Affaire Bibi Ngota: Laurent Esso a-t-il commandité la mort du journaliste?

YAOUNDE - 13 Juillet 2012
© Jean-Jacques ONANA | Correspondance

Plus d'un an après, le drame du journaliste-Bibi Ngota reste au menu des dîners des affaires non classées.

La confrérie en panne de gros scoops s'en délecte, et les honorables à l'Assemblée nationale, majoritairement acquis au Rdpc, s'invitent à la danse du scalp. On interroge Laurent Esso, accusé à mots à peine couverts, d'avoir commandité la mort du journaliste malheureux. La même Assemblée nationale a refusé de se saisir du dossier du scandale des milliards détournés des indemnisations du crash d'un Boeing de la Cameroon Airlines, lors de la même session de juin. A l'Assemblée nationale, on aime mieux interroger Laurent Esso, mais on évitera soigneusement de poser la plus petite question à Foumane Akame, l'éternel conseillé très spécial de Paul Biya. A en croire tous les rapports confidentiels ou non qui ont fuité, depuis Chief Mila Assouté, confirmés par les écrits plus récents de Marafa Hamidou Yaya, Foumane Akame est à l'article de la présomption de culpabilité. Le Cameroun a eu la douleur et la violence d'un paquet de 70 ou 75 cadavres en 1995. Les assureurs ont payé. Des milliards, pour les dommages à verser aux morts ou aux ayants droit et à la compagnie. On n'en parlera pas. Il est interdit d'en parler. Les milliards payés par les compagnies d'assurance ont échoué dans les poches arrières du pantalon d'un haut fonctionnaire de la Présidence de la République. La même Assemblée nationale fait l'impasse sur un drame qui concerne une centaine de familles au Cameroun, alors qu'elle s'active à trouver le coupable d'un mort isolé au quartier. Tout devient suspect.


Suspicions

Etait-il plus important ou utile de poser le problème Bibi Ngota, un seul mort sur le carreau des bavures policières de la République, au lieu de se pencher plus sérieusement sur le cas de ces centaines de morts, viandés à Youpwè, sur le crash d'un Boeing de la Camair?

La République au Cameroun étale définitivement ses déchirements. Lorsqu'on aligne dans un même gouvernement des hommes et des femmes qui n'ont rien de commun. Entre les musulmans et les chrétiens, l'entente est improbable. En matière de religion, Laurent Esso a ses convictions catholiques, il respecte le décalogue: «Tu ne tueras point».

Logiquement, Laurent Esso n’a jamais voulu tuer personne. Bibi Ngota n'est pas mort de la main de Laurent Esso. Le journaliste est mort d'avoir trempé dans un modèle exécrable du journalisme des poubelles, celui du chantage et du braquage organisé et déclaré.

Il arrive que, après l'achat du Rio Del Rey, un paquebot réfrigéré qu'on réaménage en un hôtel navigant pour assurer un confort minimal aux pétroliers qui travaillent sur les plateformes en haute mer, de mauvaises langues s'en mêlent. On a commis des experts en intelligence économique qui vont se charger d'aller chercher un paquebot qui fasse l'affaire. Le scandale commence lorsqu'on apprend que les experts en question ont empoché des commissions de 1,3 milliard.

Y a-t-il exactement scandale? Pour acheter le plus petit lopin de terre à Yaoundé ou à Douala, on commet des intermédiaires qui sont grassement payés au passage. C'est la règle du jeu. Nous l'avons appris avec le scandale Elf Aquitaine, sur le coup des frégates de Taiwan, Christine Deviers Joncourt et Roland Dumas.

La faute de Bibi Ngota aura été de s'être fabriqué un faux document authentique sur le dossier. Exaspéré, Laurent Esso en a touché un mot à Emmanuel Edou, le délégué général à la Sûreté nationale. Sur un excès de zèle, parce que le SGPR est de fait le vrai patron de la police au Cameroun, Emmanuel Edou fait arrêter Bibi Ngota, avec l'aide de l'artisan du vrai-faux document, Harrys Robert Mintya Meka. La petite information dit que Bibi aurait été passé à la balançoire, alors qu'il était malade. Lorsque Mintya Meka est cuisiné dans les laboratoires de la Dgre, il se croit obligé de livrer tous ses complices. C'est lui qui accompagnera les sbires chez Bibi.


Un cadavre pour rien

Aucun homme sur terre ne saurait se réjouir de la mort d'un prochain. Bibi Ngota, à ce que nous disent les rapports de police, était un homme malade. Il développait la pathologie du siècle, et il en était à un stade plutôt avancé. Il choquait de temps en temps, trois fois nous dit-on, il était pratiquement à l'article de la mort. Pour lui arracher les dernières confessions, il est un peu torturé. Il va y passer. Et tout va se compliquer. Son bulletin médical est publié, tout le monde en est indigné. Au nom du secret médical. Or, le secret médical, bien que sacré, ne tient plus lorsqu'il faut travailler à la matérialisation de la vérité lors d'un procès.

Bibi Ngota est mort, ce ne sera qu'un cadavre pour rien. Et le journaliste n'est pas mort sur ordre de Laurent Esso. A tout bien évalué, le journaliste est mort des excès de zèle de ses propres frères du village, à la Dgsn, à la Dgre et à Kondengui. Laurent Esso n'a jamais été à l'un ou l'autre endroit.


Source: Les Nouvelles du Pays n°179


15/07/2012
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