80ème anniversaire: Paul Biya comme un coureur de marathon

DOUALA - 13 FEV. 2013
© Jacques DOO BELL | Le Messager

Lorsqu’il hérite des rênes du pouvoir le 06 novembre 1982, Paul Biya, alors Premier ministre d’Ahmadou Ahidjo, son prédécesseur a 49 ans révolus et se trouve à l’aube d’un demi-siècle d’existence. Puisqu’il est né le 13 février 1933.

Son accession à la magistrature suprême est le couronnement d’une belle carrière administrative qui a commencé en 1962 comme directeur du cabinet du ministre de l’Education nationale: Aurelien-Wylliam Etéki’a Mboumoua, aujourd’hui président de la Croix-rouge camerounaise.

L’avènement à la présidence de la République de ce grand commis de l’Etat réputé discret, sobre, effacé à la limite lui vaut un accueil des plus chaleureux et enthousiastes à travers le pays. Le Cameroun sort alors d’un long règne d’un régime politique autoritaire qui tolérait peu ou prou la liberté d’expression, le mouvement des personnes. Pour échapper à cette « dictature tropicale » soutenue par la France au détriment de l’Union des populations du Cameroun (Upc), mouvement de libération qui, depuis sa naissance en avril 1948, se battait pour la réunification des deux Cameroun sous-tutelle et l’indépendance intégrale du pays, plusieurs cadres et citoyens de toutes les classes et conditions sociales étaient contraints à l’exil, s’ils n’étaient pas assassinés. L’histoire est suffisamment connue.

Conscient de cette situation, Paul Biya s’illustre tôt comme « Moïse » pour le peuple juif en captivité en Egypte. Dans son discours d’investiture, les termes rigueur et moralisation sont perçus comme les rayons lumineux d’une ère de changement positif. Il inaugure en 1987 la multiplicité des opinions et des candidatures au sein du parti unique dont il est aussi l’héritier, fait adopter en décembre 1990, une batterie de lois sur la liberté des associations, permettant ainsi le multipartisme intégral. A ce jour le Cameroun compte plus de 200 formations politiques. Presque autant que les dialectes qui fleurissent dans ce pays à la forme d’un triangle. Tout ceci malgré des obstacles dont une tentative de coup d’Etat le 6 avril 1984 qui sera réprimé presque sans état-d’âme.

Dans une Afrique en proie à des déchirements, des conflits et des guerres fratricides, le Cameroun demeure paisible et stable, en dépit de quelques remous de surface. On peut affirmer avec certitude que la préservation de la paix au Cameroun est une dynamique de tout un peuple épris de paix autour d’un chef dont la longévite au pouvoir n’est pas moins tributaire de la paix et de la stabilité du pays. Quelqu’un a dit de lui qu’il maîtrise seul « l’entrelac des gouverneurs, préfets et sous-préfets et même des chefs traditionnels fonctionnarisés qui font que le navire Cameroun peut naviguer en pilotage automatique ».


Personnage imprévisible

Cette manière de gouverner n’est pas de nature à ne lui susciter que de nombreux admirateurs. Ceux qui le trouvent cassant et qui en sont agacés sont de plus en plus nombreux. Surtout ces dernières années. L’opération « Epervier », espèce d’opération « mains propres », version tropicale, qui consiste à traquer et à mettre hors d’état de nuire des présumés prévaricateurs des fonds publics parmi lesquels ses proches collaborateurs a davantage fait de lui un « personnage imprévisible, redoutable et redouté ». Même si pour certains, c’est une manœuvre politicienne, destinée à briser des ambitions politiques des mis en cause.
De nos jours, la crainte des gestionnaires des biens publics n’est plus d’être mis à l’écart et les prisons camerounaises sont désormais ouvertes à tous sans exception. Encore ! Il n’en demeure pas moins que tous les prévaricateurs présumés ne connaissent pas souvent le même sort. Ce qui fait dire ceci à un observateur bien introduit dans les labyrinthes du système : « lorsque l’épée de Damoclès tombe, elle peut être mortelle ». Mais pas pour tous les présumés gestionnaires indélicats. Intervenant à un moment où d’aucuns voyaient Paul Biya au crépuscule du pouvoir, cette opération apparaît comme une lutte sans merci pour éliminer les uns en faveur d’un dauphin dont le portrait tarde à se manifester, à surgir. La question de la longévité du chef de l’Etat camerounais au pouvoir taraude bien des esprits. Aux journalistes français qui lui demandaient s’il ne se sentait pas usé par 30 ans d’exercice du pouvoir, Paul Biya leur retourna la question suivante : « ai-je l’air si fatigué que cela ? » A 80 ans sonnés ce 13 février 2013, 30 ans de magistrature suprême auxquels il faut ajouter 7 années à la Primature et les autres états de services dans les rouages de la haute administration, c’est assommant. Mais Paul Biya, comme un coureur de marathon continue magistralement la course. Pourvu qu’il ne s’écroule pas à quelques mètres d’une ligne d’arrivée qu’il est seul à situer.



13/02/2013
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