Administration pénitentiaire: Sept nouvelles prisons créées au Cameroun

DOUALA - 17 OCT. 2012
© Le Messager

Sur décision du ministre de la Justice, garde des sceaux. Sentiments mitigés de responsables d’Ong qui proposent au-delà, une réflexion globale pour amener la société camerounaise à être respectueuse des droits et de la loi.

A en croire le communiqué paru dans les colonnes du quotidien à capitaux publics -en attendant son insertion au journal officiel en français et en anglais- dans son édition du lundi 15 octobre 2012, l’arrêté du ministre d’Etat, ministre de la Justice, Garde des sceaux date du 10 octobre 2012. Selon ledit arrêté, sont créés à compter de la date de signature suscitée, les établissements pénitentiaires dans les régions du Centre, Nord, Nord-Ouest, Ouest, Sud-ouest. Sont concernés dans ces régions, les départements de la Mefou et Akono qui se voit doté d’une prison centrale à Mbankomo ; le Mayo-Rey avec une prison secondaire précisément à Toubouro ; la Mezam où la localité de Bali hérite d’une prison secondaire. Il en est de même de Batibo. Dans son arrêté, Laurent Esso dote également la ville de Bandjoun dans le département du Koung-Khi, d’une prison principale. Tandis qu’au Sud-Ouest, les départements du Lebialem et Kupe-Manenguba se voient dotés respectivement d’une prison principale dans la localité de Meni et d’une prison secondaire à Tombel.

Dans les rangs des organismes ayant à cœur le problème de la surpopulation carcérale au Cameroun, un sentiment mitigé se dégage. C’est le cas par exemple de Dupleix Kuenzob du Catholic relief services (Crs) pour qui, l’arrêté numéro 288/A/Minjustice du 10 octobre 2012 portant création de nouveaux établissements pénitentiaires sonne comme une amorce de résolution du problème de la surpopulation carcérale au Cameroun si l’on se situe dans une perspective qui envisage le transfèrement des détenus des prisons actuelles vers celles à construire. D’après le coordonateur Projets Droit de l’Homme, protecting the rights of inmates and detainees (Pride), « cet arrêté qui participe des processus et efforts du gouvernement à humaniser les prisons nous enchantera davantage si les nouvelles prisons entrent en effectivité à court et moyen terme ». Peut-on dès lors se réjouir de savoir qu’il y a beaucoup plus de prisons aujourd’hui qu’hier ? Il répond par la négative : « Que non ; car- explique-t-il- ceci peut être aussi une situation révélatrice de l’augmentation du taux de délinquance et de criminalité dans le pays, ce qui ne donne pas au Cameroun une image peu reluisante ».

Aussi pense-t-il qu’en plus de la construction de nouvelles prisons, il faille mettre en place des programmes appropriés pour limiter la criminalité. « Je pense notamment à des programmes qui couronneront une implication plus active des municipalités dans l’éducation aux droits de l’homme. Je pense aussi à la sensibilisation des magistrats pour l’application des peines alternatives à l’emprisonnement surtout pour des délits et crimes négligeables pour lesquels des auteurs de larcins sont privés de liberté et d’où ils en sortent plus aguerris aux crimes ». Il pense aussi qu’« au recours à la justice restauratrice. Au-delà donc de la construction de nouvelles prisons qui est déjà une bonne mesure pour améliorer les conditions de détention, il faut une réflexion globale pour amener la société camerounaise à être respectueuse des droits et de la loi ».

Nadège Christelle BOWA


Surpopulation, enchaînement et torture: Les tares des prisons du Cameroun dénoncées

Les descentes dans les prisons de Douala, Ngaoundéré et Bamenda, sous l’égide du projet « Dignité en détention », ont mis en lumière les tares du système carcéral camerounais : surpopulation, recours à l’enchaînement, pratique de la torture… Plus de 1 200 détenus « vulnérables » ont été recensés par Avocats sans frontières (Asf) France au Cameroun.

Faute d’avoir pu s’acquitter d’une amende de 33700 Fcfa fixée par le juge du tribunal de grande instance du Wouri, Valentin Bilaï, un détenu de 27 ans, a écopé d’une contrainte par corps. Autrement dit, condamné à 24 mois d’emprisonnement en juin 2011 pour viol, il a finalement purgé 6 mois de détention en plus. « Mon père n’est plus venu me rendre visite depuis mars 2011. Où aurais-je pu trouver cet argent ? », s’interroge-t-il. Vêtu d’une chemise qui laisse entrevoir une peau couverte de gale, le jeune homme n’a même pas de quoi acheter une pommade pour se soigner.

Comme Valentin, plus de 1 200 détenus dits « vulnérables », ont été identifiés par Avocats sans frontières (Asf) France au Cameroun, au cours de visites effectuées dans des prisons camerounaises. Ce sont des femmes, des enfants, des indigents, des personnes du troisième âge ou des malades. Ces descentes en milieu carcéral s’inscrivent dans le cadre du projet “Dignité en détention”, mis en œuvre en collaboration avec Asf France et le barreau du Cameroun, grâce à l’appui financier de l’Union européenne. Il a été lancé en novembre 2011 lors d’une visite à la prison centrale de Douala. Les prisons de Ngaoundéré et Bamenda ont également été visitées. « Dignité en détention », qui met l’accent sur la formation des acteurs du système judiciaire et l’assistance judiciaire, a pour objectif principal de faire respecter les droits fondamentaux des personnes privées de liberté.


Trop de prévenus en prison

Le but de ces visites est de toucher du doigt les conditions de détention pour ensuite faire des recommandations au gouvernement. Cela a permis de relever les abus de la contrainte par corps : plus de 450 détenus restent en prison à Douala, Ngaoundéré et Bamenda. « C’est inadmissible qu’on demande aux gens qui purgent leur peine en détention de payer 20.000 à 30.000 Fcfa d’amende alors qu’ils n’ont pas d’argent, faute de pratiquer une activité génératrice de revenus », dénonce Prosper Olomo, coordonnateur du projet au Cameroun. « C’est l’Etat qui est perdant parce qu’il doit continuer à loger, nourrir et soigner des personnes qui auraient dû être libérées », poursuit-il, recommandant au gouvernement camerounais d’instituer les travaux d’intérêt général pour permettre aux détenus de travailler hors de la prison afin de régler leurs amendes.

Autres problèmes mis en avant par Asf France : le nombre très élevé des prévenus en prison. Ils sont deux à trois fois plus nombreux que les condamnés dans les prisons camerounaises. A Douala, 2 200 des 3.000 détenus sont en détention préventive. Ils sont 300 sur 450 à Bamenda et 500 sur 800 à Ngaoundéré. Asf met en cause le recours systématique à l’emprisonnement. « Les gens sont envoyés en prison quand bien même ils présentent des garanties comme par exemple, un emploi ou un domicile », dénonce Prosper Olomo.

Le droit minimum au logement n’est pas respecté. A Douala, près de 500 détenus dorment dans la cour. Ceux qui sont dans les cellules ne sont pas mieux lotis, le taux de surpeuplement dans certains dortoirs étant de 300 %. Conséquence, « des gens dorment entassés comme des moutons, parce qu’une cellule, prévue pour 50 personnes, en abrite 150 », affirme le coordonnateur du projet.


Des prisonniers enchaînés

La situation est bien plus grave à la prison centrale de Bamenda où un détenu sur neuf est enchaîné pour cause d’indiscipline supposée. Certains prisonniers doivent mettre des chaussettes et des chiffons pour atténuer la douleur provoquée par les menottes et les fers. Une violation au droit des prisonniers que dénonce Prosper Olomo. « L’enchaînement est proscrit », rappelle-t-il, suggérant d’utiliser, en guise de punition, l’enfermement dans les cellules d’isolement ou la suspension des visites pendant un temps déterminé. Une démente, qui cohabite avec les détenus, subit le même sort, alors qu’elle aurait dû être internée dans un centre hospitalier approprié.

Autre anomalie grave : des centaines de détenus restent enfermés plusieurs mois après leur libération parce que la décision de justice ne leur est pas parvenue. « Nous avons transmis les listes des détenus concernés aux présidents des tribunaux afin qu’ils délivrent ces documents », expliquent le coordonnateur du projet.

Enfin, les dispositions de la loi sur les avocats commis d’office ne sont pas respectées, donnant lieu à de nombreux abus au cours de l’enquête préliminaire. « Faute de conseil pour veiller sur leurs droits, les gens signent le procès verbal alors qu’ils ne savent ni lire, ni écrire. Pourtant, l’officier de police judiciaire (Opj) y rédige parfois des déclarations autres que celles tenues par le gardé à vue. Des notes qui lui seront par la suite préjudiciables pendant les audiences de jugement », dénonce Prosper Olomo. Plus grave, les Opj n’hésitent pas à pratiquer la torture pour arracher des aveux. « Soupçonnée de vol de téléphone portable, une détenue de la prison de New Bell a été bastonnée. Les coups de machettes sur la plante des pieds est aussi une pratique courante dans les prisons des grandes villes », conclut le coordonnateur du projet.

Anne Matho (Jade)


17/10/2012
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