Affaire de l'avion présidentiel: Les confidences d'Amadou Ali à Laurent Esso

Yaoundé, 10 septembre 2013
© BORIS BERTOLT | Mutations

Alors que des arrestations étaient en cours, au mois de mai 2009, l'ancien ministre de la Justice affirmait qu’il ne savait pas où étaient partis les 31 millions de dollars.

Le gouvernement de la République du Cameroun a effectivement cherché à savoir la destination des 31 millions de dollars (24 milliards FCFA) destinés à l'acquisition de l'avion présidentiel. Mais jusqu'en 2009, le ministère de la Justice n'était pas en même de dire ou étaient passées les sommes d'argent versées à Gia International, l'entreprise qui était chargée d'acheter l'avion présidentiel. Un courrier confidentiel daté du 15 mai 2009, rédigé par le vice-premier ministre, ministre de la Justice, garde des sceaux, Amadou Ali et adressé à Laurent Esso, secrétaire général à la présidence de la République, avec pour objet : «commissions rogatoires internationales suisses» dresse le bilan de l'état des investigations conduites sur la location des avions Camair par Yves Michel Fotso et l'acquisition du Bbj-II.

S'agissant de ce dernier élément, il est écrit : «Quant aux 31 mil¬lions de dollars versés à Gia International Sa, leur utilisation reste inconnue, l'avion Bbj présidentiel n'ayant jamais été livré. Or, C'est Gia International Ltd qui a consenti à domicilier les loyers des deux avions auprès d'Avipro Finance Sa». Ainsi, l'ancien directeur général de la Camair, Yves Michel Fotso, Jean-Marie Atangana Mebara et Marafa Hamidou Yaya, secrétaires généraux à la présidence de la République, ne sont mis en cause dans le document. Plus grave, Jean-Marie Atangana Mebara avait déjà été arrêté. Les propos de l'actuel ministre chargé des relations avec les assemblées découlant des résultats d'une commission rogatoi¬re à l'étranger du 23 septembre 2008.
Dooh Collins

N'ayant aucune certitude, Amadou Ali écrit : «Pour le juge - d'instruction suisse, les 31 millions de dollars américains auraient servi à l'acquisition de l'un des appareils loués à la Camair, d'où l'existence d'un préjudice subi par cette société. Il est à noter que l'Etat camerounais a remboursé cet argent (31 millions de dollars américains) à la Snh par le mécanisme des déductions des contributions au budget de l'Etat. Il se dégage un manque à gagner à concurrence de 31 millions des dollars américains dans les caisses de l'Etat».
Ce rapport d'Amadou Ali visait à inciter les autorités camerounaises à se porter partie civile dans une procédure initiée par les autorités suisses contre Yves Michel Fotso. «Au regard des deux commissions rogatoires internationales déjà exécutées (23 septembre 2007 et 28 mai 2008), l'Etat du Cameroun a subi un préjudice dans cette affaire tel que relevé plus haut et devrait demander aux autorités judiciaires suisses à quel moment de la procédure la constitution de la partie civile se fait selon leur législation», peut-on lire. Au sens d'Amadou Ali, l'Etat avait subi un préjudice évalué à 48 657 828 dollars américains soit 26 761 805 400 FCFA pour ce qui concerne la Camair et le Bbj.

Mais les rapports d'Amadou Ali ne rassurent pas la présidence de la République qui ne voulait pas entendre parler d'une procédure à l'étranger contre un camerounais. Laurent Esso émet de nombreuses réserves, sur les enquêtes conduites par la chancellerie. Ce d'autant plus qu'il connait le dossier. Sur instruction de Paul Biya, il a reçu Yves Michel Fotso le 10 novembre 2006 à la présidence de la République afin d'avoir plus amples informations sur «le dossier d'acquisition du BBJ (déposit 31 millions Usd)».

Ce document du vice-Premier ministre, adressée à Laurent Esso vient relancer le débat sur le rôle de l'expert financier François Dooh Collins mandaté pour traquer les comptes des gestionnaires indélicats de la fortune publique. Car en mai 2009 il a déjà rendu sa liste au président de la République. Une liste, dont les comptes mentionnés sont aujourd'hui contestés par les concernés. Une question s'impose : Sur quelle base l'expert financier a confectionné les listes transmises au chef de l'Etat, alors que les commissions rogatoires pour lesquelles 880 millions de FCFA avaient été déboursés étaient encore en cours ? Auditionné à la police judiciaire au mois de mai dernier sur sa méthodologie, Dooh Collins a indiqué qu'il n'a donné aucun nom. Précisant que c'est le ministère des Relations extérieures qui envoyait les commissions rogatoires. Mais n'a pas manqué de s'interroger : «Le vice-Premier ministre avait-il d'autres sources de renseignement. Je ne sais pas. Je pense qu'il peut mieux édifier l'enquête sur la question».


10/09/2013
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