Affaire Titus Edzoa :«En prison pour n'avoir pas fait manger»

Écrit par Casimir Datchoua Soupa  

Au cours de son interrogatoire (examination in chief) par ses avocats, l’ancien secrétaire général de la présidence de la République a décrié le fait qu’au Cameroun, la nomination à un poste de responsabilité sous-tend la politique de la mangeoire. Et d’affirmer qu’il se retrouve devant la barre

 

pour n'avoir pas mangé et fait manger.D'entrée de jeu, le 28 décembre 2011, Me Léonard Ndem a annoncé que l'interrogatoire allait permettre d'éclairer le tribunal davantage sur le volet Oua. Sa consœur, Me Kamdem, a ouvert le bal en demandant comment un compte a été ouvert et géré dans le cadre du 32ème sommet de l'Organisation de l’unité africaine (Oua). En réponse, Titus Edzoa s'est référé au rapport d'expertise de feu Ndjock qui l'accuse d'avoir ouvert, avec Michel Thierry Atangana Abega, un compte bancaire à la Bicec et un autre à la Scb Crédit Lyonnais en marge de la règlementation sur la gestion des finances publiques. L'accusé a soutenu qu'il s'agit d'une confusion créée dans le but de semer le trouble dans l'esprit des juges ; puisqu'en fait, il n’y a eu qu'un seul compte intitulé : "Oua 96 et infrastructures routières " Ce compte était domicilié à Scb-Cl.
Interrogé sur la nature du compte, Titus Edzoa a précisé que lorsqu'un compte est ouvert au nom d'une structure de l'Etat, c'est public et les fonds qui y sont encaissés sont des fonds publics et doivent être gérés selon la réglementation sur les fonds publics. A titre d'exemple, le compte « Oua 96 » avait bel et bien le caractère public, puisque le ministère des Finances y a viré la deuxième tranche de la caisse d'avance.
Interrogé sur les membres de la réunion tenue à la présidence avant le somment de l'Oua, l'accusé a dit qu'il y avait deux types de réunion : une réunion périodique que présidait le Sg chaque semaine, avec ses collaborateurs, et celle du Comité national d'organisation (Cno) présidée également par le Sg de la présidence; le vice-président étant le ministre des Relations extérieures.
Sur le mandat en vertu duquel il agissait, Titus Edzoa a parlé du mandat que lui confère le décret de nomination à la tête du Cno chargé de la mettre en œuvre, de concevoir, d'organiser et de coordonner les activités utiles pour la préparation de l'évènement Allant plus loin, Titus Edzoa a rappelé qu'il avait bénéficié en son temps d'un décret portant délégation de pouvoirs qui lui permettait de discriminer les affaires à soumettre au chef de l'Etat.
Parlant de transparence, l’avocat a demandé à qui étaient adressés les rapports d'activités. Titus Edzoa a précisé que les rapports étaient centralisés au niveau du secrétariat général et acheminés à qui de droit. Répondant à une question sur la réunion des directeurs généraux, Titus Edzoa a précisé qu'il les avait reçus à tour de rôle jusqu'au 13 septembre 1995. C’est lors de ces entretiens que chaque directeur général proposait sa contribution. Ceci expliquerait sans doute que les lettres les invitant à verser les montants déterminés ont été toutes signées le 13 septembre 1995. Les Dg ont-ils versé les fonds? Aucun fonds n'a été versé, d'autant que le 29 septembre 1995, le ministre des Finances avait pris une lettre circulaire demandant aux Dg de ne pas s'exécuter. Titus Edzoa a soutenu qu'il n'avait jamais été notifié de cette lettre circulaire du Minfi et n'en a été informé que par la plus haute hiérarchie de l'Etat. A la question de savoir s'il avait relancé les Dg, sa réponse a été négative. L'accusé a cité trois sources qui ont alimenté ce compte, à savoir 500 millions F Cfa contenus dans un sac Mbandjock qu'il a directement envoyés à deux responsables des banques, le chèque Beac et le don japonais qui ont constitué les fonds de la caisse d'avance. Il s'est avéré que la gestion de la caisse d'avance s'est soldée par une cascade de quitus: deux jours après la clôture du sommet de l'Oua, un contrôle de finance a atterri à la présidence de la République, alors que le décret créant le Cno impartissait un délai de 3 mois pour le dépôt des rapports définitifs. Ce contrôle a délivré un quitus; le juge instructeur a également délivré quitus. C’est la raison pour laquelle Titus Edzoa n'est pas poursuivi pour cette caisse d'avance, mais pour tentative de détournement (pour avoir écrit aux Dg).
L'accusé a justifié la caisse d'avance par le fait qu'il n'y avait pas de coffre-fort à la présidence pour garder de l'argent en espèces. A la question de savoir si Michel Thierry Atangana Abega était membre du Cno, l'accusé a répondu qu'en dehors des membres nommés par décret, beaucoup d'autres membres de la présidence pouvaient collaborer. C'est à ce titre que, compte tenu des retombés économiques attendues du sommet, le Copisur a été associé à l'organisation. En effet, il était question de réprofiler la voirie urbaine de Yaoundé à cette occasion. Sur ce point précis, selon l'accusé, un témoin de l'accusation, le secrétaire général du Copisur, Lin Onana Ndoh, qui devait confirmer cette assertion, a été chassé par le ministère public.
Selon l'accusé le véritable problème qui l'amène devant la barre serait qu'il n'a pas mangé et qu'il n'a pas fait manger, puisqu' au Cameroun, la nomination fait penser directement à cette préoccupation du ventre.



 

 

Mise à jour le Vendredi, 13 Janvier 2012 11:12


17/01/2012
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