Achat d'hélicoptères de combat: Les dessous de l'affaire Rémy Ze Meka

YAOUNDE - 05 MAI 2010
© THIERRY NYOPE | Dikalo

Tout ou presque a été dit autour de la convention qui a conduit à des soupçons de

détournements au ministère de la Défense. Pourtant, de nombreuses zones d'ombres subsistent.

L'imposante silhouette de Rémy Ze Meka a encore été perçue dans l'après-midi du 03 mai dernier à l'hôtel Hilton de Yaoundé. L'ex-Mindef était accompagné de certains de ses proches. Cette sortie survient alors que de nombreuses langues lui donnaient seulement 72 heures pour retrouver les geôles glacées de Kondengui. A compter de son premier passage devant le sieur Obelabout à la Direction générale de la recherche extérieure (Dgre). Ses détracteurs étaient tellement convaincus que certains se sont permis de sabler du champagne.

Pourtant, selon des sources bien introduites, Rémy Ze Meka répondait simplement à une convocation du maître des céans à qui il avait été demandé de faire toute la lumière autour de la convention qui portait sur l'achat de deux hélicoptères de combat du temps où il officiait encore comme ministre de la Défense. Il aurait d'ailleurs été entendu sur procès verbal. La convocation était en elle-même un évènement qu'elle n'a pas manqué de faire les choux gras de la presse nationale.

Entre diatribes, accusations et contre-accusations, chacun est allé de son latin. Mais au fond, est-ce que toute la vérité a été dite autour de cette affaire qui a suscité tant de passions au sein de l'opinion nationale et dans les salons feutrés de la capitale politique du pays ?

Rémy Ze Meka s'était-il rendu à la Dgre pour être arrêté ou pour apporter des explications sur les multiples accusations de détournements qui pèsent sur lui dans le cadre de cette affaire ? A la vérité des faits, c'est la dernière préoccupation qui semble la plus plausible. Car, depuis qu'il est en disgrâce auprès du chef de l'Etat, beaucoup de choses ont été dites sur son compte et certains de ses anciens collaborateurs écartés des affaires ont purement et simplement ete mis aux arrêts.


L'affaire

Les auditions de Rémy Ze Meka dans les locaux de la Direction générale à la recherche extérieure, ont été à plus d'un titre à elles seules un évènement Parce que depuis qu'il est entré en disgrâce auprès du chef de l'Etat, il se susurrait dans les couloirs du Mindef que sa tête n'allait pas tarder à tomber. Il ne restait plus qu'à trouver la bête noire. Et ça n'a été qu'une question de mois. Nommé le 30 juin 2009, Edgar Alain Mebe Ngo’o, l'actuel ministre délégué à la présidence, chargé de la Défense n'a pas perdu trop de temps pour s'attaquer aux dossiers sulfureux de son prédécesseur.

Au titre de dossiers, il se trouve un qui semble dégager quelques élans d'affairisme. Il s'agit du dossier portant sur une convention d'achat de deux hélicoptères devant servir à la surveillance de la zone de Bakassi, où sévissent sporadiquement des bandes de pirates. Les éléments à la disposition du Mindef montrent que la convention a été signée entre les différentes parties contractantes et l'argent a même été décaissé par les pouvoirs publics, mais pas de traces d'un seul appareil. Edgar Alain Mebe Ngo'o face à ce qu'il considère comme des manquements graves à l'éthique managériale et aux règles de bonne gouvernance, va se saisir du dossier afin de tirer toute l'affaire au clair.


Péripéties

Nos sources nous apprennent effectivement que dans le cadre du conflit qui opposait le Cameroun au Nigeria sur la péninsule de Bakassi, Rémy Ze Meka, du temps où il faisait la pluie et le beau temps au ministère de la Défense, avait proposé au chef de l'Etat d'accorder aux forces armées la possibilité d'avoir des hélicoptères pour la surveillance de la zone de démarcation. Cet arsenal devait également servir au cas où les troupes nigérianes refusaient de se retirer pacifiquement selon les recommandations de la Cour internationale de justice de la Haye. Mais parce que l'opération était partielle, Rémy Ze Meka avait proposé au chef supérieur des armées une option d'achat moins coûteuse qui mettait en exergue l'acquisition des hélicoptères «Gazelle» en fin de cycle, à un coût relativement moins élevé. Il s'était adjoint des services du général français à la retraite, Raymond Germanos, par ailleurs ancien conseiller du chef de l'Etat en matière militaire. Usant de ses appuis, ce dernier entrera à son tour en contact avec un certain Farjon, un homme d'affaires qui a beaucoup traîné son ombre dans des réseaux tant au Cameroun qu'en Afrique. C'est donc lui qui débusquera l'oiseau tant convoité dans un pays du Golfe arabo-persique. Informé, le chef de l'Etat confiera le dossier au ministre d'Etat, secrétaire général de la présidence de la République, pour diligences appropriées.

C'est justement lui qui apposera sa signature, au nom de l'Etat du Cameroun sur la convention qui fait actuellement problème. Contrairement à ce qui a été souligné antérieurement, nos sources nous révèlent que l'argent n'aurait pas été décaissé par le ministère des Finances, mais plutôt par la Société nationale des hydrocarbures (Snh) et directement sur le compte de l'autre partie contractante. Certaines sources parlent de 2 milliards, soit un milliard par hélicoptère.

Mais fort heureusement, au moment où la partie contractante s'apprête à aménager les appareils au goût des nouveaux acquéreurs, le Nigeria décide de retirer ses troupes de façon pacifique. Ce qui fait que le Mindef se trouve embarrassé et propose une fois de plus au chef supérieur des armées une autre option. Que d'acheter un arsenal en fin de cycle qui ne servirait à rien, il lui propose de réévaluer la première option d'achat, en acquérant des «Gazelles» nouvelle génération, quitte à ajouter de l'argent. Une fois de plus il reçoit un Ok. Mais entre temps, le vent souffle et il est éjecté du gouvernement.

Une fois en fonction, son successeur, au lieu de s'aligner sur ses pas, va plutôt commettre une autre expertise qui va aboutir à l'annulation purement et simplement de la «convention», pourtant signée par le ministre d'Etat, secrétaire général de la présidence de la République et non par le Mindef. Mais cela n'a pas d'importance. Car d'après certains dires, les enquêtes ont permis de se rendre compte que le premier décaissement n'est jamais parvenu aux fournisseurs d'hélicoptères. L'argent se serait volatilisé. Comment ? Par quelle voix ? Quelle est le rôle de l'ex-Mindef dans cette transaction, si tant il est vrai que l'argent aurait été directement versé dans le compte de la partie contractante comme c'est généralement le cas dans ce type d'opération ? La voie est ouverte à toutes sortes d'explications et d'hypothèses.

Certains observateurs situent cette affaire dans le cadre de la guéguerre politicienne qui opposerait actuellement deux fils d'une même région, en mal de positionnement. On est sans ignorer que dans ce fief, le Dja-et-Lobo en général, et l'arrondissement de Zoételé en particulier, l'union des cœurs n'est pas toujours la chose la mieux partagée. Certaines langues ont même laissé entendre que l'arrestation de l'ex-secrétaire de Ze Meka, Ngo Bassanaga, dans le cadre d'une affaire de faux tract et son jugement par le tribunal militaire, aurait été motivé et entretenue par l'actuel Mindef. Heureusement pour elle, la Chambre du contrôle de l'instruction de la Cour d'appel du centre a décidé de mettre un terme à son calvaire à la prison centrale de Kondengui. Affaire à suivre.



06/05/2010
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