Affaire Marafa : Le pouvoir séduit le Grand Nord

Affaire Marafa : Le pouvoir séduit le Grand Nord

Cameroun - Affaire Marafa : Le pouvoir séduit le Grand Nord  En l’espace de deux semaines, cette partie du pays a reçu la visite d’une demi-dizaine de membres du gouvernement. Inhabituel.

Le climat sociopolitique dans l’ensemble du pays et particulièrement dans le Grand Nord préoccupe. De l’avis même des services de renseignements des trois régions septentrionales du Cameroun (Extrême Nord, Nord, Adamaoua), l’arrestation le 16 avril dernier de l’un des fils du Nord, Marafa Hamidou Yaya ancien Secrétaire général à la présidence de la République, ex-ministre de l’Administration territoriale et de la décentralisation et postulant désigné à la succession de Paul Biya à la tête du pays, a provoqué comme l’indiquait déjà la presse au lendemain de son incarcération, des mécontentements au sein de la population et alourdi passablement le climat sociopolitique déjà tendu depuis la présidentielle de 2011 qui a vu la réélection de l’actuel président au pouvoir depuis 1982.

C’est dans ce contexte que cette partie du pays a accueilli entre le 30 juin et le 06 juillet, le ministre de l’Agriculture et du développement rural Essimi Menye, le ministre de la Communication Issa Tchiroma Bakary, le ministre des Enseignements secondaires Bapes Bapes et le ministre de l’Economie de la planification et de l’aménagement du territoire Emmanuel Nganou Ndjoumessi.
 
Si le séjour du ministre de la Communication dans le septentrion avait un lien direct avec l’affaire Marafa, Issa Tchiroma, par ailleurs président du Front pour le salut national du Cameroun, ayant avoué s’être déplacé pour « rassurer sa base » face aux révélations contenues dans la 4e lettre de l’ex-Minadt, le rendant responsable du crash d’un avion de la Camair qui a coûté la vie à 71 personnes en 1995, la présence des autres membres du gouvernement n’y avait officiellement rien à voir. Bapes Bapes est venu « superviser la reprise du Bepc » dans les 12 sous centres d’examen de l’Extrême Nord dont les copies des candidats ont été consumées par les flammes à la suite d’un incendie au lycée classique de Mora.

Essimi Menye s’est déplacé pour « évaluer le potentiel agricole » du septentrion. Et Nganou Djoumessi est venu « d’une part, présenter aux forces vives les mécanismes d’identification, de planification, de programmation et de budgétisation des projets de développement et d’autre part, recueillir les besoins des populations à la base pour une meilleure prise en compte de leurs aspirations ». Une action que le Minepat devrait d’ailleurs poursuivre dans les autres régions du pays dans les prochains jours. « Il n’y avait pas d’urgence à commencer par les régions septentrionales du pays. J’ai choisi le Grand Nord comme ça… parce que c’était plus facile de commencer ici » a d’ailleurs indiqué Emmanuel Nganou Djoumessi à notre micro. Voilà pour le discours officiel.

Visites hautement politiques

Mais à bien observer les discours, les actes et les gestes des uns et des autres, il transparait que comme pour le ministre de la Communication, l’objectif de tous les membres du gouvernement qui se sont déplacés pour cette partie du pays, était d’apaiser le climat social et de rassurer les populations même s’ils se sont bien gardés de faire allusion à Marafa. On a bien vu que durant ses trois jours de visite, Emmanuel Nganou Djoumessi qui s’est risqué à donner la parole au tout venant marchait sur des œufs. Face aux revendications des populations et au jugement parfois sévère de l’action du gouvernement en direction du septentrion, l’administrateur civil pensait bien ses mots et évitait de contrarier ses interlocuteurs.

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Aussi l’ancien préfet a troqué son costume de commandeur à celui d’homme politique, se montrant proche des participants aux différentes réunions organisées en leur désignant toujours par leur nom ou en qualifiant toujours leurs interventions de « pertinentes » ou d’«intéressantes ». Pour le Minepat, alors qu’on s’approche petit à petit des élections municipales et législatives, l’important était de persuader les populations qu’elles ont toujours un avenir avec le Rdpc, le parti au pouvoir et avec son chef, Paul Biya. Que ce dernier est conscient de leur situation et s’en préoccupe.

Pour ce faire, à chaque étape de sa visite, les collaborateurs Nganou Djoumessi ont recensé les projets inscrits au budget d’investissement pour l’exercice en cours et les ont égrainés aux populations de même que les projets déjà réalisés par certains organismes sous tutelles du Minepat tels que le Pndp, le programme national de développement participatif. Et comme pour assurer que le meilleurs est avenir, le directeur général de l’Economie et la programmation des investissements s’est attelé à présenter aux acteurs de développement, les potentialités de créations de richesse de chaque région.

Ainsi à l’Extrême Nord, c’est le potentiel touristique qui a été mis en exergue. On y compte aujourd’hui 84 sites touristiques dont seuls 10 sont aménagés. Dans le Nord, Dieudonné Bondoma Yokono a ressorti le potentiel minier et agricole de la région. Elle qui représente à elle seule, 28% du cheptel national et ou le gouvernement conduit actuellement un projet de transformation des 5300 ha de terre située autour du barrage de Lagdo en bassin de production. Et dans l’Adamaoua, le Dg de l’Economie et de la programmation des investissements a été suggéré à ses forces vives d’exploiter la position stratégique de la région, carrefour entre le Cameroun, le Tchad et la République centrafricaine.

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Emmanuel Nganou Djoumessi s’est par ailleurs montré très volontaire. Promettant ici un financement, là d’envoyer une mission de contrôle ou encore de s’occuper personnellement d’une doléance. Ce qui lui souvent valu des applaudissements ou des messages de remerciement. Comme celui de ce technicien de génie civil qui en guise des conclusions des travaux à Ngaoundé a remercie le ministre pour «avoir entrepris d’échanger avec le bas peuple ».

Message de soutien

Le Minepat s’est également évertué à gommer l’autre source de frustrations dans le Grand Nord : l’absence de projet structurant dans cette partie du pays. « Nous avons été lésés dans la politiques des " grandes réalisations " », estiment en effet certaines élites du coin qui n’ont d’ailleurs pas hésité à le faire savoir lors des échanges avec le ministre de l’Economie de la planification et de l’aménagement du territoire, cheville ouvrière de la politique des « grandes réalisations ». Réponse de ce dernier : « " les grandes réalisations " ne doivent pas seulement être entendues comme la réalisation des grands projets… ils se traduisent aussi par la démultiplication des investissements qui ont une configuration régionale et locale. C’est pourquoi nous sommes ici pour recenser vos doléances et vous présenter des outils pour mieux concevoir et financer vos plans de développement afin de créer la richesse et accéder au bien être social ».

En complément aux propos du ministre, le directeur général de l’Economie et de la programmation des investissements, M. Bondoma assurera, lors de l’étape de Ngaoundéré, que le Barrage de Bili à Wara dans l’Adamaoua, qui est un projet structurant est dans le pipe. Les études sont achevées, il ne reste plus qu’à mobiliser les 85 milliards nécessaire pour sa réalisation.

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Cette opération de charme du pouvoir dans le septentrion suffira-t-elle à faire oublier Marafa dont la dernière sortie épistolaire continue de faire jaser ? Rien n’est moins sûr. Néanmoins dans l’entourage du ministre Nganou Djoumessi qui est parti de Ngaoundéré porteur d’un message de soutien des lamibés (chefs traditionnels) de la ville au président Paul Biya, on ne se réservait pas à parler de mission accomplie.

© Camerounactu.net : Aboudi Ottou


09/07/2012
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