Affaire Bibi Ngota: Au commencement était l’acquisition du "Rio Del Rey"

YAOUNDE - 05 MAI 2010
© Henri Bandolo | La Nouvelle
 
Le faux document «confidentiel» de référencié N/Réf: 007/Prc/Sg/D-06, aura plutôt permis d’ouvrir enfin l’épineux dossier qui entoure l’acquisition du "Rio Del Rey", un fleuron de l’industrie maritime turque...

"Faisant suite à notre entretien téléphonique, j'ai l'honneur de vous informer de bien vouloir procéder dans les meilleurs délais et en toute confidentialité au paiement en avance la somme de 1 342 000 000 (un milliard trois cents quarante deux millions de francs Cfa) représentant les frais de commission des sieurs Dooh Collins, Antoine Bikoro Alo'o et Dayas Mounoume dont l'objet est repris en marge de la présente correspondance. A titre d'information, copie de toute correspondance éventuelle entre les parties contractantes de ladite prestation sera classée secret confidentiel". Tels sont les termes contenus dans la fausse correspondance que le ministre d'Etat Sg/Pr adresse à l'administrateur directeur général de la SNH, le 20 juin 2008 et qu'on a attribué à Laurent Esso. C'est en réalité sur la base de ce faux document que les 4 journalistes, Hervé Nko'o aujourd'hui en fuite, Harrys Robert Mintya Meka, Serge Sabouang et le regretté Germain Cyrille Ngota Ngota ont été entendus, cuisinés et sans aucune autre forme, mis aux arrêts.

Si la plainte visait Harrys Mintya Meka, il est par contre reproché à Serge Sabouang et à Bibi Ngota, dans un micmac juridique, de "coaction de contrefaçon de signatures, de marques et imprimés". Pendant que l'opinion nationale et internationale est à supputer sur les causes profondes du décès de Germain Cyrille Ngota, d'autres observateurs qui suivent particulièrement le dossier se souviennent dans la foulée que, sur invitation du chef de l'Etat camerounais, le président turc, Abdullah Gül avait eu à séjourner au Cameroun, du mardi 16 au mercredi 17 mars 2010. Même si cette visite n'avait pas officiellement trait à l'affaire du "Rio Del Rey", rien n'exclut que ce dossier brulant avait été évoqué dans les coulisses du tête-à-tête entre les 2 présidents. Vrai ou faux ? Toujours est-il qu'aujourd'hui l'on pense qu'une enquête parallèle aurait été secrètement initiée pour faire la lumière sur les conditions d'acquisition de ce bateau long de 70 mètres, 20 mètres de large avec un tirant d'eau de 2,30m et réceptionné aux larges des eaux turques en 2008, avec comme capacité oscillant entre 132 à 150 lits. Il compte en plus 4 niveaux avec une aire d'atterrissage pour hélicoptère qui surplombe le pont supérieur.


Discorde

D'après nos sources, la livraison officielle de ce fleuron a eu lieu le 26 novembre 2008 à Gelibou, petite localité située à 260 km d'Istanbul, ville tampon entre l'Europe et l'Asie. Comme acteurs principaux de cette affaire, côté camerounais, l'on cite en bonne place, les noms de Dooh Collins, Laurent Esso, Adolphe Moudiki, Antoine Bikoro Alo'o et Jean Marcel Dayas Mounoume. Lors de la cérémonie de livraison officielle par exemple, Adolphe Moudiki, l'administrateur directeur général de la Snh et acquéreur du navire se bardera d'ailleurs d'une forte délégation de proches collaborateurs parmi lesquels, Bernard Bahiya, le directeur de la production; Mendim Me Nko'o, directeur financier; Simon Paley, le directeur commercial; Marie Chantal Songue, le chef de division juridique; Cécile Epondo Fouda, le chef de la division de la communication; Peter Eya, le chef de la représentation Snh Douala; Adèle Nlem, la chargée de mission N°2; Laurent Nzali Feute, le directeur adjoint du budget et du contrôle, et Mme Nathalie Moudiki, l'épouse de l'Adg. Côté turc, l'on cite Mehmet Aksoy, président du Chantier naval de Gelibou et Hans Tanner, président du groupe Suisse Abc maritime, partenaire technique de Dooh Collins.

Au bout de la transaction, a-t-on indiqué, près de 480 millions de FCFA auraient été perçus par Dooh Collins, le directeur général de la Petroleum Advising Services (Pas), soit 3% des 16 milliards de FCFA que la Snh aurait débloqués à une vitesse supersonique pour l'achat de cette barge hôtel destinée à l'hébergement du personnel des compagnies pétrolières exploitant le pétrole en territoire camerounais. La pomme de discorde, a-ton soutenu à l'époque, serait que la division juridique de la Snh se serait pratiquement opposée au paiement de ces 3%. N'empêche, Adolphe Moudiki se serait empressé de faire "virer" le magot à son frère Dooh Collins. Vrai ou faux également ? Difficile à dire. Autre question: en quittant le sol camerounais, le 17 mars 2010, la suite du président turc était déjà au parfum du dossier "Rio Del Rey", avait-elle donné l'avis du Chantier naval de Gelibou en Turquie au sujet de la réfection de la barge ? Là encore, l'on reste muet. Toutefois, la version qui aura parcouru quelques salles de rédaction depuis le déclenchement de l'affaire laisse entendre que c'est bien à Dooh Collins qu'a été confié, on ne sait dans quelles conditions, l'achat de la barge. Ce dernier a pris attache avec le groupe suisse Abc Maritime comme partenaire technique. Quant à Jean Marcel Dayas Mounoume, c'est lui qui a convaincu les dirigeants du Chantier naval de Gelibou, ville turque située dans le détroit de Dardanelles, qui sépare l'Europe et l'Asie, d'accepter de construire ce bateau. Laurent Esso, en sa qualité de Pca de la Snh aurait donné son aval. Et au final, tout sera conclu et l'argent versé en 2 tranches, dit-on, pour le début des travaux de réfection. Mais contre toute attente, le "Rio Del Rey" ne sera pas réceptionné comme prévu au Port autonome de Douala en février 2009. Depuis lors, un secret entoure le bateau-hôtel. Nul ne veut éclairer les lanternes sur le coût total de sa réfection, encore moins son état actuel. Plutôt, c'est le faux document ayant permis de mettre les 3 journalistes au gnouf qui permet aujourd'hui de reparler de cette affaire qui a tous les contours d'une affaire Albatros bis. La mort de Bibi Ngota va-t-elle donc ressusciter ce scandale financier de trop qui risque, et c'est peut-être cela qui pourrait expliquer que Laurent Esso soit sorti de sa réserve habituelle, d'éclabousser plus d'un ponte du régime de Paul Biya ? L'on ne perd rien à attendre.



12/05/2010
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