Affaire du bébé volé: Vanessa Tchatchou expulsée

YAOUNDE - 25 JAN. 2012
© Le Jour

La mère a été interpellée, hier, par les gendarmes de la brigade de Ngousso, à la demande du procureur du Tribunal de première instance d’Ekounou.

12h. Vanessa Tchatchou sort en larmes du bureau du commandant de brigade de Ngousso. Pieds nus, elle est vêtue de sa robe de chambre rose floquée du logo de l’hôpital gynéco-obstétrique et pédiatrique de Yaoundé.

Elle vient de recevoir un appel. Son lit est sur le point d’être occupé par une autre patiente, lui a-t-on appris. La jeune maman semble déboussolée et ne sait pas quoi faire. « Depuis six mois ? J’ai fait quoi pour mériter ça ? Je ne vais pas à l’école à cause de cette histoire », se plaint-elle alors. Vanessa est accompagnée de sa mère et d’autres membres de sa famille qui expriment, eux aussi, leur ras-le-bol. Vanessa décide donc de rentrer à l’hôpital afin de récupérer son lit. Un gendarme l’en empêche. Dans l’altercation, sa robe se déchire au niveau de l’aisselle droite.

Tout commence aux environs de 10h, hier, mardi 24 janvier 2012. Deux gendarmes de la brigade de Ngousso demandent à Vanessa, assise sur son lit d’hôpital, de les suivre, sur ordre du procureur du Tribunal de première instance d’Ekounou. Celui-ci souhaite la rencontrer. Aucune convocation n’atteste leurs dires. Selon Me Olivier Pengue, avocat au barreau du Cameroun, il s’agit d’une interpellation. Cependant, au lieu de conduire directement la jeune maman auprès du procureur, les gendarmes se dirigent plutôt vers la brigade de Ngousso.

12h45mn. Trois gendarmes sont chargés de conduire la famille au bureau du procureur. D’emblée, Sylvie Jueyep refuse de s’y rendre. « Je ne vais nulle part ! Pourquoi vous voulez nous tuer dans l’obscurité. Tuez-nous sur la place publique, que tout le monde voie », hurle-t-elle. Après quelques minutes, elle change d’avis et grimpe à l’arrière du pick-up vert de la gendarmerie. Direction le palais de Justice d’Ekounou. Le procureur les y attend. Vanessa, sa mère et sa tante sont invitées à entrer dans le bureau du magistrat. L’entretien dure près de 45 minutes.


Coup de théâtre

D’après Sylvie Jueyep, il était initialement question d’expulser Vanessa de l’hôpital. « Il a commencé par dire qu’on n’a pas le droit de rester à l’hôpital et qu’il faut qu’on en sorte immédiatement. Quand je lui ai expliqué le problème en détail, il nous a écoutées et a demandé qu’on rédige une requête à travers laquelle on retrace tous les événements qui ont suivi le vol du bébé de Vanessa depuis le 20 août 2011 », explique Sylvie Jueyep. L’adolescente, quant à elle, doit rentrer à l’hôpital. Le procureur aurait demandé aux gendarmes de la reconduire dans l’enceinte de la formation hospitalière afin que le directeur lui signe un billet de sortie.

Seulement, les gendarmes n’ont pas l’intention d’obéir. Premier point de discorde : le procureur n’a pas signé une note les autorisant à raccompagner Vanessa jusqu’à son lit d’hôpital. « On a fini notre mission », répond l’un d’eux. Mais, la mère du bébé volé exige d’y être reconduite. Elle remonte donc dans le pick-up vert, qui prend la direction de la brigade de Ngousso. Lorsque nous mettions sous presse, Vanessa s’y trouvait encore. Jointe au téléphone, celle-ci nous fait comprendre que « j’ai l’impression que tout ça était un plan pour me faire sortir de l’hôpital. Les gendarmes disent ici qu’eux-mêmes vont aller prendre le billet de sortie. De plus, j’ai reçu un coup de fil qui m’annonce que la police nous attend là-bas et qu’elle a reçu l’ordre de m’empêcher d’entrer. On va seulement escalader pour accéder à l’hôpital. J’ai aussi appris que le directeur général a laissé à la guérite, une facture d’un montant de 500.000 FCfa à payer ».

Irène Fernande Ekouta


Intimidations: L’hôpital gynéco sous haute surveillance

La conférence de presse annoncée par Sosthène Fouda a été dispersée par les gendarmes et les policiers. L’homme politique de nouveau interpellé.

14h10. Esplanade de l’hôpital gynéco-obstétrique de Ngousso. Une dizaine de policiers sont en faction à l’entrée de l’hôpital. Armés de matraques, ils surveillent toutes les entrées et sorties des usagers. Ils sont aidés dans cette tâche par quatre gendarmes et les deux gardiens de service. La consigne est de ne pas laisser entrer les journalistes, ou toute personne qui cherche Vanessa Tchatchou, la mère du bébé volé. Des membres de la commission nationale des droits de l’homme et des libertés, qui se sont rendus hier à l’hôpital gynéco pour rencontrer Vanessa Tchatchou, ont été refoulés.

Quiconque se rapproche de la salle néo-natale, porte 2, est alors un suspect et refoulé. Ici, même les infirmiers sont en état d’alerte. « Monsieur, vous cherchez qui ici ? Il n’y a personne. Mettez-vous dehors ! ». Aussitôt, un des gardiens est prévenu. Celui-ci, à son tour, fait part de la « menace » qui se promène dans les couloirs de l’hôpital, au policier ou au gendarme. Les faits et gestes sont contrôlés. C’est l’ambiance qui régnait hier jusqu’en fin d’après-midi à l’hôpital gynéco, quelques heures après que Vanessa ait été expulsée par les gendarmes, de la chambre qu’elle occupait.


Vincent Sosthène Fouda

Le directeur général de l’hôpital, le Pr Doh Sama Anderson, n’était pas en reste du dispositif sécuritaire. Pendant de longues minutes, il s’est entretenu avec les forces de l’ordre à qui il faisait de grands gestes. Il semblait leur donner des instructions fermes. Du genre « Je ne veux plus voir cette fille ici ». Visiblement embêté par cette histoire de bébé volé, même à bord de sa Prado « CA 2430 C », il continuait à s’entretenir avec les gendarmes. « On ne veut plus le bien du père-ci », commente une infirmière de l’hôpital.

Trente minutes avant le déploiement du Dg, Vincent Sosthène Fouda avait déjà fait les frais des policiers. Ces derniers l’ont à nouveau interpellé, après avoir interdit qu’il tienne une conférence de presse au sujet du bébé volé de Vanessa, dans la cour de l’hôpital. « Vous allez perturber les autres malades. Vous-mêmes, si votre femme vient ici et elle voit cet attroupement, elle sera déstabilisée », lui lance le commissaire, brandissant l’interdiction de tenir la conférence de presse. Et Vincent Sosthène Fouda de lui rétorquer : « Ma femme ne viendra jamais dans un hôpital où on vole les enfants ». L’homme politique est embarqué et conduit au commissariat central n°1 où il se trouvait toujours au moment où nous mettions sous presse hier soir.

Eitel Elessa Mbassi et Younoussa Ben Moussa (Stagiaire)


25/01/2012
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