25 ans après: Sankara, l'immortel…

YAOUNDÉ - 16 Octobre 2012
© Georges Ngankap et Nadine Bella | La Météo

«Tom Sank», comme certains l’appellent, veut être un président différent. Il incarne un certain enthousiasme. Il commence par prendre quelques mesures draconiennes,


Thomas Sankara
Photo: © Archives


Thomas Isidore Noël Sankara est né le 21 décembre 1947 dans une famille de la bourgeoisie moyenne, et très chrétienne, qui souhaitait d'ailleurs le voir devenir prêtre. Il ne l'est pas devenu, mais sa foi chrétienne reste inébranlable, même lorsqu'il devient un marxiste convaincu. Sa carrière militaire commence à 19 ans, avant qu'il ne soit envoyé poursuivre sa formation à Madagascar. Il a ainsi l'occasion d'observer de ses propres yeux les soulèvements populaires contre la néo-colonisation (1971-1972). Il retourne en Haute-Volta en 1972, et participe à la guerre contre le Mali de 1974. Il va ensuite en France, puis au Maroc où il rencontre en 1976 Blaise Compaoré. Les deux hommes deviennent rapidement très proches, se considérant comme des «frères». Aux côtés d'Henri Zongo et Jean-Baptiste Boukary Lingani, ils forment le Rassemblement d'officiers communistes (Roc) qui deviendra le rassemblement de jeunes officiers, durant la présidence de Saye Zerbo (1980-1982).

Le sémillant officier de l'armée est nommé secrétaire d'Etat à l'Information en septembre 1981. Il fait sensation en se rendant à vélo à sa première réunion de cabinet. Dépité par la gouvernance du régime en place, il démissionne avec fracas le 21 avril 1982. Pour marquer sa protestation, il déclare: «malheur à ceux qui veulent bâillonner le peuple». Le 07 novembre 1982, un coup d'Etat place Jean-Baptiste Ouedraogo au pouvoir. En janvier 1983, Thomas Sankara sera nommé Premier ministre (Pm). Après une visite du conseiller français aux affaires africaines, Jean-Christophe Mitterrand, le fils du président français François Mitterrand, Thomas Sankara est placé en résidence surveillée. Avec son ami d'armes Blaise Compaoré, il organise un coup d'Etat le 04 août 1983: Au terme de ce putsch qui débarque Jean-Baptiste Ouédraogo, le 04 août 1983, Sankara accède au pouvoir.


L'ère de Sankara.

«Tom Sank», comme certains l’appellent, veut être un président différent. Il incarne un certain enthousiasme. Il commence par prendre quelques mesures draconiennes, notamment la vente des voitures de luxe des membres du gouvernement. Très relaxe, il se déplace personnellement en Renault 5. Il n'hésite pas à reprendre à son compte certaines thèses panafricanistes de Patrice Lumumba ou Nkwame Nkrumah. Sa vision ne le limite pas au seul Burkina-Faso, puisqu'il est très actif à dénoncer la néo colonisation: Pourfendeur du régime d'Apartheid en Afrique du Sud, il fait sensation en s'opposant au paiement de la dette des Africains envers l'Occident. Lors d'un sommet de l'Organisation de l'unité africaine (Qua) à Addis-Abeba, il s'écrie «Je dis que les Africains ne doivent pas payer la dette. Celui qui n'est pas d'accord peut sortir tout de suite, prendre son avion et aller à la Banque mondiale pour payer». Du jamais vu dans une Afrique entièrement soumise à la volonté des puissances occidentales!


Des erreurs du jeune leader.

Dans l'enthousiasme de la révolution, il remplace 2600 instituteurs par des révolutionnaires, peu qualifiés. Pour faire contrepoids à l'armée, il encourage la création des milices, qui finit par instaurer l'insécurité dans le pays. Par ailleurs, il muselle la presse, et met en prison quelques uns de ses opposants. Un conflit frontalier va conduire à des affrontements avec le Mali, durant lesquels prés de 100 personnes perdent la vie.

Lors du 4ème anniversaire de la révolution, Sankara reconnaît quelques-unes de ses erreurs, et décide d'infléchir certains aspects de la révolution. On lui prête notamment la phrase: «Je préfère faire un pas avec le peuple, que cent sans le peuple». L'attitude de Sankara, et la grande popularité dont il jouit au sein de la jeunesse africaine finit par lui attirer la méfiance de ses voisins, et de certains pays occidentaux, dont la France. Mais comme souvent, l'ennemi ne vient pas de loin. Des rumeurs de complot bruissent. Sankara les entend, et on lui prête les propos suivants: «On peut tuer un homme, mais on ne peut pas tuer ses idées», ou commentant l'attitude de Blaise Compaoré «Le jour que vous entendrez que Blaise Compaoré prépare un coup d'Etat contre moi, ce n'est pas la peine de me prévenir. Car, ce serait trop tard». Ce qui est certain, c est que le capitaine Compaoré ignore les recommandations de Sankara, et vit dans un luxe insolent. Il a également épousé un membre de la famille d'Houphouët-Boigny, le président de la Côte d'Ivoire, un pays qui voit Sankara d'un mauvais œil, qui digère mal les discours de Sankara, et qui craint qu'il fasse tache d'huile en Afrique.


Le jour de l'imparable.

Le 15 octobre 1987, Thomas Sankara est en réunion avec des conseillers quand des bruits d'armes automatiques résonnent. Il aurait dit à ses conseillers «Restez, c'est à moi qu'ils en veulent». Il sort du palais, en short, les mains en l'air, mais visiblement les mutins n'avaient pas pour consigne de l'arrêter, mais de le tuer. Quelques rafales mettent fin à sa vie, ainsi qu'à celle de douze de ses conseillers. Comme une façon de tuer le symbole une seconde fois, il est enterré sommairement, comme un vulgaire personnage. L'onde de choc provoquée par son décès, dans la jeunesse africaine et notamment burkinabé, pousse le régime à lui donner une sépulture plus convenable plus tard. Son «ami» de longue date Blaise Compaoré (avec qui il partage le même dortoir lors de leur formation à l'Ecole militaire interarmes de Yaoundé au Cameroun) prend le pouvoir après sa mort, et prétend avoir agi ainsi parce que Sankara projetait de l'assassiner. Jusqu'aujourd'hui, ses propos n'ont jamais convaincu grand monde.


Des pensées mémorables de Thomas Sankara

«Je préfère faire un pas avec le peuple, que cent sans le peuple». «On peut tuer un homme, mais on ne peut pas tuer ses idées», «Le jour que vous entendrez que Blaise Compaoré prépare un coup d'Etat contre moi, ce n'est pas la peine de me prévenir. Car, ce serait trop tard».

«Je souhaite qu'on garde de moi l'image d'un homme qui a mené une vie utile pour tous»

«Le néo-colonialisme, à bas! L'impérialisme, à bas!»

«Je dis que les Africains ne doivent pas payer la dette. Celui qui n'est pas d'accord peut sortir tout de suite, prendre son avion et aller à la Banque mondiale pour payer»



17/10/2012
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