Affaire du bébé volé: Concussion, compromission et corruption en milieu judiciaire

YAOUNDE - 05 MARS 2012
© Pie Bruno OMGBA | L'Anecdote

"...L'affaire serait passée inaperçue si elle n'avait impliqué des personnes au dessus de tout soupçon. L'enlèvement d'un bébé à l'hôpital gynéco-obstétrique de Yaoundé nous plonge en effet dans les profondeurs de la hideur et de la pourriture de l'âme humaine..."


Affaire du bébé volé: Concussion, compromission et corruption en milieu judiciaire

Quoi de plus banal qu'un bébé subtilisé dans un hôpital. L'affaire serait passée inaperçue si elle n'avait impliqué des personnes au dessus de tout soupçon. L'enlèvement d'un bébé à l'hôpital gynéco-obstétrique de Yaoundé nous plonge en effet dans les profondeurs de la hideur et de la pourriture de l'âme humaine.


Historique.

L'histoire commence en 2011 quand dame Atangana née Ndikum Medjang Caroline ex épouse et ci-devant 1er substitut du procureur de la république à Mfou annonce triomphalement la venue prochaine d'un nouveau né dans son foyer. La nouvelle ne peut que réjouir son entourage. L'attente durera jusqu'au 24 aout 2011 avec la naissance d'une fille à la polyclinique Tsinga. La famille entière nage dans le bonheur jusqu'au jour où les journaux annoncèrent la disparition d'un nouveau né prématuré à l'hôpital gynéco obstétrique de Yaoundé, une fillette née prématurément. La similitude et la coïncidence n'échappent pas à l'entourage de notre magistrate de mère. L'affaire fait grand bruit et toute la république s'en émeut. Pris de panique, le médecin accoucheur Dr Temkou Serge stagiaire à l'hôpital gynéco et vacataire à la polyclinique de Tsinga saisit dame Jabia Sidonie, professeur de sciences au lycée de Mimboman pour l'aider à récupérer le certificat d'accouchement et le billet de sortie qu'il avait signés au profit de dame Atangana. Dame Jabia va conduire le médecin auprès du 2ème substitut de Mfou.

La suite se déroule comme dans un film policier à l'envers car le 2ème substitut, au lieu de protéger sa collègue, choisit plutôt d'informer le procureur. Ce qui est aussitôt fait. Quelques jours plus tard, la rencontre entre le Dr et le procureur va permettre au premier de récupérer les documents inquiétants et au second d'empocher la rondelette somme de 300.000 FCFA. Le danger est momentanément écarté jusqu'au moment où le 2ème substitut est accusé d'avoir empoché 700.000 CFA pour dit-on mettre un terme au scandale. Une calomnie dont dame Jabia serait à l'origine.


La justice éclaboussée.

Nous précisons que toutes les personnes impliquées et citées dans cet article bénéficient de la présomption d'innocence. Seulement, si les faits s'avèrent il y aura plusieurs implications. On devra s'interroger sur les mobiles de dame Ndikum épouse Atangana et ex Bikoue. Comment lui est-il échappé la procédure légale d'adoption d'enfant? Comment a-t-elle pu oublier les peines encourues en cas d'enlèvement de mineur? Comment a-t-elle pu hypothéquer une carrière si enviable? Quelque soient les réponses à ces questions, il ne fait pas de doute que face au scandale, le chef de l'Etat qui préside le conseil supérieur de la magistrature devra destituer le procureur et ses deux substituts pour que le procès puisse s'ouvrir et que soient établies les responsabilités des acteurs.

Quelque soit l'issue de cette affaire, il serait difficile à la justice camerounaise de se relever de ce scandale qui la met en première ligne de la criminalité et de la corruption contre lesquelles elle est supposée protéger… les populations. Il serait difficile aux magistrats de dire le droit sans instinctivement se référer à leurs collègues dont le comportement restera dans les annales tout comme celui du docteur Essougou, du nom de ce médecin dont la réputation bâtie pendant près d'un demi siècle a été ternie a la suite d'une interruption volontaire de grossesse qui a mal tourné.

L'affaire du bébé volé ramène donc le débat sur la moralité du corps médical à différents échelons. Elle a permis aux langues de se délier pour fustiger l'hôpital gynéco. Il est en effet dit que dans cet établissement hospitalier, tous les moyens sont mis en branle pour se faire de l'argent. Certains témoins affirment en effet que l'HGOPY s'est spécialisé dans les accouchements par césarienne que les médecins et sages femmes provoquent en injectant aux ?? des produits chimiques qui retardent l’accouchement. Une imagination féconde qui témoigne de la cupidité et du cynisme du corps médical et qui transforme un corps raffiné et civilisé en un rassemblement de brutes, de croquignols et de filochards.

De plus, l'affaire qui a mis le feu aux poudres n'est pas la première dans cet hôpital de luxe dont la construction avait provoqué tellement d'espoir pour la lutte contre la mortalité infantile et maternelle. L'HGOPY a en effet la réputation de battre tous les records dans la disparition d'enfants à la naissance. Une situation d'autant plus inquiétante que la justice supposée mener une enquête pour sanctionner les coupables et ramener la sérénité chez les usagers, est elle-même déjà actrice du jeu de la mort. Une association criminelle entre magistrats et médecins est la pire crainte pour une société réputée corrompue et qui essaye de sauver son honneur en rétablissant l'éthique et la gouvernance. Visiblement c'est en pure perte.



Affaire du bébé volé: L’interminable labyrinthe

Rien de nouveau sous le soleil ne peut-on être tenté de dire au sujet du vol du bébé de Melle Tchatchou. Seulement, les dernières actualités font état d'une plainte, une énième contre toutes les personnes impliquées dans la disparition d'un nourrisson à l'hôpital gynéco obstétrique et pédiatrique de Yaoundé à Ngousso. Au delà des faits, c'est une affaire qui montre toute la hideur de la nature humaine, avec aux premières loges l'entêtement, l'impunité et le trafic d'influence.

Qui croit-on tromper? C'est la première question gui vient à l'esprit quand on évoque le rapt car c'en est un du bébé d'une adolescente. A-t-on besoin de se référer à des institutions extérieures pour trouver une solution à un problème non seulement interne mais aussi très simple. Il suffit de partir d'une évidence : la vérité est du coté de Vanessa Tchatchou. Dès lors, les pouvoirs publics devraient aider cette personne fragile à rentrer dans ses droits. Mais le comble c'est lorsque le ministre en charge des affaires sociales se retrouve impliqué. Sans être un exégète, le décret du 09 décembre 2011 portant organisation stipule que le ministre des affaires sociales est responsable de l'élaboration et de la mise en œuvre de la politique du Gouvernement en matière de prévention, d'assistance et de protection des personnes socialement vulnérables. C'est sa principale mission. Mais le texte est plus explicite dans son troisième tiret qui charge le ministre des affaires sociales de la lutte contre le trafic des personnes notamment des enfants mineurs en liaison avec les administrations concernées et du suivi des procédures de protection de l’enfance en difficulté en liaison avec les départements ministériels concernés. Sauf à croire que la jeune Vanessa ne rentre pas dans ces catégories de personnes, une telle méprise met en lumière toute la futilité du discours social au Cameroun et partant du respect même des droits des personnes et de la famille. Bakang Mbock avait-elle réellement besoin de se compromettre dans une affaire aussi complexe?

D'un second point de vue, on est en droit de se demander que cache l'agitation des personnes impliquées à l'instar du docteur Temkou Serge qui, faussaire devant Dieu et devant les hommes, plutôt que de se poser des questions de conscience, pousse l'outrecuidance jusqu'à ?? en justice des journalistes sûrs de leurs faits? A partir des individus aussi véreux le Cameroun peut-il se croire un Etat de droit? Si oui, cela suppose qu'aucune personne aussi modestes soient ses conditions ne peut être spoliée de ses droits. Le gang qui a donc privé Vanessa Tchatchou de son bonheur d'être mère devrait répondre de son forfait indépendamment du statut social de ceux qui le composent.

Plutôt que de laisser s'inscrire cette histoire dans le temps, on aurait mieux fait d'étouffer le scandale en restituant à l'ayant droit son bien. Mais que non, puisque nous sommes au Cameroun pays où on fait des hommes des chiens, et des chiens des hommes, une bande de freluquets s'est imaginé pouvoir tromper la vigilance de la nation. Cela fait preuve d'un certain obscurantisme notamment dans la lecture des événements contemporains. Car le «printemps arabe» est parti du sacrifice d'un anonyme, un geste instrumentalisé par les chancelleries occidentales pour aboutir à toutes sortes d'abus. Qui peut nous faire croire que la détermination et la bravoure de Vanessa ne peuvent pas ouvrir la boite à pandores pour laisser échapper le démon qui sommeille dans la société camerounaise en proie à des difficultés existentielles.

Le cas de Vanessa est révoltant dans la mesure où tous les laisser pour compte s'identifient à cette autre victime de l'injustice et de la machine de répression qui sanctionne toute action de revendication légitime des droits élémentaires de l'individu. Comment l'Etat du Cameroun pourra-t-il ramener la confiance et la sérénité auprès des citoyens de «seconde zone»? C'est à cette question qu'il faut apporter une réponse. Une réponse exigeante tant le temps nous tient à la gorge. Une réponse qui vient comme en supplément à une interpellation du président de la république quand il pose la question de savoir quel Cameroun voulons-nous pour nos enfants? Certainement pas un Cameroun où une dame forte de sa position de magistrate, peut subtiliser impunément le bébé d'une camerounaise et bénéficier de tout le soutien que lui confère le privilège du rang.

Mais s'il est facile à la limite de comprendre le drame que traverse Caroline Mejang Ndikum la magistrate voleuse de bébé, ses complices ne sauraient bénéficier d'aucune circonstance atténuante. Car il est clair que leur comportement a été régi par la cupidité au détriment de l'éthique en violation du serment d'Hippocrate qui fait d'eux des médecins et auxiliaires du corps médical, supposés sauver des vies plutôt que de l'hypothéquer comme c'est le cas. Dooh Anderson Sama, Serge Temkou, Beatrice Ndemba et tous les autres devraient avoir honte et se dire plus jamais ça pour l'émergence d'un Cameroun qui s'arrime à la modernité et partant au respect des droits des individus et de la famille.



11/03/2012
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