Affaire Edzoa Titus, Atangana Thierry et cie Au cœur du mal être de la Justice : 800 millions Fcfa volatilisés dans une banque

Par robert.ngono.ebode | Mardi 25 mai 2010 | Le Messager

Lorsque Thierry Michel Atangana est arrêté en mai 1997, des questions fusent sur l’origine de l’argent ayant servi à la construction de l’immeuble imposant de Nsimeyong, à l’architecture néo-classique et sortant des sentiers battus de ce que l’on a comme normes de construction « respectées » au Cameroun. Ils sont nombreux ceux qui voient en Thierry juste un prête-nom. Pour eux, il n’y a pas de doute. L’immeuble appartient à Titus Edzoa. Les autorités entretiennent ce flou, ce d’autant que certains en tirent avantage. Elles estiment pour certaines que le bâtiment aurait coûté près de 7 milliards de Fcfa. Raison suffisante pour dire que « Thierry Atangana et surtout ceux qui sont derrière lui, disposent d’énormes sommes d’argent à jeter par la fenêtre ». « Nous avons entendu ces supputations. Mais lorsque les travaux de cet immeuble débutent au début des années 90, le Copisur n’existe pas encore. Le Pr. Edzoa n’est pas encore nommé Secrétaire général à la présidence de la République. Quand il est nommé à ce poste, les travaux de l’immeuble sont très avancés. Pour la petite histoire, il n’est jamais entré dans ce chantier. La seule fois qu’il y est arrivé pour rencontrer Thierry Atangana, il est resté dans sa voiture et en route. Il ne connait même pas les origines de ce chantier. D’ailleurs, s’il y a quelque chose à dire à propos, comme les gens de Nsimeyong, il n’était pas du tout content que Thierry construisit un tel ouvrage qui appelait forcément respect, et autres considérations du genre », explique un ouvrier ayant pris part aux travaux dès le début du chantier. D’autres langues prétendent que l’argent ayant servi à la construction de cet immeuble proviennent des fonds alloués au Copisur. « La demande du permis de bâtir de cet immeuble est introduit dans les services du délégué du gouvernement bien avant la création du Copisur. Ce qui suppose que le dossier technique était conforme, notamment les financements. L’accord avec le financier prévoyait la construction de cinq immeubles avec cinq titres fonciers différents dans la ville de Yaoundé. Cet accord prévoyait en outre que le promoteur ne retiendra que 25% des revenus immobiliers, le reste devant servir à financer les autres projets immobiliers, ceci pendant 15 ans », explique un entrepreneur ayant pris part à la réalisation du projet. Et de continuer en disant que « Le souci était de répondre à la demande du Chef de l’Etat qui voulait que le secteur du bâtiment soit stable et pourvoyeur d’emplois ».

 

Suspicions et politique

C’est ainsi que le projet se mettra en place début 1992. Les financements sont levés et les travaux lancés. Le dossier technique de l’immeuble de Nsimeyong, le plus grand, bâti sur une surface totale de près de 5 560 m2, est déposé dans les services du délégué du gouvernement auprès de la Communauté urbaine de Yaoundé en 1992. Sous le n°119/22/09/1994, il sera validé et le permis de bâtir sera délivré au nom de Thierry Michel Atangana le 02 novembre 1994. Et c’est à cette date que les véritables travaux vont démarrer. Le site abritant cet immeuble a été acheté à des co-indivisaires des titres fonciers numéros 21 617 et 21 617 du département du Mfoundi pour un montant global de 7 millions de Fcfa par la Société immobilière Lainde. L’immeuble y bâti, au nom de « Résidence Charlie et Sophie », comporte un sous-sol, un rez-de-chaussée et 5 étages, pour une valeur de plus de 550 millions de Fcfa. L’arrestation du promoteur du projet conduit à l’arrêt des travaux la même année, en 1997. Et comme c’est un projet bâti selon les normes en la matière, il peut se poursuivre sans son promoteur. En 2002, les travaux de construction de l’immeuble du quartier Etoa Meki, baptisé « Immeuble Carmel Essih Julienne », sont lancés. Ils seront interrompus quatre ans plus tard, pendant que le gros œuvre est presque achevé. C’est une bâtisse de 02 sous-sol, 01 rez-de-chaussée et 03 étages, construite sur près de 5 300 m2, pour une valeur de plus de 225 millions de Fcfa. Cette parcelle de terrain a été achetée à Madame Julienne Essih pour une valeur de 30 millions de Fcfa par la Société immobilière Lainde. Pendant le même temps, les travaux de construction du troisième immeuble, « Résidence Benoa », sont lancés à Nsimeyong. C’est un immeuble bâti sur plus de 870 m2 pour une valeur totale de près de 140 millions de Fcfa. Il comporte 02 sous-sols, 01 rez-de-chaussée et 03 étages. Là aussi, les travaux seront arrêtés. « Avec toutes les suspicions qui avaient cours, la conduite des travaux était très difficile. D’ailleurs, plusieurs ouvriers ont été entendus sur procès verbal à la Pj. On voulait tirer d’eux quelques informations de nature à clouer Thierry Atangana, notamment sur la provenance des fonds ayant servi à la construction de ces immeubles », témoigne un employé du chantier. « Pour preuve, le financier a fait virer une somme de 800 millions de Fcfa pour la finition des travaux de l’immeuble de Nsimeyong. Cet argent, pourtant viré, reste introuvable à ce jour à la banque. On ne sait pas exactement la destination de cet argent. Seuls ceux qui ont dirigés les enquêtes et le banquier pourront nous le dire. Vous pouvez ainsi constater que les origines des arrêts des travaux trouvent leur explication ailleurs, dans le fait qu’on ait décidé broyer Thierry Atangana », soutient un entrepreneur.

Après les enquêtes de la PJ qui n’ont trouvé aucune suspicion quant au financement de ces travaux de construction, les bâtiments pouvaient être exploités. C’est ainsi que l’immeuble du quartier Etoa Meki, plus avancé en travaux, sera cédé à la société civile immobilière Lainde. Cette société fera une offre de location à l’Etat en février 2005 par le biais du ministère des Domaines et des affaires foncières. En mai 2005, Louis Marie Abogo Nkono fera un compte rendu au Premier ministre de l’époque, Inoni Ephraïm. « J’ai le respectueux honneur de rendre compte qu’en date du 24 février 2005, j’ai reçu une offre de location d’un immeuble appartenant à Monsieur Atangana Thierry représenté par la société civile immobilière Lainde… Monsieur Atangana Thierry était co-accusé de Monsieur Edzoa Titus avec lequel il partage la sanction pénale. L’immeuble offert comprend un sous-sol, un rez-de-chaussée plus trois étages construits au lieu dit carrefour Etoa-Meki du quartier Djoungolo à Yaoundé, avec une capacité de 4 230 m2 de surface habitable, et proposé pour servir de bureaux administratifs. Le propriétaire, qui a fait présenter son offre dans mes services… semble comprendre que seul l’Etat peut étudier son offre, inacceptable sur le marché pour des raisons politiques, et paraît plus intéressé par sa sauvegarde et son entretien que son revenu. Compte tenu de la forte demande des locaux administratifs suite à la réorganisation gouvernementale, et vu les conditions financières favorables, je serais disposé à mon humble niveau, à saisir cette opportunité exploitable pour un ministère de taille moyenne, ministère de l’Environnement et de la protection de la nature. Je comprends néanmoins qu’une meilleure appréciation de l’opportunité politique de la transaction est nécessaire… », peut-on lire de cette correspondance. Le 24 juin 2005, le Secrétaire général des services du Premier ministre, dans un courrier de trois lignes seulement, répond au ministre Louis Marie Abogo Nkono. « Faisant suite à votre lettre susvisée, relative à l’objet repris en marge, le Premier ministre, Chef du gouvernement me charge de vous faire connaître que cette transaction est inopportune ». Et en avril 2006, Louis Marie Abogo Nkono va rendre compte au Sgpr, Jean Marie Atangana Mebara. « L’affaire faisait déjà grand bruit. Le Sgpr a voulu en savoir plus », explique un proche du dossier.

Réticences malgré la vérité

Malgré ces réticences, le contrat de bail est signé entre le ministre des Domaines et des affaires foncières pour un montant de 13 millions de Fcfa par mois. Entre temps, la gestion des trois immeubles construits par Thierry est confiée à Maop, Mains ouvertes de la Procure, une société spécialisée dans l’exploitation immobilière, les études, le financement et la réalisation des projets immobiliers à vocation multiple. En août 2007, cette société fait à nouveau une offre de location au ministre des Domaines pour les trois immeubles. « Par la suite, le contrat de bail a été revu à la baisse, à 11 millions de Fcfa par mois », apprendra-t-on. Le ministre des Domaines sommera par ailleurs son homologue des Forêts et de la faune à libérer l’immeuble ministériel n°2 que ses services occupaient pour rejoindre le nouveau local d’Etoa Meki. Là encore, le Premier ministre reviendra à la charge pour refuser ce contrat de bail. « … Le Premier ministre, Chef du gouvernement, me charge de vous réitérer sa réserve sur la décision de loger les services publics de l’Etat dans ledit bâtiment, en raison des suspicions qui pèsent sur l’origine des fonds ayant servis à la construction de l’immeuble en question. Aussi, vous demande-t-il de lui rendre compte des termes du bail conclu entre l’Etat et le propriétaire dudit immeuble et par ailleurs lui faire connaître les conditions d’une éventuelle résiliation dans les meilleurs délais possibles », peut-on lire de la correspondance signé de Jules Doret Ndongo en février 2008. Et en mai 2008, le nouveau ministre des Domaines, Anong Adibimé Pascal, prend la décision de résilier le contrat de bail en question. « J’ai l’honneur de porter à votre connaissance que le contrat de bail n° Cey-003/2007 liant votre société Mains ouvertes de la Procure à l’administration sera considéré comme résilié à compter du 31 mai 2008 conformément aux dispositions de son article 3. A cet effet, les factures y afférentes seront acceptées jusqu’à la date sus-indiquée », peut-on lire dans la correspondance adressée à l’occasion au représentant de la société Maop, Mgr Victor Tonye Bakot, Archevêque de Yaoundé. « En réalité, le contrat de bail est résilié tout simplement parce que lorsque les avis d’appel d’offres sont lancés pour la fourniture du matériel de bureau et autres, le Premier ministre de l’époque avait sa personne. Mais, l’offre de cette dernière était moins parlante comparée aux autres. Et comme la coopération allemande devait également contribuer à ce financement, elle a penché pour l’offre la plus parlante. Toutes choses qui ont amené le chef du gouvernement à relancer ses réserves. Vous croyez que le ministre qui a signé le contrat de bail qu’on résilie pouvait le faire à l’insu de sa hiérarchie ? », s’interroge un conseil de l’inculpé.



25/05/2010
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