1990-2012: 22 ans d’échecs pour l’opposition camerounaise - Pourquoi toutes les tentatives de regroupement n’ont pas prospéré

DOUALA - 26 NOV. 2012
© Edouard Kingue | Le Messager

Opposition politique: On a tout essayé ?

La récente création d’un regroupement nommé Pacte républicain, qui a fait scission avec ce que les medias ont appelé ‘groupe de 7’ est là pour témoigner de la difficulté, pour les leaders politiques, de se mettre ensemble pour donner au pays les moyens d’une alternance crédible.

Depuis 1990, de tentatives de regroupements en alliances éphémères, assurément l’opposition s’est donné des verges pour se faire fouetter. Dans une ‘note explicative’ Maître Momo Jean De Dieu, président du Paddec, l’un des inspirateurs du Pacte républicain et ancien du G7 où il a été exclu pour non-respect de la discipline de groupe déclare : « les signataires du Pacte républicain auraient repoussé le Sdf en raison de son rapprochement avec le Rdpc. Non, cela n'est pas exact. Le Pacte républicain nait de la volonté de certains leaders de l'opposition de mutualiser leurs forces, énergies et finances en vue de la conquête du pouvoir législatif et municipal partout au Cameroun.L’idée est de se mettre tous ensemble et en raison de l'influence de chaque parti dans telle région, établir des listes pour les prochaines élections avec l'idée d'avoir un seul adversaire en face le Rdpc selon la devise tous pour un et un pour tous. Ainsi nous nous partagerions le pays selon les zones d'influence de chaque parti. Nous battrons ensemble campagne pour chaque parti membre dans sa zone d'influence et vice versa ». Evidemment, le Pacte républicain est ouvert à tous les autres partis politiques et à la société civile sans exclusion. Eclusions ! Le maître-mot est lâché. Depuis 1990 et l’avènement du multipartisme, alliances et regroupements ont toujours volé en éclats soit au lendemain des élections, soit avant. Le Sdf est toujours mis en cause : « il m'a semblé qu'un certain parti politique a souhaité ne pas y adhérer en estimant que les autres partis existant devaient simplement se fondre dans son parti et lui donner nos voix. il n'a pas ouvert une autre porte alternative. Évidemment cela n'est pas acceptable », s’insurge Me Momo. « Le dialogue républicain avec le principal adversaire n'est pas condamnable mais depuis 1990 nous n'avons pas souvenance que ceux-là aient jamais manifesté de la bonne foi en une seule occasion. il n'y a pas de raison que cela change, que des gens qui ont l'habitude de ruser pour surprendre le peuple en évoquant des problèmes de sémantiques changent subitement, surtout à la croisée des chemins où le régime peut tomber à tout moment. Il y a ceux qui ont choisi de quémander leur pain au régime pour avoir des parcelles de puissance et ceux qui veulent renverser le régime pour avoir toute la puissance de l'Etat pour l'instauration de la nouvelle République du Cameroun ».

Alice Sadio de l’Afp ne le pense pas moins : « La déclaration de Foumban (12 mai 2012) comportait entre autres résolutions, la résolution 5 relative à la mise sur pied d’un secrétariat stratégique avec pour mission de proposer un modèle de structuration de l’opposition afin de donner un nom de baptême avec un contenu lisible pour remplacer l’appellation « G7 » dans le but de tracer une nouvelle trajectoire stratégique pour l’opposition. Le Sdf, ayant signé cette déclaration, s’est curieusement inscrit après coup dans une logique de violation de cette résolution 5 en ne participant jamais aux travaux dudit secrétariat et en disant à qui voulait l’entendre que la réforme de l’opposition ne le concerne pas ».

Le G7 à l' origine regroupait 7 partis politiques de l'opposition sur la vingtaine qui a pris part à l'élection présidentielle d'octobre 2011. Il vient de voler en éclats au profit d’un avatar dénommé ‘Pacte républicain’. Cela rappelle 2004 et la troisième élection présidentielle depuis le retour de notre pays au multipartisme en 1990. Autant de tentatives de regroupements et alliances soldées par l’échec. L’opposition semblait avoir tiré les leçons des échecs passés comme en 1992 ou 1997, où après avoir tenté de s’unir, les leaders n’étaient pas tombés d’accord sur qui porter le choix de leur représentation. Le Sdf avait librement porté son choix sur Adamou Ndam Njoya, leader de l’Udc, afin de se donner plus de chances que jamais d’ébranler le pouvoir Rdpc.

Après la signature par ces deux partis de la « Déclaration commune de partis de l’opposition » par laquelle ces derniers s’engageaient entre autres à « présenter un candidat unique aux élections présidentielles de 2004 », les contacts se poursuivaient sous la houlette de l’Union Démocratique du Cameroun pour rallier d’autres partis à cette cause commune. Mais le revirement de dernière heure de Fru Ndi a tout fait basculer.

Tout a commencé dès février 1991, les premiers partis politiques sont légalisés. Regroupés au sein de la Coordination de partis politiques et des associations, les toutes nouvelles formations politiques revendiquent l’organisation d’une « Conférence nationale souveraine ». Les récents partis d’opposition et ces groupes se coalisent dans la Coordination nationale des partis de l’opposition et associations (Cnpoa), vite interdite. On se souvient également de l’arc-Cns. En 1992, la plate forme dénommée Alliance pour la réconciliation du Cameroun et la conférence nationale souveraine (Arc Cns), constituée des leaders de l’opposition a implosé et l’opposition est allée en rangs dispersés Alliance pour le redressement du Cameroun par la conférence nationale souveraine était une structure politique née au lendemain de l’éclatement de l’ex-coordination et censée regrouper le gros de l’opposition radicale au régime de Yaoundé. Si l’Arc apparut au départ comme l’ouvrage du ténor du Sdf, avec une kyrielle de micro-partis et associations gravitant autour de John Fru Ndi, les choses semblent avoir changé avec l’élection de Ndoh Michel comme nouveau président. Comme l’ex-coordination, l’Arc n’a publié jusqu'à ce jour aucun document sur la conférence nationale souveraine, aucun livre blanc sur la répression implacable du peuple.

En 2001, en vue de l’élection présidentielle, ‘L’opposition patriotique, panafricaniste et progressiste a entamé son regroupement dans le cadre de la Cfdp (Convergence des forces démocratiques et progressistes) qui regroupe des partis politiques, des syndicats et des associations qui se reconnaissent dans la plate-forme de la Cfdp, menée par le Manidem a fait long feu. Que reste-t-il alors ? On a tout essayé. Demain le Cameroun ? Pour quelle alternance ?

Edouard Kingue


Déchéance camerounaise: Un pouvoir corrupteur, une opposition imbécile, un peuple émasculé

Rarement on a vu autocritique à l’accent ‘chirurgical’, issu de ses propres rangs ou des rangs de ceux qui se réclament du ‘peuple de gauche’. Aujourd’hui des voix s’élèvent pour dire qu’autant le régime Biya est un malade à la phase terminale, autant ses adversaires souffrent d’une ‘libido’ défaillante qui les conduit à la sénilité.

« L’opposition n’est pas imbécile. Elle n’a pas, tout simplement, le bras long. Ou pas encore. » Dixit Hubert Mono Ndjana qui réagissait aux propos tenus par Achille Mbembe. Le chercheur camerounais s’était en effet fendu d’une déclaration à Rfi le 12 octobre 2011, où dit Mono Ndjana en réaction, il « s’est laissé emporter par la verve qu’on lui reconnaît volontiers, jusqu’à taxer d’imbécillité toute l’opposition politique camerounaise ». L’enseignant camerounais d'histoire et de sciences politiques à l'Université Witwatersrand de Johannesburg dans une interview à nos confrères de Rfi, donnait les raisons de l’immobilisme au sommet de l’Etat au lendemain de la présidentielle du 9 octobre : « Le régime camerounais en particulier, est parvenu à émasculer la société civile. L’alternative politique au Cameroun dans les circonstances actuelles ne sera pas le produit des élections ».

Pour Achille Mbembe: « Biya a mis en place un rouleau compresseur qui a permis de faire imploser le Sdf. Le Sdf paye d’autre parts son propre aveuglement et son incapacité à analyser objectivement les transformations de la société camerounaise, à s’engager dans une lutte politique sur le long terme. Et donc nous avons à faire aujourd’hui à une opposition imbécile, qui ne sait pas faire masse et qui a perdu énormément de sa crédibilité. »

Réagissant à ces affirmations, Mono Ndjana a écrit : « je proteste au nom de mon collègue Nyamdih, professeur d’université comme Achille Mbembe, qui a pris part à cette élection contre le président Biya, qui n’est pas imbécile. Pour les mêmes raisons, je proteste au nom de tous les autres candidats qui sont des citoyens respectables et valables comme les Joachim Tabi Owono, ingénieur agronome qui a exposé un beau projet pour le monde rural ; comme Jean-Jacques Ekindi, issu de l’école polytechnique française, militant du fédéralisme ; comme Bernard Muna, avocat international dont la verve et les livres publiés font autorité ; comme Adamou Ndam Njoya, créateur de la nouvelle éthique ; comme Garga Haman Adji, champion sérieux de la lutte anti-corruption et chasseur de « baleines » ; comme tous les autres braves animateurs de la scène politique nationale, tels Kah Walla, Esther Dang, Anicet Ekanè, Albert Ndzongang et d’autres jeunes loups, qui tous, ont pondu des ouvrages programmatiques ».
Ce n’est pas de l’avis de l’enseignant camerounais basé en Afrique du Sud. Selon lui, notre société a du mal à faire corps. Les formes d’identification ethniques, sectaire ont été aggravées au cours des 30 dernières années : « C’est une société également où les gens ne veulent pas prendre le risque de mourir pour des causes qui leur sont chères. Comme partout ailleurs en Afrique, ils estiment que la liberté peut leur être octroyée à crédit. Et tant que c’est le cas, tant que cette mentalité persiste M. Biya peut dormir absolument tranquille. »

L’opposition, après le pouvoir est donc la principale cible d’Achille Mbembe. Les Camerounais ne sont pas loin de partager cette opinion. Maurice Kamto définit l’opposition camerounaise comme un assemblage hétéroclite du bon peuple et de bon esprit. « Depuis ce qu’il est convenu d’appeler « élites » jusqu’à ce que l’on nomme « intellectuels », ce magma en ébullition d’où s’arrachent à l’occasion quelques laves en furie, dévastatrices, dans une coulée désordonnée comme les paroles tumultueuses d’une âme en colère. Opposition protéiforme, scandaleusement bigarrée, en quête de je sais quoi, à la recherche de ce que nul ne sait et de ce qu’elle-même ignore », écrit Maurice Kamto. Il soutient d’ailleurs dans cet exposé qu’il y a plusieurs oppositions au Cameroun, qui fonctionnent dans un milieu hostile où « la confusion s’installe à l’arrivée de nouveaux entrants et que rancœur et haines détournent de la cible ultime ».
De John Fru Ndi le précurseur, à Maurice Kamto, le dernier arrivé, beaucoup d’eau a coulé sous le pont de l’opposition politique à la recherche d’un nouveau souffle. D’où viendra la lueur ? On sait que la classe politique a vieilli considérablement et qu’à l’instar du pouvoir, il lui faut se régénérer pour répondre aux défis d’une population majoritairement jeune et qui ne se reconnaît plus dans les has been ou se méfie d’hommes miracles.

Edking



27/11/2012
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