Affaire du bébé volé - Vanessa Tchatchou: “Je suis fatiguée”

YAOUNDE - 20 FEV. 2012
© Claude Tadjon | Le Jour

"...Je suis fatiguée. Je ne sais même plus où j’en suis. J’ai l’impression que les choses n’avancent pas. J’ai été prélevée de force il y a deux semaines pour que des tests Adn soient effectués. Depuis, plus rien. J’ai l’impression que le gouvernement veut monter une histoire pour faire croire que mon bébé est mort, alors qu’il y a beaucoup de contradictions dans cette affaire. Malgré tout ça, je reste optimiste. Je sais que ma fille est en vie..."



Vanessa Tchatchou sur son lit d'hopital
Photo: © Le Jour



Hôpital gynéco-obstétrique et pédiatrique: Affaire du bébé volé, six mois déjà !

Vanessa Tchatchou a mis au monde une fillette le 20 août 2011, celle-ci a disparu de l’hôpital public. Le chef de l’Etat a instruit une enquête. Evocation.

Vanessa Tchatchou commence à accuser le coup, mais jure de ne point faiblir. Elle attend toujours des nouvelles de son bébé volé dans la couveuse de l’hôpital gynéco-obstétrique et pédiatrique de Yaoundé, hôpital public de référence, depuis six mois, jour pour jour.

Le samedi 20 août 2011 en effet, il y a six mois, cette jeune fille âgée de 17 ans a donné naissance à un bébé. A peine remise de la douleur de son tout premier enfantement, elle plonge aussitôt dans un profond désarroi. Ce qu’elle apprend ce jour-là, à peu près sept heures après avoir accouché, est hallucinant ! Son nouveau-né n’est pas mort, il a tout simplement été volé, lui annonce-t-on. Depuis, la jeune maman fait un sit-in à l’hôpital et veut voir clair dans cette affaire. En quittant le Cameroun le 31 janvier dernier, plus de cinq mois après la disparition du bébé, le chef de l’Etat, Paul Biya, a instruit une enquête.

Et les mêmes questions reviennent. Celles qu’on se pose depuis six mois : Comment le bébé a-t-il été volé de la couveuse, l’un des endroits les plus sécurisés de l’hôpital ? Qui est l’auteur du vol ? Comment s’est introduit le voleur dans la couveuse, un samedi après-midi ? Quel personnel impliqué dans la chaîne de sécurité des bébés admis à la couveuse était de service ce jour-là ? Qui tire les ficelles de cette affaire ? Y a-t-il des commanditaires ? Qui sont-ils ? Cette affaire cache-t-elle un réseau de trafic d’enfants ? Et la question la plus lancinante : Où est passée la fille de Vanessa ?

Le 24 août 2011, le directeur général de l’hôpital, le Pr Doh Anderson Sama, a donné sa version des faits. D’après le patron de l’hôpital, la suspecte est une jeune femme qui a dû profiter d’un moment d’inattention pour voler le bébé et s’enfuir. Celle-ci serait passée par un portail qui débouche sur l’entrée du camp des Chinois situé derrière l’établissement hospitalier. L’issue est toujours fermée par une chaîne et un cadenas. La suspecte serait donc passée par là, et, à l’entrée du camp des Chinois, aurait prétendu aller enterrer son bébé mort. Qui peut ainsi laisser sortir un cadavre de l’hôpital, sans vérifications, par un chemin strictement interdit aux usagers?


Gendarmerie de Nkolmesseng

Rompant un silence qui a duré cinq mois, en fait depuis le début des malheurs de Vanessa Tchatchou, le ministre de la Communication a rencontré la presse le 2 février dernier. Il a fait savoir que la direction de la police Judiciaire, sur instructions du procureur de la République près le tribunal de grande instance du Mfoundi à Yaoundé, a ouvert une enquête qui a donné lieu à quelques arrestations de suspects, dont la nommée Ngbwa Alabi. Celle-ci serait « passée aux aveux », reconnaissant avoir volé le bébé qu’elle aurait par la suite enterré dans la localité de Nkoteng, après que ce dernier soit décédé. Problème ? Cette suspecte avait déjà été interpellée une première fois par la gendarmerie, pour la même affaire, avant de s’évader mystérieusement de la brigade de gendarmerie de Nkolmesseng à Yaoundé dans des circonstances qui restent à élucider.

Le ministre de la Communication a en outre évoqué le cas de la magistrate, jusque-là indexée par certains comme gardant par devers elle le bébé volé. Issa Tchiroma a indiqué qu’elle « s’est spontanément présentée à la Direction de la police Judiciaire et a produit des documents attestant de ce qu’elle a adopté un bébé de sexe féminin abandonné, né à l’hôpital central de Yaoundé le 13 aout 2011 », soit une semaine après celui de Vanessa Tchatchou. Le ministre de la Communication a cependant ajouté que cette dame s’opposait au prélèvement, en vue de tests Adn, sur le corps du bébé qu’elle dit avoir adopté. Ces prélèvements ont finalement été faits sur ce bébé, sur le corps de celui exhumé à Nkoteng et sur Vanessa Tchatchou. Les résultats de ces tests Adn sont attendus par les Camerounais.

En attendant, la reconstitution des faits, cinq mois après le drame, s’est faite en présence du procureur de la République près le tribunal de Grande instance du Mfoundi, Jean Fils Ntamack, mercredi 8 février dernier. Trois suspects, le visage voilé, ont simulé la journée du 20 août 2011, de l’entrée de l’hôpital jusqu’à la maternité. A la fin de la reconstitution, le procureur de la République a fait cette déclaration : « Nous venons de procéder ici à l’hôpital à la reconstitution des faits relatifs à l’enlèvement du bébé de Vanessa Tchatchou. L’enquête que mon parquet a ordonnée se poursuivait depuis plusieurs semaines. Il m’a semblé utile de procéder à la reconstitution des faits, le but étant de croiser les informations, de vérifier sur le terrain leur véracité, de manière à les confronter au scénario possible tel qu’il a pu se développer sur le théâtre des opérations ». D’après le procureur, les personnes interpellées seront présentées au parquet.


Mobilisation

Réagissant dans les colonnes du Jour à cette reconstitution des faits à huis clos, Shanda Tonmé, qui suit cette affaire depuis le début, en a déjà tiré ses conclusions : « Aujourd'hui, lors de la reconstitution, à l'hôpital, la fille déclare connaitre Vanessa. Que s'est-il passé entre temps, sinon la manipulation pour forcer l'accréditation de la thèse officielle de Tchiroma à laquelle personne ne croit ? En fait, poursuit-il, ce montage a été imaginé par la vraie voleuse, la magistrate, dès le début pour couvrir le crime, avec l'aide bien payée de la brigade de gendarmerie de Nkolmesseng. Dans tous les cas, le bébé de Vanessa est bien celui que la magistrate s'est fait remettre par le personnel criminel de l'hôpital. Et personne ne fera démentir que cette fillette est bel et bien vivante et bien portante. Et même si on tente de la changer, plusieurs personnes qui l'ont vue chez la magistrate sont prêtes à témoigner ». Le refus de cette magistrate de laisser faire les prélèvements sur le bébé qu’elle a adopté n’a fait que renforcer les soupçons sur son rôle dans cette affaire.

Vanessa Tchatchou, elle, reste dans sa chambre à la maternité de l’hôpital gynéco-obstétrique et pédiatrique. Des policiers veillent sur sa sécurité. Comme beaucoup de Camerounais, elle attend les résultats des enquêtes. La mobilisation autour d’elle reste forte. Sa fille, si elle est vivante, a exactement six mois ce jour.

Claude Tadjon


Affaires Vanessa: Les enquêtes sont bouclées

Le procureur de la République près du Tgi du Mfoundi, la Dgre et la police judiciaire ont terminé leurs investigations.

Dans l’affaire du bébé volé à l’hôpital gynéco-obstétrique de Ngousso, « toutes les enquêtes sont aujourd’hui bouclées », souligne Vincent Sosthène Fouda, un homme politique qui s’est investi dans la mobilisation pour retrouver le bébé. La Direction générale de la recherche extérieure (Dgre) a transmis son rapport au secrétaire général de la présidence de la République, tandis que la police j udiciaire a transmis le sien au délégué général à la Sûreté nationale, Martin Mbarga Nguélé.

D’après Shanda Tonmé, « la Dgre a envoyé un rapport au président de la République qui contredit la thèse du bébé volé et enterré à Nkoteng. Quant à la police, on a pu convaincre Martin Mbarga Nguélé que le bébé de Vanessa n’est pas mort ». Vincent Sosthène Fouda affirme que les rapports transmis au Dgsn démontrent que le prétendu bébé adopté par la magistrate, Caroline Medjang Ateh, serait celui de Vanessa. « C’est pour protéger la fille qu’il a clairement affecté six policiers à la sécurité de Vanessa », déclare l’homme politique. A la question de savoir pourquoi le Dgsn ne demande pas au parquet d’engager des procédures judiciaires, Shanda Tomné répond : « Martin Mbarga Nguélé a les mains liées. Il a déjà transmis son rapport et les choses ne dépendent plus de lui».

Des rapports qui sont en contradiction avec celui de Jean Fils Ntamack, procureur de la République près de Tribunal de grande instance du Mfoundi. Le jour de la reconstitution des faits le 08 février, le procureur a indiqué que « les personnes interpellées seront présentées au parquet ».Une manière d’indiquer que Ngbwa Alabi, présentée comme celle ayant reconnu avoir perpétré le vol du bébé de Vanessa et enterré à Nkoteng, en complicité avec son conjoint, étaient coupables.

Pour Shanda Tonmé, « le procureur n’a pas rendu public son rapport parce qu’il sait ce qui va se passer ». Depuis le 14 février 2012, le président de l’Assemblée générale de l’ordre des avocats au barreau du Cameroun, Hippolyte Meli Tiakonany a reçu mandat pour assurer la défense de Sylvie Jueyep, agissant pour le compte de sa fille Vanessa Tchatchou. « Cette décision signée du bâtonnier de l’ordre, Junior Eta Besong, ouvre véritablement la porte à des poursuites contre la magistrate. Tout dépendra maintenant de Laurent Esso », précise Shanda Tonmé.

Boris Bertolt



Vanessa Tchatchou: “Je suis fatiguée”

La mère du bébé volé compte continuer son combat, après six mois passés dans son lit d’hôpital.


Cela fait exactement six mois que tu n’as pas quitté ton lit d’hôpital. Comment te sens-tu ?

Je suis fatiguée. Je ne sais même plus où j’en suis. J’ai l’impression que les choses n’avancent pas. J’ai été prélevée de force il y a deux semaines pour que des tests Adn soient effectués. Depuis, plus rien. J’ai l’impression que le gouvernement veut monter une histoire pour faire croire que mon bébé est mort, alors qu’il y a beaucoup de contradictions dans cette affaire. Malgré tout ça, je reste optimiste. Je sais que ma fille est en vie. J’ai espoir de la revoir un jour. Et je ne partirai pas de cet hôpital sans elle. A part ça, j’essaie de vivre chaque jour comme il vient. Si on m’avait dit que je mettrais autant de temps dans cet hôpital, je ne l’aurais pas cru. Mais, je me suis adaptée. C’est vrai que le fait de ne pas pouvoir aller à l’école ou voir mes amis me dérange. Le handball me manque aussi. L’autre jour, mon entraîneur m’a appelé pour que j’aille disputer la finale du tournoi de la jeunesse. Je lui ai répondu que je ne pouvais pas sortir (elle sourit).


Comment vis-tu avec le dispositif sécuritaire qui est déployé autour de toi ?

Au départ, j’étais réticente. Je pensais que ces policiers étaient là pour me faire du mal. Mais, ils m’ont fait comprendre qu’ils étaient là pour veiller sur moi. On n’a aucun problème. Avec les événements de ces quatre dernières semaines, je commençais vraiment à ne plus me sentir en sécurité dans cet hôpital. D’ailleurs, depuis ma rencontre avec le procureur du tribunal d’Ekounou, je dors sur une chaise de la salle d’attente.


Et comment le personnel de l’hôpital te traite-t-il ?

Le directeur général ne m’adresse plus la parole. Quand il passe, c’est à peine s’il me regarde. Les infirmières, quant à elles, continuent de me lancer des paroles choquantes. L’autre jour, après la reconstitution des faits, l’infirmière major de la maternité s’est mise à danser devant moi, parce que les personnes soupçonnées du vol de mon bébé ont dit qu’elles me connaissaient. Pourtant, lors de la première confrontation, elles ont affirmé ne pas me connaître.


Jeudi, le 23 février prochain, tu vas célébrer ton 18e anniversaire, comment vas-tu le passer ?

Je ne sais pas. Je n’ai rien prévu. Comment pourrais-je dans cette situation ? Je suis sûre qu’aucune fille ne rêve de fêter ses 18 ans dans ma situation. Mais, je ferai le vœu que ma fille me soit restituée. Ce serait mon plus beau cadeau.

Propos recueillis par Irène Fernande Ekouta



20/02/2012
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