intérêts des populations africaines; il ne saurait en être autrement. Que la France et l’Occident soient contre nous signifie forcément que nous sommes du bon côté (celui du peuple), parait-il. De même celui qui a la sympathie de l’Occident ne peut être autre chose que le « chef bandit » du film.

C’est donc toujours le ressentiment, l’esprit de revanche et la frustration qu’on ressent à l’égard de l’Occident qui déterminent notre rapport, notre regard à ce qui engage d’abord notre propre destin. Du coup, en Afrique même, on se trouve face à une ahurissante absence de discernement d’un bon nombre de groupes et d’individus dits « progressistes » qui applaudissent les despotes locaux pour peu que ces derniers scandent le refrain enchanteur : « l’Afrique aux Africains ». « L’ingérence étrangère » et l’Occident seraient donc les maux absolus; si on prétend s’opposer à eux, on peut tuer, piller, entretenir le tribalisme et la xénophobie, mourir au pouvoir… ça n’a plus d’importance; on est quand même un vrai nationaliste et un bon démocrate.

Et la sottise, sans complexe, malgré sa laideur, encombre de plus en plus l’espace public et entend se poser comme « La voix légitime » (la seule même) des millions d’Africains épris de liberté. Qui veut savoir à quoi ressemble l’imposture? Tiens, voici son visage hideux !

© Correspondance : Joseph Yves MINTOOGUE, Historien/Cameroun


04/01/2011
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