Affaire Marafa: Bokam propose des poursuites judiciaires contre Marafa et la Presse

YAOUNDE - 23 JUILLET 2012
© GUIBAÏ GATAMA | L'Oeil du Sahel

Le président de la République s'appuie sur les conseils du secrétaire d'Etat à la Défense pour faire instruire une nouvelle affaire judiciaire contre son ex-ministre d'Etat.

Près de deux mois après la publication de la quatrième lettre de l'ex-ministre d'Etat Marafa Hamidou Yaya, le pouvoir continue de paniquer et de chercher des solutions pour assécher définitivement la plume de l'ancien très proche collaborateur du chef de l'Etat. Cet objectif apparaît dans un courrier du 16 juillet 2012 ayant en objet «Affaire contre Marafa Hamidou Yaya». Il a été adressé au ministre d'Etat, ministre de la Justice, Garde des Sceaux par le secrétariat général de la présidence de la République la semaine dernière, précisément le jour de l'ouverture du procès pénal concernant notamment l'ancien ministre d'Etat. Peter Agbor Tabi, ministre secrétaire général adjoint, agissant «par délégation» du secrétaire général de la présidence de la République, demande à Laurent Esso de le renseigner sur l'état d'une procédure évoquée dans une «Note spéciale» adressée au président de la République par Jean-Baptiste Bokam, secrétaire d'Etat à la Défense chargé de la gendarmerie.

La «Note spéciale» en question, dont L'œil du Sahel a pris connaissance, fait suite au refus affiché par Marafa Hamidou Yaya, en réaction à un mandat d'extraction qui lui avait été signifié, «d'être conduit, sous bonne escorte, au cabinet du juge d'instruction près le Tribunal de grande instance du Mfoundi le 07 juin 2012 à 9h». Geôlier de Marafa Hamidou Yaya, le secrétaire d'Etat rend brièvement compte, dès le lendemain et directement à Paul Biya; de l'attitude affichée par l'ancien secrétaire général de la présidence de la République. Ce dernier a déclaré, selon M. Bokam, «qu'il ne se présentera pas au Tribunal tant que ses droits, sans préciser lesquels, ne seront pas respectés». Un compte rendu quasi-banal qui a cependant un mérite : il montre à quel point le chef de l'Etat est personnellement et directement informé (la note spéciale a été envoyé par fax) des moindres agissements du «prisonnier rebelle» du Sed... Une préoccupation curieuse pour un chef d'Etat.


VIOLATION DE LA LOI

Si l'épisode du refus de Marafa de déférer à la convocation du juge d'instruction offre le prétexte à la correspondance, il est loin d'en constituer le cœur. En fait, Jean-Baptiste Bokam se glisse dans la peau d'un conseiller juridique du président de la République, à qui il suggère «une analyse faite par certains juristes» au sujet, écrit-il, de «l'obligation de discrétion, obligation imprescriptible dans le temps et dans l'espace».

Autrement dit, l'impératif pour l'ancien ministre d'Etat de ne plus faire des révélations dans la presse. Pour le secrétaire d'Etat à la Défense, Marafa Hamidou Yaya «est susceptible d'être poursuivi du fait de la violation des dispositions des articles 40 et 41 du Statut général de la Fonction publique». Selon l'une de nos sources à la présidence de la République, «la très haute hiérarchie y a marqué un vif intérêt». Un approfondissement de la réflexion dans ce sens aurait été demandé au secrétariat général de la présidence de la République dès le 19 juin 2012. La saisine du ministre d'Etat chargé de la Justice la semaine dernière en est la suite logique, précise un autre proche collaborateur du chef de l'Etat.

La décision de demander au garde des Sceaux des renseignements sur l'état de la procédure judiciaire suggérée par le secrétaire d'Etat à la Défense n'est pas en effet anodine. La présidence de la République, qui se trouve au cœur d'un énorme scandale financier déclenché par Marafa Hamidou Yaya, fait feu de tout bois pour éteindre l'incendie et se prémunir contre d'autres accusations du même type. La présidence fait semblant de relancer seulement la Justice sur le dossier, alors même qu'il s'agit d'une instruction d'ouvrir la procédure en question, d'autant que le principal conseiller sur les affaires judiciaires de la présidence de la République, Jean Foumane Akame, est désormais «grillé».

Souvenons-nous que dans sa quatrième lettre, Marafa Hamidou Yaya avait évoqué la gestion des fonds publics, les 32,5 milliards FCFA issus du conflit entre le Cameroun et la South African Airways (Saa) à la suite du crash d'un aéronef de la Camair. Une somme curieusement placée dans un compte à la Société générale de banque à Paris et sous la signature de Jean Foumane Akame. L'opinion publique attend toujours de savoir ce qu'est devenu ce pactole.


LA PRESSE DANS LE VISEUR...

Il y a cependant mieux dans la «note spéciale» de Jean-Baptiste Bokam, toujours dans le registre du conseiller judiciaire occulte (Jean Foumane Akame et Laurent Esso sauront apprécier). Le secrétaire d'Etat prend aussi la presse pour cible. S'appuyant sur ses «mêmes analystes», il explique à Paul Biya que «les médias qui relaient les publications de Marafa Hamidou Yaya tombent sous le coup des articles 155 (1) du Code de procédure pénale et 169 du Code pénal qui traitent de l'interdiction de la diffusion des informations judiciaires tant qu'une ordonnance de non-lieu ou une comparution de l'accusé devant la juridiction de jugement ne sont pas encore intervenues ».

Un sacré pied de nez au droit du public à l'information de la part d'une personnalité qui entretient un important réseau de journalistes pour soit valoriser son action à la tête de la gendarmerie nationale, soit agiter l'opinion publique lorsqu'il est en mauvaise posture... Mais, pour l'instant, la présidence de la République ne semble pas avoir été séduite par l'idée de s'en prendre à la presse.

Rappelons que lors de la cérémonie officielle de lancement du chantier de construction du barrage hydroélectrique de Memve'ele le 15 juin 2012, en répondant à une question de la Crtv concernant les serties médiatiques de Marafa Hamidou Yaya, Paul Biya avait dit qu'il ne commentait pas les commentaires et que la Justice, saisie d'une procédure contre l'ancien ministre d'Etat, faisait son travail en toute indépendance.

Le grand intérêt accordé par le chef de l'Etat aux suggestions du patron de la gendarmerie afin de mettre un terme aux «commentaires» et instrumentaliser la justice à l'effet de sanctionner le «commentateur» semble bien démontrer le contraire. Comme dans la technique du rouleau compresseur appliqué jadis à Titus Edzoa, la «note spéciale» de Jean-Baptiste Bokam rappelle bien les échanges téléphoniques, en 1997, entre Edouard Akame Mfoumou, Amadou Ali et Bélinga Eboutou. Le même scénario, le même réalisateur, mais de nouveaux acteurs. Qui sera la prochaine victime du système?


01/09/2012
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